Un vent de révolte souffle contre l’ONF dans les rangs des chasseurs, en particulier dans le quart nord-est de la France. Ceux-ci accusent l’office national des forêts de vouloir, le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Or, la crémière ne veut plus se laisser faire. Elle donne quand même 40 millions d’euros par an à l’office national de la forêt soit 20% des revenus de cet organisme public.
L’ONF cherche à éradiquer le gibier de ses forêts
L’office accuse le gibier, et en particulier les cervidés, de détruire la forêt en l’empêchant de se régénérer. Il faut donc, selon eux, faire baisser drastiquement le nombre d’ongulés sauvages dans les forêts françaises. Pour l’ONF, il faut revenir à des effectifs « adaptés aux habitats ». Pour cela tout est bon, périodes de chasse étendues, attributions excessives de bracelets, tirs non sélectifs, battues administratives… Ces dérives sont dénoncées par les fédérations départementales de chasse1.
Cela fait bondir les chasseurs qui ne sont pas d’accord, surtout quand cela conduit à des comportements de chasse inacceptables. Le cas des cinq biches tirées récemment dans la réserve nationale de la Petite Pierre dans les Vosges du Nord est assez symptomatique de cette dérive. Cette réserve, co-gérée par l’OFB et l’ONF a été conçue « pour développer les populations de cerfs« puis la mission a évolué et « ce site d’étude historique est aujourd’hui un territoire de référence pour l’étude du cerf élaphe, du chevreuil et du sanglier ainsi que pour analyser les interactions entre la grande faune et la forêt. » Quand on sait que les biches tirées étaient suitées et que les faons sont promis à une mort certaine du fait de l’absence leur mère, cela pose des questions quant à l’éthique de chasse qui prévaut à l’ONF.
Des adjudicataires pris en otage
Les adudicataires de lots domaniaux font tous le même constat ; on est passé d’un maximum d’animaux à tirer (plan de chasse) à un minimum obligatoire sous peine de sanctions financières, voire de révocation du bail. Les chasseurs ne sont plus considérés commes des clients mais comme des auxiliaires devant aider l’office à éradiquer le gibier des ses forêts.
Vous imaginez la réaction de l’adjudicataire qui a payé fort cher un ou plusieurs lots de chasse et à qui on impose de tirer tout ce qui bouge sans distinction de sexe ni d’âge. Il sait pertinemment que ce type de « gestion » va conduire à la disparition de tout gibier à court terme dans ses lots, que ses amis ou actionnaires seront extrêmement déçus de plus rien voir et qu’il va se retrouver avec une addition substantielle à payer sans rien avoir en retour.
« Nous serons amenés à piloter directement l’exercice de la chasse. »
En 2021, la direction territoriale grand Est de l’ONF avait adressé un courrier aux locataires de chasse dans lequel on pouvait lire : « Dans un certain nombre de situations où le retour rapide à l’équilibre forêt-gibier est compromis, où les clauses du bail et du contrat cynégétique et sylvicole qui nous lient ne sont pas respectés, nous serons amenés à piloter directement l’exercice de la chasse avec l’appui de chasseurs extérieurs associés à la régulation. Il ne s’agit pas de généraliser une reprise en main directe par l’ONF des lots de chasse, mais de se donner les moyens localement de résoudre une situation bloquée et en échec. L’ONF entend également participer par une pratique concrète de la chasse et des échanges avec le monde cynégétique, à développer d’autres approches pour une meilleure efficacité dans le respect des principes de sécurité et d’éthique de l’animal ».
Traduction : « soit vous tuez tout ce qui bouge, soit nous le ferons nous-même bien que vous ayez payé votre bail. »
Par autre approche, il faut entendre la généralisation de la traque affut qui permet; selon l’ONF, « de moins chasser mais de chasser mieux ». Encore une fois, l’ONF n’a pas compris que nous ne sommes pas des régulateurs et que ce que nous aimons c’est chasser, pas tuer.
Les cerfs sont-ils réellement responsables ?
