« Les chasseurs sont des pompiers pyromanes ». Ce slogan, répété en boucle par nos opposants, fait référence à la surpopulation de sangliers. Les opposants à la chasse prétendent que nous en serions responsables en ayant relâché des animaux dans la nature et en ayant croisé des sangliers et des porcs domestiques (le fameux « cochonglier »). C’est faux, ils le savent, mais ce mensonge les arrange pour de nombreuses raisons.

Dans un premier temps cela montre à leurs yeux l’incohérence de la chasse ; selon eux nous créons des problèmes que nous peinons ensuite à résoudre. Dans un deuxième temps, l’augmentation difficilement contrôlable des populations de sangliers contrevient au sacro-saint principe de la nature qui se régule toute seule. Si les chasseurs n’avaient pas créé cette situation, il n’y aurait pas besoin de régulation humaine. Comme toujours, ces attaques ne reposent sur aucune réalité scientifique ou statistique mais les anti-chasse ont une voix qui porte grâce à leur accès aux médias et à des journalistes complaisants.

Intéressons-nous aux faits, aux chiffres et à la réalité de cette surpopulation.

Non, les chasseurs n’élèvent pas les sangliers pour les relâcher.

D’abord, c’est interdit1, ensuite pourquoi relâcher des sangliers alors que nous en tuons plus de 800 000 sauvages chaque année et que l’indemnisation des dégâts qu’ils causent nous coûte 80 millions d’euros par an ?

Mais alors pourquoi existe-t-il des élevages de sangliers en France ? Ces élevages servent à alimenter 2 filières : les enclos de chasse et la filière alimentaire. Ils sont peu nombreux et sont de deux catégories :

  • Catégorie A : gibier de chasse proprement dit. Soumis à contrôle de pureté génétique. Destiné uniquement aujourd’hui à alimenter les chasses en espaces fermés enclos & parcs. Les lâchers en pleine nature sont interdits1.
  • Catégorie B : pour la filière alimentaire, boucherie, produits de venaison. Une filière venaison sous-développée en France d’ailleurs : l’essentiel de la venaison en restauration vient des pays de l’Est. Ce qui est dommage car, grâce à la chasse, nous aurions la ressource en France pour alimenter ce marché si on ne nous mettait pas de bâtons dans les roues avec de nouvelles réglementations trop restrictives comme l’ANSES l’a fait avec sa nouvelle réglementation2.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Nombre de sangliers en élevage en France : 50 000
  • Nombre estimé de sangliers sauvages en France : 2 millions
  • Nombre de sangliers tués à la chasse : 810 000 dont 93% en espaces ouverts et 7% en enclos.

Alors, comment expliquer la prolifération des sangliers ?

Le sanglier est naturellement prolifique, son taux de reproduction est le plus élevé des ongulés sauvages. Ses effectifs peuvent doubler en un an surtout quand les conditions suivantes sont réunies :

  • Changement climatique :
    • meilleure fructification en forêt donc plus d’alimentation disponible ;
    • hivers moins rigoureux donc moins de mortalité dans les portées.
  • Modification du territoire : environ 30% du territoire chassable en France est constitué de zones non chassées : péri-urbain, zones interdites, sanctuaires privés ou publics…
  • Modification des pratiques agricoles : augmentation de la culture du maïs entre autres et augmentation des surfaces des parcelles.

La laie atteint sa maturité sexuelle à partir d’un certain poids et pas en fonction de son âge ; comme la nourriture est abondante, les laies sont fécondables plus tôt. Il y a donc plus de portées. On considère qu’aujourd’hui, une laie peut faire 3 portées en 2 ans.

Un phénomène européen voire mondial

Il est intéressant de constater que la prolifération des sangliers ne concerne pas que la France. Partout en Europe, et même dans des pays où il n’y a aucune tradition de chasse à la française, les populations de sangliers sont en augmentation exponentielle depuis les 30 dernières années. Faut-il alors accuser l’ensemble des chasseurs européens ? 

Accidents de la route impliquant des sangliers en Suède au cours de la période 2003-2012 Source : Nationella Viltolycksrådet (2013). Source : Häggmark et al., (2014)
Accidents de la route impliquant des sangliers en Suède au cours de la période 2003-2012 Source : Nationella Viltolycksrådet (2013). Source : Häggmark et al., (2014)

Comment expliquer, par exemple, que la Suède où il n’y avait aucun sanglier jusque dans les années 90 soit maintenant confrontée à ce problème ? Il y en aurait environ 150 000 dans le sud du pays aujourd’hui. Ce qui se traduit par une augmentation énorme des accidents de la route comme le montre ce graphique.

Le canton de Genève, où la chasse est pourtant interdite depuis 1974, connait aussi cette explosion des populations de suidés. Le nombre de sangliers abattus par les gardes faune du canton est en constante augmentation comme le montre ce graphique3. Il est difficile d’accuser les chasseurs dans ce cas précis.

Nombre de sangliers tués dans le canton de Genève

Les chiffre suivants sont tirés d’une intéressante étude du docteur Jurgen Tack pour European Landowner’s Organization4. Ils démontrent l’ampleur du phénomène et sont ceux des tableaux de chasse de chacun des pays cités. Partout la situation est la même, quelles que soient les traditions cynégétiques du pays, quel que soit le nombre de chasseurs, que les dégâts soient indemnisés ou non, qu’il y ait des prédateurs ou non.

