Comment la chasse conservation sauve des espèces en danger
Et comment l’arrêt de la chasse produit l’effet inverse…
C’est contre-intuitif et peut-être difficilement acceptable pour certains mais oui, la chasse a permis et permet encore de sauver certaines espèces de l’extinction. Les exemples américain et namibien avec, en particulier, le cas du rhinocéros noir sont les exemples parfaits de ce qu’une chasse de conservation peut apporter.
Bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica pyrenaica)
La chasse dans nos sociétés modernes n’est plus une chasse vivrière mais un loisir et une passion. Bien entendu, les chasseurs consomment le produit de leur chasse mais ce n’est plus le but premier. Le chasseur moderne est conscient des fragilités des éco-systèmes et adapte son comportement à celles-ci. Comme le disait si bien François Sommer, la nature est un capital dont nous ne devons prélever que les intérêts. Les espèces sauvages ne sont plus considérées comme une ressource que l’on peut exploiter jusqu’à extinction. Le dernier animal disparu en France à cause de la chasse est le bouquetin des Pyrénées et cela remonte à 1910. Il faut remarquer qu’il n’était pas chassé du côté espagnol et que cela n’a pas empêché sa disparition.
A l’inverse, l’arrêt de la chasse est souvent contre productif car ce sont les chasseurs qui s’investissent bénévolement pour sauvegarder l’habitat, faire des comptages et accumuler des données statistiques et des connaissances naturalistes. L’exemple du grand tétras le démontre bien. Dans les Vosges, l’arrêt de sa chasse dans les années 70 (d’ailleurs demandé par les chasseurs) n’a pas empêché sa disparition. Ce sont les nuisances du monde moderne (fermeture du milieu, tourisme, randonneurs, stations de ski…) qui sont la cause de cette extinction. Le cas de la perdrix grise dans le canton de Genève est une autre démonstration de l’inanité des politiques d’interdiction. Les quelques rares couples nicheurs encore présents ont été décimés par les renards qu’un règlement cantonal interdit de réguler. Résultat, la perdrix grise est aujourd’hui officiellement déclarée éteinte en Suisse.
« Il est regrettable que les conditions locales ne permettent pas de limiter l’impact de la prédation …. quand on sait que les renards sont en augmentation artificielle dans nos régions. »
Jérôme Duplain, responsable du projet perdrix grises et délégué de la Station Ornithologique de Sempach
Quelles sont les vraies menaces ?
Il faut donc se poser la bonne question : quelles sont les menaces réelles à la survie d’une espèce animale aujourd’hui ? Nous venons de voir que les chasseurs sont maintenant conscients des équilibres à respecter. Il n’y a donc plus une espèce qui soit mise en danger par la chasse. Il faut aller chercher ailleurs les causes des baisses d’effectif de certaines populations d’animaux.
Tous les scientifiques s’accordent à dire que ce sont les destructions d’habitat, les pollutions, l‘artificialisation des sols, l’extension des cultures aux dépens des espaces sauvages, la sur-fréquentation due au tourisme et le braconnage qui sont les véritables dangers.
La chasse protège les biotopes
Pour certaines espèces le pire fléau est le braconnage mais toutes sont concernées par la destruction de leur habitat. Que ce soit l’éléphant ou la tourterelle des bois, il faut des aires de reproduction, de nourrissage et de vie. Les territoires de chasse préservent les habitats des nuisances de l’urbanisation ou d’une certaine agriculture.
L’exemple du parc naturel de la Sierra de Andújar très bien étudié1 par Eduardo Araque Jiménez et José Manuel Crespo Guerrero démontre que la conservation de la nature est non seulement compatible avec la chasse mais que celle-ci est même une garantie de conservation. Cette étude montre que la conservation des espèces présentes et de leurs habitats repose sur l’existence de grands territoires (privés en général) qui sont exploités à des fins cynégétiques et que cette activité génère de hauts revenus qui empêchent la transformation de ces zones sauvages en cultures ou en zones pavillonnaires.
La situation est encore plus marquée en Afrique sub-saharienne où 1,4 millions de km2 (140 millions d’hectares) sont des réserves de chasse soit 22% de plus que la superficie de l’ensemble des parcs nationaux. Ces millions d’hectares sont des zones où la nature est préservée des atteintes et des destructions que l’on peut observer dans les pays qui ont interdit la chasse.
