« Il n’est point de vrai chasseur qui n’ait d’égard pour le gibier. Et c’est pour lui règle d’honneur, de l’aimer et le protéger. » Gaston Phébus

Notre société, de plus en plus aseptisée, compte une majorité d’urbains très éloignés de la vie réelle des campagnes et du cycle naturel de la vie et de la mort. Leur vision anthropomorphique de la Nature et leur morale compassionnelle les amène à condamner les chasseurs sans se rendre compte que leur appréhension du monde est totalement étrangère à cette nature. Camouflée derrière beaucoup de faux-semblants, leur principale raison de ne pas nous aimer est que nous tuons des animaux. Qu’opposer à cela ? Oui, nous tuons. Comme le fait la nature, elle-même à chaque instant mais cet argument est inaudible pour beaucoup. Essayer d’expliquer qu’en chassant, nous nous intégrons dans le cycle naturel de la vie et de la mort ne calmera pas les plus radicaux. Dans son Dictionnaire amoureux de la chasse, Dominique Venner cite le sociologue Bertrand Hervieu qui constate que « dans nos sociétés urbanisées, les chasseurs et les pêcheurs sont les seuls à préserver un lien culturel indispensable avec l’animal, la proie, la vie et la mort. »

Faisons en sorte que ce lien soit plus facilement compris et accepté par les non chasseurs. Assumons la tête haute mais faisons-le bien.

Urbains ou néo-ruraux peuvent être choqués par le simple fait de voir des photos d’animaux tués à la chasse. Ne les offensons pas d’avantage en leur montrant des horreurs. Ceci vaut en particulier pour les réseaux sociaux sur lesquels beaucoup de chasseurs sont présents, parfois pour le meilleur, quelquefois pour le pire.

Une des pires façons de nous dévaloriser est de poster des photos de gibier et de tableaux de chasse mal présentés, voire irrespectueux pour l’animal chassé.

Ceux qui savent doivent réagir et conseiller. Ne pas injurier ni condamner l’auteur de la photo mais lui indiquer comment faire mieux la prochaine fois en lui donnant les conseils nécessaires. Insister sur l’importance capitale de ce que nous montrons car nos opposants sauteront sur toutes les occasions de nous dénigrer et pratiqueront l’amalgame que beaucoup d’entre eux dénoncent, d’ailleurs, dans d’autres circonstances. Nous ne chassons plus uniquement pour nous nourrir, nous ne chassons pas pour réguler, nous chassons par passion. Donnons une bonne image de cette passion.

Pourquoi faire un tableau de chasse ?

Ces règles, ces rites, ces symboles existent pour que le chasseur réfléchisse au cadeau que lui fait la nature et pour qu’il rende les honneurs à l’animal chassé.

De surcroit, réunir l’ensemble des acteurs de la chasse autour du tableau permet de souder le groupe qui va communier avec ferveur et gravité autour d’un rituel ancestral. Cela peut aussi permettre de faire prendre conscience de l’appartenance de tous à une communauté, à un clan. La chasse et les chasseurs sont divers mais cette passion les unit par delà leurs différences. Comme souvent, cela est parfaitement résumé par Dominique Venner : « Par la chasse, je fais retour à mes sources nécessaires : la forêt enchantée, le silence, le mystère du sang sauvage, l’ancien compagnonnage clanique. » Cette participation du groupe ne devrait pas se limiter à assister au tableau mais devrait aussi s’étendre à sa préparation. C’est ce qui fait la différence entre une vraie chasse collective et une chasse dans laquelle les rôles sont trop délimités avec les chasseurs d’un côté et les traqueurs de l’autre. La chasse doit être réellement collective, il n’y a pas de petit et de grand rôle, tous participent à ce « retour aux sources nécessaires ».

Le protocole du tableau de chasse

Que ce soit pour le grand ou le petit gibier des règles doivent être respectées quand on présente un tableau de chasse. Ce protocole est surtout valable et mis en oeuvre pour le grand gibier mais rien n’interdit de l’adapter pour le petit gibier.

  • Tous les participants doivent assister au tableau. On ne s’y présente pas avec un chapeau sur la tête et un verre à la main ou en fumant.
  • Les animaux sont couchés sur le flanc droit, déjà vidés, sur un lit végétal, de préférence en branches de résineux, en lignes parallèles successives de même espèce, de taille décroissante de gauche à droite, avec leurs 2 brisées (dernière bouchée et prise de possession).
  • Les animaux ne doivent jamais être poussés du pied, ou enjambés, ce qui serait une injure grave. Ils doivent être contournés. Le chevreuil ne doit pas être trainé par terre, mais porté.
  • Les chasseurs sont côté gauche du tableau (côté têtes), les sonneurs et les traqueurs côté droit.
  • Le directeur de chasse dit à voix haute le tableau et remercie Saint Hubert, chasseurs et traqueurs sans oublier les chiens, nos indispensables auxiliaires, avant de procéder à la remise des brisées aux tireurs, qui sont appelés un par un.
  • Si des sonneurs sont présents les fanfares correspondantes au tableau sont sonnées ; puis l’hallali et la fin de chasse, tandis que les chasseurs se découvrent pendant ces fanfares.
  • Le chasseur le plus chanceux – appelé roi de la chasse – remercie enfin le directeur et tous les participants.

