Cette loi, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, est baptisée : « Loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. » Force est de constater que la balance a plus pesé en faveur de l’interdiction des grillages que de la protection de la propriété privée.
Vous trouverez le texte de loi à télécharger en fin d’article.
- La politique s’est emparée du débat sur l’engrillagement
- La loi et ses conséquences
- Un équilibre rompu
- Un débat plus vaste autour de la notion de nature et de sa protection
Les clôtures autour d’une propriété privée ne sont pas interdites (heureusement !) ; par contre elles devront respecter certaines caractéristiques. Leur hauteur sera limitée à 1,20 mètre, elles devront être posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol et elles ne pourront être ni vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune. Enfin, ces clôtures devront être en matériaux naturels ou traditionnels.
Il est évident qu’il fallait limiter les nuisances causées par certaines clôtures. La faune et la chasse pâtissaient de celles-ci. La faune parce qu’elle ne circulait plus librement et la chasse car son image était dégradée par des pratiques bien loin de la manière dont Maurice Genevoix décrivait la chasse : « La chasse n’est rien, si elle n’est d’abord poésie. Poésie de la quête, de la poursuite et de l’aventure; sympathie instinctive et profonde avec la branche porteuse d’indices, l’herbe foulée, l’humus où s’imprime une empreinte; avec ce qui se cache, se glisse, se dérobe et s’évade, mais laisse flotter derrière soi un flocon, un duvet que l’épine accroche et demeure tiède au soleil vivant aux souffles passagers. »
La politique s’est emparée du débat sur l’engrillagement
Ce débat aurait dû rester un sujet de discussions entre chasseurs mais certains excès ont été mis en lumière par des militants qui en ont profité pour s’emparer de la question et la mettre sur la place publique.
Ce qui est intéressant dans les discussions autour de l’engrillagement c’est qu’elles mettent bien en lumière les intentions cachées des uns et des autres.
A l’origine, il y a le combat de quelque associations locales (solognotes pour les plus connues). Certaines militent honnêtement et légitimement pour la libre circulation de la grande faune. D’autres profitent de ce débat pour avancer leurs pions politiques contre « les grands propriétaires, les propriétés des patrons du CAC 40, la privatisation de la nature qui devrait être un bien commun… » On reconnait bien là la phraséologie typique de l’idéologie gauchiste qui les inspire. A titre d’exemple voici le commentaire d’une association trouvé sur Facebook.

Les groupes anti-chasse ont sauté sur l’occasion pour mener un combat plus vaste pour essayer d’abolir la chasse et les verts ont propulsé le débat au niveau national. Il n’est pas surprenant que les députés EELV se soient particulièrement intéressés à ce qui pouvait nuire à la chasse en enclos. Ils savent que cette pratique n’est pas aimée, même au sein des chasseurs. Ils jouent donc sur nos divisions pour faire passer leurs textes liberticides et attentatoires à la propriété privée. N’oublions pas que le surnom de pastèque leur va comme un gant. Ils sont d’abord et avant tout de gauche voire d’extrême-gauche. La propriété privée, surtout quand elle est grande leur est insupportable. Il ne faudrait pas que ces activistes se croient encouragés par l’adoption de cette loi à aller encore plus loin dans ces luttes contre la propriété privée et la chasse. Après tout « la nature est à tout le monde » n’est-ce pas ?
C’est pourtant un sénateur LR, Jean-Noël Cardoux, qui est à l’origine d’une proposition de loi déposée en janvier 2022 qui a servi de base au texte adopté récemment par l’Assemblée nationale.
La loi et ses conséquences
Des modifications ont été apportées par les députés en commission et c’est le texte modifié qui a été adopté.
Les principales mesures
- La date de création des grillages devant être détruits ou transformés devient 1985 au lieu de 2005. Un bond de 20 ans qui n’est pas sans conséquence sur le nombre de propriétés concernées.
- Tous les espaces naturels (au sens du code l’environnement) sont concernés et plus seulement la trame verte. Cela étend considérablement le périmètre de mise en oeuvre de la loi.
- Le délai laissé aux propriétaires pour supprimer les grillages passe de 7 à 5 ans. Pour les propriétés qui détiennent des espèces non autochtones (cerfs sika, daims…) cela laisse peu de temp pour trouver une solution de transfert de ces animaux.