Le cas des États-Unis
Les États-Unis sont un modèle en la matière. Le développement rapide de ce pays a conduit a bien des excès que les autorités se sont appliquées à corriger depuis le début du XXème siècle. Le bison, massacré pour sa viande, avait presque disparu ; il est de nouveau abondant aujourd’hui au point de menacer certains éco-systèmes dans les parcs nationaux. Cela concerne bien d’autres espèces et parmi elles des espèces chassées.
Voici quelques exemples d’évolution des effectifs d’espèces chassées aux États-Unis :
1900
Aujourd’hui
Cerf de Virginie
500 000
32 000 000
Antilope Pronghorn
12 000
1 100 000
Dindon sauvage
100 000
7 000 00
Mouflon nord-américain
15 000
85 000
Wapiti des Rocheuses
41 000
1 000 000
L’exemple du Rhinocéros noir (Diceros bicornis)
Rhinocéros noir (Diceros bicornis)
Cet animal est considéré comme en « danger critique d’extinction » par l’UICN2. En 1970, il y en avait encore 70 000 en Afrique ; ce nombre n’a cessé de chuter pour atteindre le seuil alarmant de 2500 individus en 1995. Devant ce danger les gouvernements des pays concernés, certaines ONG et des propriétaires privés se sont mobilisés. Depuis, les effectifs augmentent chaque année pour atteindre aujourd’hui 5650 animaux. Cela n’aurait pas été possible sans des mesures strictes de protection et des relocalisations depuis des zones dangereuses jusqu’à des endroits plus sûrs. C’est bien l’homme qui a mis cette espèce en danger mais c’est l’homme qui est aussi à l’oeuvre pour la sauver. Le rhinocéros noir a été réintroduit en Afrique du Sud, au Malawi, au Swaziland et au Rwanda après que les populations locales aient été décimées.
Le comble de l’ironie est que, lorsque la Tanzanie (pays dans lequel ils ne sont pas chassés) a voulu réintroduire les rhinocéros noirs, il a fait appel pour cela à un pays qui les chasse.
C’est l’Afrique du Sud qui a fourni les 9 individus réintroduits en 2020 dans la réserve du Serengeti ! Encore un exemple des bienfaits de la chasse aux trophées ou chasse conservation.
L’UICN et tous les organismes concernés s’accordent à dire que les deux menaces principales pour le rhinocéros sont le braconnage et la destruction de son habitat. La Chine, en autorisant le commerce de poudre de corne, porte une responsabilité énorme dans la mise en danger de cet animal. Ce n’est donc pas la chasse qui est à l’origine de cette situation. Il faut d’ailleurs s’insurger contre l’amalgame fait dans la presse généraliste entre chasse et braconnage.
Une certaine forme de condescendance
Il faut aussi noter la condescendance dont font preuve certains occidentaux à l’égard des gouvernements africains, en particulier à l’égard ceux qui autorisent la chasse. En parlant du Botswana, Mike Chase, directeur de l’ONG Elephant Without Borders déclare : « nous ne devons pas attendre du gouvernement qu’il relève seul ces défis complexes. » Difficile de faire plus méprisant…
La Namibie, un exemple de chasse-conservation
Il y a 30 ans, ce pays comptait moins de 400 rhinocéros noirs, ils sont aujourd’hui presque 2000. Comment est-ce possible alors que la Namibie en autorise la chasse ? Nous allons voir pourquoi et comment.
La protection du rhinocéros noir fait l’objet d’une stratégie mise en oeuvre par le gouvernement avec le concours d’ONG et du secteur privé. Elle vise trois objectifs principaux :
Accroitre l’habitat favorable
Augmenter la population
Combattre le braconnage
Cela a permis de doubler la population de rhinocéros noirs de 1995 à 2015, ce qui fait dire à Chris Brown et Gail C. Potgieter du bureau de l’environnement namibien que la politique mise en oeuvre est un vrai succès.
