La récente polémique à propos du cerf servi dans la propriété de Luc Besson nous montre encore une fois que nous ne pouvons pas nous permettre le moindre faux pas. De plus, dans cette affaire les chasseurs et Luc Besson ne luttent pas à armes égales. Nous l’avons constaté au vu des réactions dans la presse et dans l’opinion.

Les chasseurs avaient-ils le droit de servir cet animal ?

En France, il est interdit de chasser chez autrui sans son consentement, l’article 422-1 du code de l’environnement le stipule très clairement. Mais l’article L420-31 du même code précise qu’ « achever un animal mortellement blessé ou aux abois ne constitue pas un acte de chasse ». L’expression mortellement blessé est extrêmement importante car elle laisse libre cours à l’interprétation du juge en cas de litige.

Néanmoins, cela doit se faire avec l’accord du propriétaire, ce qui n’était pas le cas ici. D’ailleurs le président de la FNC admet que ce n’était peut-être pas une bonne idée : « Il est sûr que si une situation similaire devait se reproduire, reprenez vos chiens, et oubliez l’animal blessé, même si celui-ci représente un danger potentiel pour les humains non avertis. »

Il faut donc utiliser ce droit avec intelligence et savoir mesurer les avantages et les inconvénients. Si un propriétaire, chez qui vous avez suivi et achevé un animal, décide de porter l’affaire en justice, ce sera aux juges de décider si l’animal était mortellement blessé. Certaines décisions de justice en la matière sont surprenantes. Ce droit est à utiliser avec parcimonie, surtout si on a a l’intention d’aller l’exercer chez une personne farouchement opposée à la chasse. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

La battue en question était voulue par la préfecture

« Les dégâts occasionnés aux cultures par les cervidés sur ce secteur représentent notamment 40 % des dégâts causés par la faune sauvage aux cultures sur l’ensemble du département. Les dégâts forestiers sont également très importants empêchant le renouvellement forestier et compromettant la biodiversité. » dit la préfecture de l’Orne

En 2024, la préfecture avait demandé au président des louvetiers de France d’effectuer un audit et de faire une proposition afin de retrouver sur ce massif un équilibre entre faune sauvage, agriculture, activité forestière et biodiversité. « Un plan d’action a été arrêté par la préfecture en septembre 2024 en concertation avec les chasseurs, les élus locaux, les agriculteurs et les propriétaires terriens dont les représentants de monsieur Luc Besson ». La battue du 21 février était organisée dans le cadre de ce plan.

Une enquête est décidée

Suite à l’incident, la préfecture a décidé de diligenter une enquête. Il est à noter que la FDC de l’Orne déclare ne pas « encourager cette pratique et ne la tolère pas ».

« Lors de cette action de chasse coordonnée, un signalement a été effectué à la suite d’une intrusion et de l’abattage d’un cerf sur la propriété de monsieur Luc Besson. L’office français de la biodiversité (OFB) et la gendarmerie nationale ont été dépêchés immédiatement sur les lieux. Cette intrusion est irrégulière et il y a bien eu abattage malgré les protestations de la propriétaire des lieux. » Préfecture de l’Orne

Le président de la FNC soutient publiquement les deux chasseurs

Le président de la FNC a réagi promptement et fermement à cette affaire en apportant son soutien aux deux chasseurs incriminés par Besson et les médias. Ce soutien public est une bonne chose car ces deux personnes ont mis fin aux souffrances d’un animal blessé. Mais, puisque Besson a décidé de porter plainte, c’est la justice qui décidera si cet acte était légal ou pas.

Mais il le fait maladroitement.

En revenant sur une affaire déjà jugée. »

 « J’en profite pour rappeler à monsieur Besson qu’il serait plus juste qu’il nous rembourse les dégâts occasionnés par « ses animaux », car les chasseurs de l’Orne ne sont pas des vaches à lait ! » (Willy Schraen)

Revenir sur les dégâts commis par les cerfs qui trouveraient refuge dans la propriété du cinéaste est maladroit et ce n’est pas le sujet. Maladroit car cela revient à remettre en cause l’autorité de la chose jugée, ce qui est impossible en droit français2.

En effet le jugement définitif dans le litige qui oppose la FDC de l’Orne et Luc Besson a été rendu en 2021. Les chasseurs reprochaient au cinéaste d’être responsable des dégâts causés chez des agriculteurs entre 2014 et 2019, en raison de son refus de chasser ou de faire chasser le gibier sur sa propriété.