Depuis que l’ONF est en déficit et qu’il reçoit des fonds de l’Union européenne pour régénérer ses forêts, l’équilibre sylvo-cynégétique est devenu le prétexte pour faire payer au grand gibier ses erreurs passées. Un rapport du Sénat2 en faisait état dès 2009 et évoquait « Une insuffisance des outils de l’ONF en matière de prévision et de connaissance du marché. »
Pour essayer de mesurer l’impact des ongulés sur la forêt, l’ONF compare les broutis sur les enclos et exclos mis en place. Cela semble être une bonne méthode mais l’office met en garde quant aux résultats en déclarant que ceux-ci « doivent donner une image du développement de la régénération avec et sans herbivore sauvage[…]. Ils reflètent la dynamique forestière hors de la dent du gibier sans constituer pour autant une référence absolue ». Autrement dit, si cela confirme les dires de l’ONF, ce sera pris en compte sinon ils ne seront pas considérés comme fiables…
Accuser le grand gibier de tous les maux permet d’éviter de parler de toutes les autres causses possibles du dépérissement des forêts, réchauffement climatique, pollution, trop grande fréquentation, choix d’arbres à croissance rapide plutôt que de feuillus, accueil d’activités perturbant la faune…
On peut se demander si la recherche de la rentabilité à court terme est compatible avec une exploitation intelligente de la forêt et si les chasseurs et le grand gibier ne sont pas désignés trop facilement comme les uniques responsables de la situation actuelle.
Pour ceux qui seraient intéressés par les rapports entre l’ONF et le monde de la chasse, je conseille la lecture d’une étude intéressante : L’Office National des Forêts et l’encadrement juridique de la chasse, que vous pourrez télécharger ici.
- Ribeauvillé : les chasseurs condamnent l’action de l’ONF qui se justifie (L’Alsace)
Les chasseurs mobilisés contre la prolongation de la chasse aux daims et cervidés (DNA) ↩︎ - L’ONF à la croisée des chemins (Sénat) ↩︎
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« Encore une fois, l’ONF n’a pas compris que nous ne sommes pas des régulateurs et que ce que nous aimons c’est chasser, pas tuer. »
Tout est dit. Et c’est là que réside la principale incompréhension entre forestiers et chasseurs. Le débat n’a pas évolué depuis plus de 15 ans que je suis forestier.
Réponse : « Encore une fois, le monde de la chasse n’a pas compris que nous avions changé d’époque et que la chasse loisir est révolue. C’est bien de la régulation dont ont besoin les forêts pas de la gestion de population. »
Si on en est là aujourd’hui c’est que pendant des décennies beaucoup trop de chasseurs (pas tous, il y a les bons et les mauvais) ont fait le jeu de l’augmentation des populations. Toutes les populations ont explosé depuis la loi de 1968. Même les régions épargnées commencent à voir apparaître des grands animaux. Faute de grands prédateurs, il va donc falloir tuer même si vous n’aimez pas ça.
Article plutôt bien documenté mais perlé d’erreurs et complètement partisan soit dit en passant. Mais fallait-il attendre autre chose ?
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Merci de vos commentaires partisans. Mais fallait-il attendre autre chose ? N’hésitez pas à souligner les erreurs. Ce serait utile au débat.
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mais ou sont les associations écologistes, qui pourraient devenir enfin des partenaires, et sauver les cervidés d’un disparition annoncée !!
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N’exagérons pas ! Les cervidés ne risquent pas de disparaître. Même si l’ONF veut réduire le nombre, il en restera et l’onf ne gère que les forêts publiques.
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je l’entends bien, nous parlons bien des écologistes et de l’ONF, qui ne font pas tout deux honneur à leur mission originale !
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L’ONF s’est retrouvé dans une position inconfortable, obligé de combler le déficit le plus rapidement possible. Cela a contribué à ces dérives.
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localement, je peux vous garantir que l’inconfort, l’inconnu et l’inquiétude est plutôt du côté des chasseurs et locataires de lots domaniaux !
il y à bien longtemps qu’il n’y a plus de dialogue possible !
aucunes remise en question et les dérives sont légions !
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