« Namibia is an exceptional conservation success story. We are amongst a handful of countries in the world that have enabled wild animals like rhinos to increase in their natural habitat. After nearly losing all our precious free-ranging black rhinos, we are proud of the fact that today, Namibia hosts close to 2000 black rhinos. These account for 33% of the entire black rhino species and 85% of the south-western subspecies. »
(« La Namibie est une réussite exceptionnelle en matière de conservation. Nous faisons partie d’une poignée de pays au monde qui ont permis à des animaux sauvages comme les rhinocéros de se développer dans leur habitat naturel. Après avoir presque perdu tous nos précieux rhinocéros noirs en liberté, nous sommes fiers du fait, qu’aujourd’hui, la Namibie héberge près de 2 000 rhinocéros noirs. Ceux-ci représentent 33 % de l’ensemble des espèces de rhinocéros noirs et 85 % de la sous-espèce du sud-ouest. »)
Une chasse strictement encadrée
Seuls 5 animaux sont chassés chaque année, ils sont sélectionnés par le ministère de l’environnement. Il s’agit de bêtes âgées qui ne sont plus des reproducteurs ; Ils ont plus de 25 ans (l’espérance de vie d’un mâle est de 30 ans). Cela ne représente que 0,26% des rhinocéros noirs présents en Namibie. Le chasseur est accompagné par des rangers du ministère et doit faire l’objet d’un agrément délivré par le gouvernement.
Cette chasse sélective est bénéfique
Elle améliore la qualité des animaux car elle :
diminue la consanguinité
diminue les conflits entre mâles
diminue la mortalité juvénile (les vieux mâles attaquent souvent les nouveaux-nés)
rééquilibre le ratio mâle/femelle car il y a un léger déséquilibre naturel des naissances en faveur des mâles (53%)
Encore plus important, elle permet la sauvegardes des biotopes favorables à cette espèce.
Une chasse qui Génère des revenus importants
Chasser un rhinocéros coûte très cher, parfois plus de 100 000 $. Le chasseur doit en effet s’acquitter d’une taxe, dont le montant est fixée par les autorités locales en fonction d’un ensemble de critères : taille de l’animal, espèce menacée ou non, importance de la population locale… La Namibie empoche chaque année environ 20 millions de dollars grâce à la chasse qui représente 14% du tourisme dans ce pays. La seule chasse du rhinocéros noir rapporte annuellement environ 400 000 $.
L’Afrique du Sud voisine empoche plus 150 millions d’euros par an grâce à la chasse.
argent réinvesti dans la conservation et la lutte contre le braconnage
Le président du groupe rhinocéros de l’UICN déclare3 : « Lorsque l’on parle d’un vieux mâle qui a déjà joué son rôle de reproducteur, l’impact de son prélèvement est minime. L’apport financier est important car les fonds ainsi générés sont investis à 100% dans le programme de conservation. » Les sommes perçues lors des attributions de chasse sont versées au Game Products Trust Fund et dédiées uniquement à la protection du Rhinocéros noir.
Les revenus issus de la chasse permettent d’engager des gardes et de les doter d’équipements performants. Le braconnage a été ainsi significativement réduit en Namibie. Il est à noter que la totalité du braconnage a lieu dans les parcs nationaux4 et que les braconniers ne sévissent pas sur les territoires privés destinés à la chasse car ceux-ci emploient environ 3000 gardes grâce aux revenus de la chasse.
La chasse conservation : faible impact et excellent revenu
Contrairement à ce que disent les opposants à la chasse, le tourisme photographique ne rapportera jamais autant d’argent et dérangera bien plus la faune que la chasse. On considère qu’en Afrique le chasseur et son guide sont seuls sur un espace de plus de 10 000 hectares alors que les parcs nationaux du Kenya accueillent 1,3 touriste à l’hectare ! Le tourisme de masse dans ces parc génère donc un dérangement considérable de la faune sans parler de la pollution des véhicules utilisés pour balader ce petit monde.
