Nous reproduisons ici, avec son accord, la lettre ouverte de Eddie Puyjalon envoyée au président Schraen à propos de la chasse des oies.

Monsieur le Président,

Vous connaissez mon attachement à la chasse du gibier d’eau et plus particulièrement à celle des oies cendrées. Passionné par cet oiseau emblématique, j’ai toujours été un ardent défenseur de sa chasse comme le sont de très nombreux sauvaginiers français. 

Nous avons connu la chasse féérique des oies cendrées du mois d’octobre jusqu’à la fin du mois de février avec, en point d’orgue, les années 1990, 2000 et 2010. Nous avons vécu les traditionnelles premières migrations dès la première décade d’octobre, avec un calendrier exceptionnel d’observation de ces grandes migratrices tout au long des hivers suivant les conditions climatiques et jusqu’aux premières migrations prénuptiales de la mi-février. 

Les sauvaginiers français ont, par leurs carnets de prélèvements, leurs notes et participations aux observations en relation avec les fédérations de chasse et les associations spécialisées, fourni une évaluation constante des migrations prénuptiales et postnuptiales de ces anséridés. 

Une baisse des effectifs malgré des prélèvements infimes

Ainsi, par leurs observations assidues, ils ont malheureusement constaté une baisse des effectifs de ces migratrices depuis plusieurs saisons, alors que leurs prélèvements à la chasse restaient infimes. 

On pourrait imaginer un lien avec le dérèglement climatique, mais, cette explication ne pourrait-être conciliable qu’avec des migrations poussées par des vagues de froid or, pour celles qui migraient traditionnellement au mois d’octobre, point de raison d’invoquer les températures à l’image des sarcelles d’été qui n’ont pratiquement pas varié le calendrier de leur migration postnuptiale ou encore celui des grues cendrées. 

Pourquoi les grandes migratrices d’octobre sont-elles en diminution ? Pourquoi les effectifs d’hivernantes en Espagne ont-ils autant chuté, alors qu’à contrario, les effectifs d’oies cendrées en Europe augmentent ? 

Gazage aux Pays-Bas et foie gras en Espagne

Les chasseurs ont pu dénoncer régulièrement les actions de gazage, de bastonnades, de stérilisation d’oeufs et même récemment d’empoisonnement massif d’oies cendrées au nord de l’Europe, notamment aux Pays-Bas. Même si certaines balises posées sur ces anséridés ont pu attester de la présence de certaines de ces oies en Hollande. Aux questionnements des chasseurs sur les populations d’oies massacrées, les autorités nationales et européennes répondent qu’il s’agit principalement de population d’oies autochtones. 

C’est la même réponse évoquée par des professionnels du foie gras pour justifier des prélèvements d’oies en Espagne. Des articles que je vous invite à lire avec une très grande attention tant les explications journalistiques peuvent vous laisser parfois pantois. 

  • Une version éthique et espagnole du foie gras – Le Figaro février 20141 .
  • Du foie gras sans gaver les oies : l’or d’Eduardo – Sud-Ouest de 29 novembre 20192
  • En Espagne, une exploitation éthique produit du foie gra sans gavage – Le Monde du 28 décembre 20133 

Le dérèglement climatique en cause ?

D’autres chasseurs avancent l’hypothèse que les oies cendrées ne migrent plus en raison du dérèglement climatique et du changement de modèle agricole. Or, pour ma part ces hypothèses ne fonctionnent pas avec la population d’oies migratrices d’octobre. 

Que se passe-t-il tout au long de la vie de ces grandes migratrices, sur leur lieu de nidification, sur leurs différents trajets migratoires et sur leurs lieux d’hivernages ? 

Faut-il envisager la création de grandes réserves pour accueillir en France les oies hivernantes dans l’avenir avec des zones de gagnages protégées ? Existe-t-il une concurrence spatiale entre les grues cendrées et les oies cendrées sur certains sites d’hivernage émergeant en France ? 

Quelques sauvaginiers n’ont pas compris qu’il n’était plus l’heure à se voiler la face et d’occulter leurs observations, croyant qu’ils sont seuls à détenir ces données. 

Une situation inquiétante

Depuis de nombreuses années, les observations scientifiques sur les hivernants en Espagne sont réalisées et publiées auprès du monde scientifique et cynégétique. Comme vous pouvez le constater sur les graphiques ci-dessous après plus de 50 années de suivi sur le site de Doñana et de quarante années sur celui de Villafáfila en Espagne, la situation est particulièrement inquiétante.

Ainsi, les données internationales des stationnements d’oies cendrées en Espagne viennent corroborer les observations des chasseurs de France. Nous assistons impuissants à une diminution drastique des oies cendrées hivernantes en Espagne qui passent de plus de 81 000 oies à moins de 7000 individus en 2023 ! 

Tous les sauvaginiers passionnés de cette chasse ne peuvent se satisfaire de la situation et du manque de réponse à leur questionnement. 

La pose de balises pour analyser et comprendre

Aussi, pour ma part, l’une des actions possibles pour tenter de trouver une réponse reste d’organiser un plan de pose de balises sur plusieurs familles d’oies cendrées en hivernage et sur différents sites de stationnement en Espagne.

Les associations départementales de chasse au gibier d’eau et les sauvaginiers n’ont pas les moyens fonctionnels et administratifs pour élaborer un tel projet de pose de balises en relation avec les autorités espagnoles et les provinces concernées. Pour autant, je sais qu’elles seront probablement nombreuses à aider financièrement pour l’achat de balises. De même, je suis convaincu que les chasseurs ibériques passionnés par cette chasse souhaitent eux aussi comprendre les raisons de la baisse des effectifs hivernants dans leur pays.

La FNC pourrait-elle s’engager ?

Aussi, je souhaiterais savoir si la Fédération nationale des chasseurs pourrait envisager l’élaboration de ce projet, peut-être sous la houlette de Christophe Bouyer, votre Vice-président en charge du gibier d’eau. Ainsi, il pourrait oeuvrer en concertation avec des organismes compétents comme ISNEA, l’ANCGE, OMPO et d’autres instances jugées judicieuses pour élaborer ce projet et faire ainsi avancer l’indispensable connaissance sur cette espèce emblématique de la chasse du gibier d’eau ? 

Avec mes remerciements anticipés, 

Veuillez agréer, monsieur le président, l’expression de mes sentiments les meilleurs. 

Eddie Puyjalon Ancien président de CPNT – LMR Vice-président de l’Association des Sauvaginiers du Cubzaguais-Libournais


  1. https://www.lefigaro.fr/gastronomie/2014/02/07/30005-20140207ARTFIG00265-une-version-ethique-et-espagnole-du-foie-gras.php ↩︎
  2. https://www.sudouest.fr/incoming/article2400332.ece ↩︎
  3. https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/12/28/en-espagne-une-exploitation-ethique-produit-du-foie-gras-sans-gavage-des-oies_4340991_3244.html ↩︎

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