Ces chiffres sont ceux de l’Europe mais ailleurs dans le monde, ce phénomène est également constaté. Aux États-Unis, au Maroc, en Israël les sangliers envahissent les campagnes, les périphéries des villes, causent des dégâts agricoles et de nombreux accidents de la route.

La solution miracle des anti-chasse serait la réintroduction massive de grands prédateurs

Est-il besoin de dire que cela relève du fantasme ? Nous allons voir pourquoi.

Quels seraient les prédateurs capables de s’attaquer aux sangliers ? Exclusivement le loup et dans une moindre mesure l’ours. L’exemple de pays où loups et sangliers sont présents indique que le sanglier n’entre que pour moins de 40% dans l’alimentation du loup. Et encore, il ne s’attaque qu’aux jeunes qui ont de toute manière un taux de survie inférieur à celui des adultes. Les chasseurs sont donc bien plus à même de réguler les sangliers que le loup. En Pologne les chasseurs tuent 7 fois plus de sangliers que le loup (Jedrzejewski et al., 2000).

Il faut aussi s’intéresser aux conséquences d’une éventuelle réintroduction de grands prédateurs. La première serait la disparition de l’élevage. En effet, le loup est un prédateur opportuniste qui ira toujours au plus facile pour se nourrir. Il ciblera donc les animaux d’élevage en priorité. Nos éleveurs ne le savent que trop bien. Il n’y a aujourd’hui que 1000 loups en France (chiffres officiels largement démentis par les observations de terrain…) mais ils sont responsables de milliers d’attaques sur les troupeaux. Les indemnisations aux éleveurs s’élèvent à 35 millions d’euros chaque année. Imaginez la situation avec les milliers de loups nécessaires à la régulation des presque 3 millions de sangliers que l’on estime présents en France. Les analyses d’excrément collectés dans les massifs des Monges, du Queyras, du Vercors, de Belledonne et de Maurienne indiquent que le sanglier est presque absent de l’alimentation du loup. Ce sont les ongulés sauvages et domestiques qui sont les proies habituelles. Ils représentent 75 à 85% du régime alimentaire du prédateur.

Variations annuelles de la proportion des différentes proies retrouvées dans le régime alimentaire de la meute de Vésubie-Roya (Bulletin loup du réseau // N°27 - juillet 2012-ONCFS)
Variations annuelles de la proportion des différentes proies retrouvées dans le régime alimentaire de la meute de Vésubie-Roya (Bulletin loup du réseau // N°27 – juillet 2012-ONCFS)

En Bulgarie, une étude (Ivanov 1988) montre que les proies domestiques prédominent dans le régime alimentaire estival tandis que les proies sauvages sont les plus importantes en hiver ce qui est logique puisque les troupeaux domestiques sont à l’abri dans les étables et bergeries.

Dans le nord-ouest de l’Espagne, densément peuplé (Galicie et Asturies), le régime alimentaire du prédateur ne comporte aucune proie sauvage5 : ce sont les chèvres, les moutons et les chiens qui sont l’ordinaire du loup.

La fin de l’élevage extensif et du pastoralisme signifiera aussi la disparition des paysages façonnés depuis des siècles par ces activités. N’oublions pas que les Causses et les Cévennes sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO dans la catégorie des « paysages culturels évolutifs vivants », au titre de l’agro-pastoralisme méditerranéen. Ce sont la fauche et le pâturage qui entretiennent ces espaces. Sans l’élevage et le pastoralisme ces milieux se fermeraient du fait de la progression de la forêt.

La réintroduction d’un prédateur de bout de chaine impliquerait aussi la disparition progressive de certaines espèces comme les mouflons (c’est déjà le cas dans les massifs du Ventoux et du Vercors…), les chevreuils, les chamois et les cerfs. Ce serait la fin de la biodiversité dans nos forêts. Même dans le parc de Yellowstone pourtant plus grand que la Corse, les loups en trop grand nombre posent des problèmes. A tel point que les autorités ont autorisé l’abattage de dizaines de loups dans les zones périphériques du parc. Les dégâts sur les troupeaux et sur certaines espèces sauvages sont trop importants. Il n’y a en France aucun zone naturelle vierge de la taille de Yellowstone alors imaginons le résultat sur cet espace morcelé, densément habité dont les zones naturelles sont très fréquentées…

Le prix de l’humour est décerné à…

Pour terminer sur une note plus légère, il faut s’intéresser à une nouvelle théorie émise par un grand spécialiste de la faune sauvage dont je tairai le nom pour épargner sa modestie. Selon lui, le renard pourrait tout à fait devenir, lui aussi, un prédateur du sanglier grâce à une « tactique » absolument infaillible. Je vous laisse lire. Ces messages sont réels, l’auteur est sérieux. Bien entendu, il est anti-chasse et considère que seuls les prédateurs sont la solution du problème. Cela donne une idée du niveau d’incompétence des gens qui nous attaquent.

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Sources :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006188414/
  2. Instruction technique DGAL/SDSSA/2019-428 29/05/2019 Gestion des balles d’abdomen en établissement de traitement du gibier sauvage
  3. https://chassegeneve.ch/actualites-genevoise/infos-canton-statistiques/
  4. Tack, J. (2018). Les populations de sangliers (Sus scrofa) en Europe : examen scientifique de l’évolution des populations et des conséquences sur leur gestion. European Landowners’ Organization, Bruxelles, 56 pp.
  5. Castroviejo et al. 1975 ; Guitian et al. 1979 ; Cuesta et al. 1991 ; Reig et al. 1995 ; Llaneza et al. 1996

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