Imaginez un pays dans lequel 9,8 % de la population pratiquent la chasse (contre 1,41% en France), et où 1 chasseur sur 10 est une femme (contre 1 sur 38 en France).
Imaginez un pays où la nature est omniprésente, avec d’immenses forêts boréales, des lacs aux eaux cristallines et des territoires sauvages et peu fréquentés grâce à une densité moyenne de 14 habitants au km2 (contre 107 en France).
Imaginez enfin un pays où les chasseurs sont respectés, où leur activité est comprise et acceptée par l’immense majorité de la population et où les accidents de chasse sont quasi inexistants.
Velkommen til Norge, bienvenue en Norvège. Une contrée où il fait bon être chasseur. Les norvégiens ne s’en rendent pas vraiment compte bien sûr, car pour eux, c’est normal. Tout le monde en Norvège chasse ou connaît quelqu’un qui chasse. L’activité y est aussi banale que le football ou le ski de fond. Depuis trois ans que j’y vis, je peux réellement mesurer la différence avec la France.
Des règles exigeantes
Le permis de
chasser norvégien
est une sorte
d’hybride entre
notre permis
de chasser
et le brevet
grand gibier
Si les règles de sécurité sont pratiquement les mêmes qu’en France – obligation de tir fichant, interdiction de tir en direction d’une route, d’un bâtiment, ou sur un animal situé en crête, etc… – le niveau de formation est, quant à lui, largement supérieur. Comme je l’explique dans mon livre « Repenser la chasse » (Éditions du Gerfaut), le permis de chasser norvégien est une sorte d’hybride entre notre permis de chasser et le brevet grand gibier, et dont nous pourrions nous inspirer.
Il y a 30 heures de cours obligatoires dont quelques heures de pratique du tir (fusil et carabine), et un examen final 100% théorique de cinquante questions variées où un minimum de 80% de bonnes réponses est requis. Aucune épreuve pratique pour l’obtention du permis, en revanche, la validation annuelle pour le grand gibier est soumise à la réussite d’un entraînement obligatoire et d’un test de tir, et ce chaque année et pour chacune des armes qui seront utilisées durant la saison.
Certaines règles norvégiennes peuvent aussi être un peu déconcertantes pour un Français. Par exemple, il n’existe pas d’heures légales de chasse, car, dès novembre, le soleil ne se lève même plus dans le nord du pays, au-delà du cercle polaire arctique. Idem pour la chasse par temps de neige. Si elle devait être interdite comme en France, certaines régions ne chasseraient tout simplement plus passé octobre ! Enfin, seuls les chiens de moins de 41 cm au garrot peuvent traquer librement le cerf ou le chevreuil, s’ils dépassent cette taille, ils doivent être tenus en laisse.



La chasse y est aussi un peu plus exigeante sur le plan physique car quiconque voudra tirer un renne à l’approche dans l’immensité du parc du Dovrefjell, déplacer un élan de 300 à 500 kg ou débusquer un lagopède alpin devra marcher en moyenne entre 5 et 20 km par jour, avec un dénivelé avoisinant fréquemment les 500 à 800 mètres, et parfois affronter des conditions climatiques extrêmes. Il m’est déjà arrivé de me retrouver totalement désorienté dans une soudaine tempête de neige. Heureusement que j’avais une boussole pour retrouver mon chemin, comme appris lors de la formation au permis de chasser.
Une autre approche
L’accent est
surtout mis
sur une approche
éthique, humaine
et durable
de l’activité.
Chasser en Norvège, c’est aussi découvrir une philosophie, des modes de chasse et des animaux très différents. Si en France on focalise sur un respect scrupuleux des règles de sécurité, à juste titre, en Norvège l’accent est surtout mis sur une approche éthique, humaine et durable de l’activité. Le chasseur norvégien est par exemple fortement incité à ne pas tirer sur un animal courant et il est obligatoire d’avoir un agrément avec un conducteur de chien de sang. D’ailleurs, l’éthique et le bon rapport aux autres utilisateurs de la nature sont parmi les toutes premières leçons enseignées dans le Jegerprøvebok, le manuel de formation au permis de chasser. À n’en point douter, sitôt que la question de la sécurité à la chasse sera réglée en France, les débats sur l’éthique occuperont tous les esprits.
Du côté des pratiques, si la chasse à l’arc n’est malheureusement pas autorisée, en revanche, en hiver, c’est la saison de la toppjakt et on peut arpenter la forêt sur des skis de fond pour tirer à la carabine sur des grands tétras perchés sur les cimes enneigées avec des balles non expansives. Tirer une balle en l’air est un peu contre-intuitif pour un Français, mais on rappellera qu’ici, la densité d’habitants est très faible et que ce type de chasse est pratiquée uniquement dans des zones inhabitées.



Enfin, en plus de bon nombre d’espèces communes avec la France comme le cerf, le chevreuil, le faisan et divers canards, en Norvège on chasse également l’élan, le renne, le castor, le phoque, le carcajou, le lynx, différents types d’oies et de lagopèdes, ainsi que le loup et l’ours brun avec des permis spéciaux. Quant au sanglier, présent uniquement dans le sud-est du pays et déclaré indésirable en raison de son impact sur la biodiversité, il est chassable toute l’année à l’exception des trêves de Noël et de Pâques.
Voyage de chasse
Si vous êtes Français et que vous souhaitez chasser en Norvège, il y a deux possibilités. Si comme moi vous êtes résident à l’année, vous n’aurez d’autre choix que de passer votre permis norvégien. Le permis français est jugé insuffisant car il n’oblige pas à assister à 30 heures de cours de formation (si vous avez le permis suédois ou allemand en revanche, pas de problème). Si toutefois vous ne venez que pour un séjour de chasse et que vous êtes majeur, alors votre permis français suffira et la société qui organisera votre voyage vous indiquera toutes les formalités à remplir.
Chasser en Norvège transcende l’expérience de la chasse ordinaire. La nature y est grandiose, et on se sent parfois tout petit face à l’immensité des territoires et à la beauté des paysages. Et si à votre arrivée à l’aéroport, vous portez déjà une tenue camouflage, personne ne va vous regarder de travers… et ça aussi c’est dépaysant.
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2 commentaires sur « Bienvenue en Norvège, un pays de chasseurs »