- Le délit d’intrusion sur une propriété privée ne sera plus passible que d’une contravention 4ème classe au lieu de 5ème classe et à condition que le caractère privé du lieu soit clairement identifié par une signalétique spécifique. Cela n’est pas une modification mineure, c’est là que ce texte de loi montre son déséquilibre.
Les mesures techniques
- Les enclos de chasse non commerciaux n’auront plus le droit de chasse toute l’année pour le gibier à poil et ne seront plus exemptés de la contribution à l’indemnisation des dégâts agricoles.
- Une déclaration préalable sera obligatoire en préfecture avant la suppression d’un enclos de chasse pour éviter les risques de libération de gibier d’élevage dans la nature.
- Il y aura un renforcement des contrôles des enclos en permettant l’accès aux agents de développement des FDC en plus des inspecteurs de l’environnement de l’OFB.
- Les sanctions seront renforcées en cas de non-respect de l’interdiction de l’affouragement et de l’agrainage en enclos non commerciaux.
Un équilibre rompu
La difficulté majeure à propos de ce texte était de trouver un équilibre entre le souci de libre circulation de la grande faune (respecter les trames vertes définies dans les Grenelle I et II de l’environnement) et le respect de la propriété privée qui est constitutionnellement garanti en France.
C’est pourquoi, un texte équilibré aurait dû proposer, en contrepartie des nouvelles règles contraignantes à propos des clôtures, un cadre pénal plus répressif pour lutter contre les intrusions et incivilités que les propriétaires craignent à juste titre.
Ce fut tout l’enjeu du débat en commission à l’Assemblée nationale. Sans surprise les députés LFI, EELV se sont clairement engagés contre cette pénalisation des intrusions sur des propriétés privées. Il suffit pour s’en rendre compte de parcourir les amendements qu’ils ont proposé à ce sujet1. On sent chez eux une très forte nostalgie de la collectivisation des propriétés privées telle qu’elle a été pratiquée par certains régimes de sinistre mémoire.
A la fin des discussions en commission les députés, sous la pression des groupes LFI et EELV, ont fait passer le délit d’intrusion d’une contravention de 5ème classe à une de 4ème classe. Cela n’est pas une modification mineure. Outre le fait que l’amende passe de 1500€ à seulement 135€, le délit ne sera plus inscrit sur le casier judiciaire du contrevenant. Les députés ont rompu l’équilibre de la proposition de loi du sénateur Cardoux2. On ne saurait trop conseiller aux propriétaires de signaler très efficacement et au plus vite le caractère privé de leurs domaines. Il va y avoir embouteillage chez les fabricants de panneaux Propriété privée – Défense d’entrer.
Une député EELV a même essayé de profiter de cette discussion pour trouver un moyen de pénaliser les chasseurs qui pénètreraient sans autorisations sur des espaces privés. Toutes les occasions sont bonnes pour nous attaquer. Dire que ces zozos n’existeraient pas sans leur chantage auprès des autres partis politiques. Les thèses qu’ils défendent et qu’ils ont déjà réussi à faire adopter nous ont déjà conduit dans le mur au niveau énergétique ; cela devrait suffire à les discréditer à jamais. Comment sont-ils encore pris au sérieux ?
Un débat plus vaste autour de la notion de nature et de sa protection
Au-delà de ses aspects techniques et politiques, cette loi ravive des débats déjà anciens à propos de la protection de l’environnement. Doit-on considérer que cette protection est d’une importance telle pour la collectivité que l’on puisse porter atteinte au droit de propriété ? Le sociologue Jean Viard rappelle que le débat pour savoir à qui appartient le territoire n’est pas nouveau3. « Appartient-il au propriétaire foncier ou à la beauté et à l’identité française ? » La réponse des adeptes du ré-ensauvagement est claire puisqu’ils veulent créer des « zones de protection forte » quitte à y interdire toute activité humaine. Ce débat dépasse d’ailleurs le cadre national ; les activistes radicaux ont réussi à s’immiscer au sein des institutions européennes et, aujourd’hui, c’est l’UE qui est devenue le fer de lance de cette idéologie anti-humaniste qui nous est imposée par des bureaucrates non-élus et sans aucune légitimité.
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- Liste des amendements proposés en commission : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements?dossier_legislatif=DLR5L15N43849&examen=EXANR5L16PO419865B0134P0D1
- Proposition de loi du sénateur Cardoux : http://www.senat.fr/leg/tas21-067.html
- Jean Viard Le sacre de la terre p. 17 – éditions L’aube
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