Le contre-exemple kenyan
A l’inverse, au Kenya, l’arrêt de la chasse depuis 1977 a produit des effets désastreux. Le choix du tourisme de vision oblige le pays à favoriser un tourisme de masse qui est une véritable nuisance écologique. Les parcs nationaux sont envahis par des hordes de touristes en 4×4 ; il faut une lourde infrastructure hôtelière pour les accueillir et les animaux souffrent de ce dérangement incessant. De plus, ce tourisme est tributaire de la situation intérieure du pays. Tout le monde sait que le Kenya est souvent soumis à des violences intérieures qui découragent le touriste moyen ce qui sera moins le cas du chasseur car il sait qu’il sera dans une zone préservée et sera encadré du début à la fin de son voyage.
De surcroit les revenus de ce tourisme ne sont pas aussi élevés que ceux de la chasse sportive. Le Kenya ne retirait annuellement que 50 millions de dollars de cette activité avant la crise touristique de 2012 alors que l’Afrique du Sud obtient 3 fois plus rien qu’avec la chasse.
« La chasse génère plus d’argent par client que le tourisme. Elle cause moins de perturbations de l’environnement, moins de construction d’habitats pour accueillir les visiteurs » indique une étude conduite par le docteur Peter Lindsey, chercheur zimbabwéen spécialiste des questions de conservation.
D’autre part, la non-régulation de certains animaux pose d’énormes problèmes aux populations locales (ravage des cultures en particulier). A tel point que le gouvernement kenyan avait envisagé en 2006 de ré-autoriser la chasse5. Richard Vigne, le directeur du parc national d’Ol Pejeta au Kenya est confronté à une surpopulation de lions et les solutions alternatives à la chasse sont coûteuses. Il faudrait, selon lui réintroduire la chasse aux trophées,« pour des raisons de conservation et de revenus. »
Enfin, le Kenya est un des pays les plus touchés par le braconnage. Il y avait 170 000 éléphants dans les années 60, il n’en reste plus que 35 000. Il n’y a plus que 2000 lions dans un pays qui en comptait 15 000 il y a 15 ans. Le Kenya n’a pas les moyens matériels de lutter efficacement contre ce fléau. Autoriser la chasse aux trophées lui permettrait de les accroitre. En 1977, dernière année de chasse autorisée, le pays avait touché 20 millions de dollars soit environ environ 67 millions d’euros actuels.
En août 2021, le gouvernement kenyan a publié un rapport annonçant de bons résultats dans la lutte contre les braconniers et des chiffres satisfaisants d’un recensement de la faune. Il est dommage que cela ne porte que sur 30 espèces et qu’aucune donnée comparative avec les années précédentes ne soit fournie. Cela ressemble fort à ces satisfecit que s’auto-attribuent les hommes politiques de tous les pays…
Les raisons qui ont conduit à l’interdiction de la chasse au Kenya sont purement liées à des problèmes internes et des blocages idéologiques. Paul Udoto, directeur de la communication de Kenya Wildlife Service explique : « La circulation illégale des armes dans le pays, encouragée par les conflits au Soudan du Sud ou en Somalie, la corruption et les traditions de certaines ethnies ne nous permettent pas de légaliser la chasse. » Il est évident qu’aucun de ces problèmes ne sera aggravé par l’autorisation de la chasse aux trophées. Alors quelle est motivation réelle de cette interdiction ? Peut-être y a-t-il un reste de ressentiment à l’encontre de l’ex-colonisateur. Cette chasse est intimement liée, pour certains dirigeants kenyans, à la présence anglaise. Cela est confirmé par cette déclaration du même Paul Udoto :« La chasse, en tant que loisir, ne fait pas partie de la culture africaine, c’est une tradition coloniale. »
Il est dommage que le Kenya continue à s’enfermer dans une politique dogmatique anti-coloniale digne des années 60 alors que d’autres pays africains ont fait le choix inverse et ne s’en trouvent que mieux.
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Notes :
Chasse, conservation de la nature et développement économique dans un espace andalou protégé.Le Parc naturel de la Sierra de Andújar (Espagne) Eduardo Araque Jiménez et José Manuel Crespo Guerrero dans Histoire & Sociétés Rurales2011/2 (Vol. 36)
“In population terms, it’s of minor significance, as we are talking about one old bull that would have contributed genetically to the rhino population already. In monetary terms, it’s important as it generates funds that go directly into the wildlife products fund that feeds 100% back into rhino conservation. »
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