Encore une fois, la mauvaise nouvelle vient de Bruxelles et de la Commission européenne. Celle-ci a entamé une procédure d’infraction1 contre la France coupable d’autoriser la chasse à la palombe à l’aide de filets. La Commission avait déjà balayé d’un revers de manche plusieurs siècles de pratiques ancestrales en interdisant les filets pour les alouettes ; il était prévisible que la palombe soit la suivante sur la liste des interdictions.
La Commission européenne a donc décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’un recours contre la France pour non-respect des dispositions relatives à la chasse de la directive « Oiseaux » (directive 2009/147/CE).
Une pratique ancestrale
Dans cinq départements français (Gers, Lot-et-Garonne, Gironde, Pyrénées-Atlantiques et Landes) il est autorisé d’utiliser des filets verticaux et horizontaux pour capturer des colombidés. Cette chasse, pratiquée depuis le XIIIème siècle, est ancrée dans la vie et le patrimoine local. Elle est un marqueur de l’identité régionale et est pratiquée par des passionnés.

Des prélèvements qui ne mettent pas l’espèce en danger.
Les prélèvements effectués par l’ensemble des filets du Sud-Ouest ne dépassent pas les 1% de la mortalité naturelle de la belle bleue comme c’est demandé dans les dérogations autorisant cette pratique. De surcroit, l’espèce n’est pas en danger, c’est le moins que l’on puisse dire puisque tous les observateurs scientifiques s’accordent à dire que le pigeon ramier est une espèce qui se porte bien3. Ses populations sont même en augmentation selon les études du Muséum national d’histoire naturelle : « 32 espèces sont en expansion, comme le Pigeon ramier…4«
Pourquoi cette procédure ?
L’utilisation de filets pour la capture d’oiseaux est interdite, à moins que les États membres ne remplissent les critères stricts de dérogation autorisés par la directive, mais la France n’a pas démontré que les filets en question satisfont à ces critères.
La phrase importante est celle-ci : « Les informations fournies par la France au cours de la procédure d’infraction n’ont pas permis à la Commission de conclure que ces conditions étaient remplies, y compris en termes de sélectivité et d’absence de solutions de remplacement. » En effet, aucune donnée sérieuse, scientifique n’est disponible pour démontrer la sélectivité des filets.
Pourquoi n’avons-nous aucune donnée à opposer à la Commission ?
Sachant que cette attaque était prévisible, pourquoi nos instances n’ont-elles par pris les devants en mettant en place un PMA pour la palombe comme il en existe pour la bécasse ? On peut légitimement se poser la question. Pourquoi cet immobilisme ? La fédération nationale ne sent-elle pas concernée par le sort des chasses traditionnelles ? Rappelons-nous qu’en septembre 2020, il avait fallu que les défenseurs de la glu insistent lourdement pour que Willy Schraen se joigne à la manifestation de Prades.
On peut aussi ajouter qu’il y aura certainement une grande réticence des paloumayres à mettre en place un tel système. Ils n’aiment pas donner le nombre de leurs prises, souvent par peur d’actes de malveillance ou de jalousie. Mais la continuation de la chasse au filet est à ce prix.
Cette nième attaque démontre que nous souffrons d’un manque de stratégie, de vision prospective et que nous n’avons aucune données scientifiques pour défendre nos chasses. Aujourd’hui, pour pouvoir s’opposer au rouleau compresseur de la technocratie militante européenne, il faut avoir des arguments. Que font nos structures fédérales ?
Au Royaume-Uni, les chasseurs ont la chance d’avoir une organisation remarquable, le Game and Wildlife Conservation Trust5, qui s’occupe essentiellement de la partie scientifique. Elle fournit toutes sortes de données indispensables à la défense de la chasse. Lorsque les chasseurs présentent des arguments au Parlement, lorsqu’ils parlent aux députés, lorsqu’ils font du lobbying, ils s’appuient sur le travail de cette organisation car ils ont une crédibilité scientifique qu’il est impossible d’ignorer. Je vous invite à aller voir leur site internet qui est une mine d’informations.