Les brisées d’honneur

Les brisées proviennent d’extrémités de branches ; elles sont cassées et non coupées. Les puristes disent que seules cinq espèces d’arbres dites cynégétiquement « nobles » peuvent être utilisées pour les brisées: le chêne, le pin, l’épicéa, le sapin et l’aulne (en haute montagne également le mélèze, le rhododendron et le genévrier).

  • La brisée de dernière bouchée : aussi appelée de dernière mangeaille ; réservée aux ongulés ; (mâles seulement en pays germaniques mais en France les femelles aussi sont honorées) et parfois aux grands tétras. Mise dans la gueule de l’animal aussitôt après le tir. Il faut choisir une essence noble.
  • La brisée de prise de possession : ongulé couché sur le coté droit, cette brisée se place derrière l’épaule, cassure vers la tête pour un mâle, vers l’arrière pour une femelle, de préférence avec une essence noble.
  • La brisée du tireur : une brisée , trempée dans le sang du gibier, est présentée sur un couteau ou un chapeau au tireur, de la main gauche, en le félicitant et en échangeant une poignée de main (droite). Le tireur en échangeant la poignée de main (droite) remercie, et prend la brisée de la main gauche. Il la pique ensuite sur le coté droit de son chapeau. Dans les pays de langue germanique cela s’accompagne des traditionnels Waidmannsheil et Waidmannsdank.
    • En chasse silencieuse, à l’approche, la remise de la brisée au tireur se fait sur le lieu du tir, par le guide ou le conducteur de chien de sang, voire par le tireur à lui-même quand il est seul.
    • En battue, la remise des brisées a lieu lors du tableau. Cette brisée honore le tireur pour les ongulés, le renard, la marmotte, le tétras.
  • La brisée du chien de sang : en cas de recherche fructueuse, la brisée sera remise au tireur par le conducteur du chien de sang. Le tireur en détache alors une partie qu’il remet au conducteur, qui va la fixer au collier du chien .

Pour plus de détails, je vous invite à vous référer aux indications données par l’ANCGG1 ou aux codes des brisées de la Confrérie St Hubert du Grand-Val2. Je vous invite d’ailleurs à aller visiter le site de cette association de chasseurs suisses qui attache une grande valeur aux traditions régionales de la chasse, à ses lois et règles éthiques3.

Tableau de petit gibier

Pour le petit gibier à poil, on présentera ls animaux toujours en partant du fond et à gauche, on placera les lièvres et ensuite les lapins. Les animaux à plumes seront positionnés dans l’ordre suivant : les coqs faisans puis les poules, les perdrix, les pigeons et les cailles. On procèdera de la même façon pour le gibier d’eau, toujours dans un ordre décroissant de taille. Sil est prévu une présentation verticale, les animaux seront accrochés par le cou, ventre tourné vers l’extérieur.

Le sens du beau

Pourquoi ne pas rajouter à ces règles un souci d’esthétique ? Puisque des photos vont être faites, pourquoi ne pas faire du tableau de chasse l’occasion de présenter notre passion sous le meilleur angle ? Pourquoi le directeur ou responsable de chasse ne prendrait-il pas le temps de présenter un tableau qui soit éthique et beau ? Ces deux notions sont d’ailleurs étroitement liées comme le fait remarquer Konrad Lorenz, « Le sens esthétique et le sens moral sont manifestement étroitement liés. » Faire un beau tableau de chasse, c’est transcender l’acte de chasse en nous faisant prendre en compte l’impérieuse nécessité morale de rendre hommage à la nature. C’est l’occasion pour les chasseurs présents de réfléchir au fait que nous ne sommes pas des « consommateurs » de la nature mais des acteurs à part entière de ce cycle naturel de la vie et de la mort.

J’entends déjà certains me dirent que ces tableaux « c’est pour les chasses bourgeoises, les chasses chics » et que ce n’est pas pour eux. C’est faux. Le respect du gibier, les sens du groupe n’ont pas de frontières sociales et ne doivent pas en avoir. Quand je regarde des photos anciennes, je constate que les villageois avaient ce souci de bien présenter le résultat de leur chasse quel qu’il soit ; les grives sont biens alignées, le sanglier est fièrement présenté. Soyons fidèles à cet héritage.

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  1. https://www.ancgg.org/AD51/documents/rubd12_3839.pdf ↩︎
  2. http://www.st-hubert-du-grand-val.org/BRISEES.pdf ↩︎
  3. http://www.st-hubert-du-grand-val.org/ST_HUBERT_DU_GRAND_VAL-ACCUEIL.htm ↩︎

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Un commentaire sur « Un tableau de chasse éthique et esthétique »

  1. Je ne comprends pas tout devrait être si simple j’ai chassé maintenant j’accompagne mon mari quand je peux je cuisine tous les produits de sa chasse et croyez moi ça a un autre goût que les plats préparés de grande surface et en plus je passe des moments magnifiques dans la nature avec où sans gibier mais avec les chiens et les amis et surtout mes deux petites petites-filles de 17 et 14 ans qui chasse dans la traque que du bonheur malheureusement certains ne peuvent pas comprendre

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