Dans son arrêt du 28 octobre 2021 la cour d’appel de Caen estime que les chasseurs ne démontrent pas « que la prolifération des cervidés sur le domaine appartenant à M. Besson est à l’origine des dégâts » dont ils demandent réparation. Elle ajoute « Certaines parcelles impactées sont très éloignées du domaine Besson, alors même que le domaine de M. Besson est bordé par deux massifs forestiers, notamment la forêt de Saint Evroult d’une superficie de plus de 6000 hectares.

En ne prenant pas en compte la dimension médiatique de cette affaire

« Mais sur le fond, je tiens à vous dire que c’est une erreur fondamentale de cacher l’acte de chasse. » (Willy Schraen)

Oui, nous devons pas avoir honte de chasser, nous ne devons pas nous cacher. Cela veut-il dire que nous devons pas nous soucier du regard des autres ? Dans le cas présent, ne pas s’en soucier va nous coûter cher en terme d’image. De surcroit, dans ce genre de situation, les chasseurs et Luc Besson ne luttent pas à armes égales.

Les uns, bien que chassant légalement, sont dans le collimateur de la presse et des activistes anti-chasse et vont être la cible de tous ceux qui s’émeuvent plus de la mort d’un animal que de celle d’un homme, alors que l’autre (Besson) va bénéficier de toute sa notoriété, de la bienveillance des médias et de l’appui des associations anti-chasse qui vont utiliser cette affaire pour s’en prendre une nouvelle fois à nous.

Aller servir un cerf dans la propriété de Luc Besson, farouche opposant à la chasse, et ce, sous les yeux et la caméra de sa mère, a peut-être été une erreur. Laisser repartir cet animal aurait été souhaitable. L’éthique de chasse en aurait pâti mais les foudres médiatiques ne se seraient pas abattues sur nous.

D’un côté, il y a le droit et de l’autre il y a la machine médiatique qui va faire fi de toute raison, qui va jouer sur les émotions et le sentimentalisme pour nous accabler.

Avoir juridiquement raison n’est pas suffisant.

Dans la société d’hypermédiatisation que l’on connaît aujourd’hui, l’image a pris une nouvelle ampleur. Les media ont depuis longtemps entamé une mutation spectaculaire en privilégiant l’image au texte.

C’est une manière de manipuler l’opinion car l’image va générer plus de réactions primaires que le texte. Elle va jouer sur les émotions plus que sur la raison. Les associations animalistes et antispécistes l’ont bien compris et sont devenues des spécialistes des images choc pour leurs campagnes de manipulation de l’opinion. Ils savent aussi utiliser la naïveté, l’incompétence et parfois la mauvaise foi de « personnalités » médiatiques en recherche permanente de lumière et de notoriété.

L’emballement de la machine médiatique

La presse écrite, télévisuelle, radio, les habituelles associations anti-chasse se sont emparées du sujet en déversant mensonges, manipulations et insultes à l’encontre des chasseurs. Certains veulent que l’on publie le nom des deux chasseurs de manière à ce qu’ils soient lynchés en place publique ; d’autres accusent la chasse à courre (alors qu’il s’agissait d’une battue). Même un quotidien sérieux comme le Figaro fait preuve d’un manque incroyable de professionnalisme « Une chasse à courre autorisée par les autorités pour réguler la population de cerfs est à l’origine de l’incident3.« 

La fondation Brigitte Bardot demande l’interdiction de la chasse à courre : « Là-dessus, sont arrivés, empanachés, quelques résidus de cette chasse à courre scandaleuse, armés de dagues, qui ont tué ce magnifique cerf et ont fait une boucherie. »

Sans surprise, la palme de l’indécence, de la vulgarité et de l’agressivité est décernée à l’émission TPMP et à deux de ses invités Éric Naulleau et Yann Moix.

« Je leur adresse mes crachats les plus métaphysiques. Je les hais. Il faut les retrouver, ces deux abrutis, qu’ils fassent de la prison ferme ». déclare Yann Moix. Compte tenu de l’impressionnante batterie de casseroles que cet individu traîne derrière lui, il est assez désolant qu’on lui tende encore un micro et qu’il ose parler de morale.

« Les chasseurs à courre sont des salauds et des lâches, la lie de l’humanité. » Éric Naulleau.

Nous aurons beau expliquer, argumenter, prouver… rien ne sera suffisant. Le procès des chasseurs a été fait en place publique.


  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006833768 ↩︎
  2. « Un jugement met un terme définitif à un litige, assurant ainsi une stabilité et une sécurité dans les relations entre des parties en conflit. L’autorité de la chose jugée désigne cette impossibilité de revenir judiciairement sur un fait précédemment jugé. En conséquence, on ne peut pas être jugé deux fois pour le même fait. » ↩︎
  3. Enquête ouverte après l’abattage d’un cerf sur la propriété de Luc Besson – Le Figaro ↩︎

En savoir plus sur Chroniques cynégétiques

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.