Que veulent les technocrates européens ?
Quant à « l’absence de solution de remplacement », c’est particulièrement stupide car interdire les filets revient à n’autoriser que la chasse à tir pour cette espèce.
Que veulent réellement les technocrates européens ? Préserver une espèce ou détruire des cultures ancestrales, un patrimoine, une identité ?
Une Europe vidée de ses identités charnelles serait une Europe sans âme. Les peuples européens débarassés de leurs traditions, de leur patrimoine, de leur marqueurs identitaires seront alors prêts à tous les esclavages car ils n’auront plus la force pour résister à l’asservissement. Cette force vient de leur enracinement, de leur conscience d’être « d’ici et non de là. »
« Chasser, beaucoup plus que se distraire, c’est affirmer son appartenance àune terre à travers la poursuite de son gibier. »6 Je conseille à tous les amateurs de ces chasses traditionnelles de lire la remarquable étude sociologique de Muriel Geny-Mothe, Les chasses traditionnelles : des chasses populaires, patrimoine culturel des départements du sud-ouest. Vous la trouverez dans l’onglet Références de Chroniques Cynégétiques.
Hélas, tout semble fait pour accélérer le processus de déracinement. « Voyez les affreux logos qui ont été imposés pour remplacer les armoiries des régions traditionnelles. » remarquait Dominique Venner en 2012.
Les adorateurs béats de la machine européenne ne parlent d’ailleurs jamais de civilisation mais juste de valeurs. Mot qui ne veut rien dire. Quand avez-vous entendu un dirigeant européen exalter les poèmes homériques, l’art de la Grèce antique, de la Renaissance ou la spritualité médiévale ?
Une vice-présidente verte et proche des animalistes à la Commission européenne

La commission actuelle a été approuvée par un vote des députés européens. La première étape a été d’élire Ursula von der Leyen le 18 juillet dernier. Pour assurer sa réelection, qui n’était pas garantie, celle-ci a courtisé le groupe écologiste du parlement et lui a donc donné des gages. Le premier gage, et celui qui nous impacte le plus, nous chasseurs, a été la nomination de Teresa Ribera comme vice-présidente. Celle-ci a un lourd passé anti-chasse en Espagne où elle était ministre de la transition écologique. C’est elle qui a fait interdire la chasse au loup, interdit le plomb pour les munitions de chasse, augmenté les taxes qui touchent les chasseurs, interdit la chasse à la tourterelle et la chasse dans les parcs nationaux. Vous trouverez dans le prochain numéro de Chasses Internationales un article de Marianne Courouble qui dresse le pedigree de cette charmante personne…
Tout ceci était connu avant sa nomination. On aurait pu s’attendre à ce que les députés européens refusent une personne aussi radicale et bien non ! La nouvelle commission a été approuvée avec 370 voix pour, 282 voix contre et 36 abstentions. Il est intéressant pour les chasseurs de savoir comment ont voté les 81 députés européens français. Les partis du centre (macronistes et LR) ont voté pour, le RN, Reconquête, Identités-Libertés ont voté contre ainsi que la gauche mais pour des raisons différentes.
- La Commission décide de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la FRANCE pour non-respect de la directive «Oiseaux». ↩︎
- Traité de chasse aux pièges, par les auteurs du Pécheur français, Audot éditeurs, Paris, 1822, , tome 1, 192 p. Cet ouvrage est téléchargeable sur le site « Google books » : Traité… ↩︎
- Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) ↩︎
- https://www.mnhn.fr/fr/actualites/pres-de-30-d-oiseaux-en-moins-en-30-ans-dans-les-villes-et-les-campagnes-francaises ↩︎
- Game and Wildlife Conservation Trust ↩︎
- Pradelle de la Tour cité par Bouldoire (J.-L.) Demain la chasse ? Écologistes et chasseurs : le dialogue. Paris, Sang et terre, 1993. p. 136 ↩︎
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