Puisque le 8 mars est la journée internationale du droit des femmes, il me paraît judicieux de célébrer cette date en évoquant la vie du grand chasseur et du grand séducteur que fut Denys Finch Hatton. Il a été rendu célèbre par Karen Blixen, celle-ci évoque longuement leur relation amoureuse dans son célèbre livre – Une ferme en Afrique, adapté au cinéma sous le titre Out of Africa. Denys Finch Hatton y est interprété par Robert Redford, ce qui est un bel hommage posthume !
Pourquoi parler d’un homme le 8 mars, journée des femmes ? Tout d’abord parce que cette journée m’agace prodigieusement par son hypocrisie puisque les militantes « féministes » d’aujourd’hui se gardent bien d’attaquer les vraies opressions faites aux femmes dans certaines régions du globe et parce que leur discours dénonçant pêle-mêle, la « masculinté toxique et l’opresssion patriarcale » révèle une grille de lecture de la société empreinte d’un marxisme dans lequel la lutte des sexes remplace la lutte des classes.
Mais aussi et surtout parce que les deux femmes qui ont marqué la vie de Denys Finch Hatton, Karen Blixen et Beryl Markham, n’étaient pas des rebelles de salon comme le sont nos féministes d’aujourd’hui ni des petites gourdes conventionnelles telles qu’il en existait beaucoup dans le milieu aristocratique de l’époque. Karen Blixen et Beryl Markham sont toutes deux des femmes remarquables, indépendantes, aventurières, pionnières dans bien des domaines. Denys était attiré par les femmes originales, capables de sortir des sentiers battus et de mener une vie jugée surprenante, voire scandaleuse pour l’époque.
Quel meilleur hommage aux femmes que de parler d’un homme qui est tombé sous le charme de vraies rebelles ?
Une enfance dorée typique de l’aristocratie britannique
Denys Finch Hatton (DFH) est né en Angleterre le 24 avril 1887, fils de Henry Stormont Finch Hatton, comte de Winchelsea, et d’Anne Coddrington Finch Hatton, fille d’un ancien amiral de la flotte britannique. Deuxième fils et troisième enfant, Denys était le préféré de sa mère et le chouchou de tous ceux qu’il rencontrait. Il est particulièrement populaire à Eton, où il impressionne ses amis par son sens de l’humour et sa vivacité d’esprit. Pourtant, il n’est pas un élève assidu, il entre au Balliol College, à Oxford et termine avec un classement plutôt médiocre.
Son arrivée en Afrique

En 1911, après un voyage en Afrique du Sud avec des membres de sa famille, Denys, âgé de 24 ans, se rend en Afrique de l’est que l’on appelait à l’époque l’Afrique orientale britannique (AEB). Ce territoire regroupait ce qui est aujourd’hui, le Kenya, une partie de la Tanzanie, Zanzibar et l’Ouganda.
Avec l’argent d’un héritage, il achète des terres sur le versant occidental de la vallée du Rift. Il ne les exploite pas, mais en confie la gestion à un associé, tandis qu’il passe son temps libre à chasser.
Son installation définive au Kenya date de 1912 mais ce terme ne convient guère à la vie d’un homme dont l’aspiration à l’espace et à la liberté sont devenues des conditions sine qua non de son mode de vie. Vagabond aristocratique, toujours en mouvement, il se tourne un moment vers le commerce ; il ouvre une série de magasins dans la réserve de Masai et passe six mois en Somalie à rassembler du bétail qu’il ramène à Nairobi pour le vendre, juste avant que la guerre n’éclate.
Incarnation du « grand chasseur blanc »
Denys Finch Hatton incarne à merveille l’image du « grand chasseur blanc » typique de cette époque de la colonisation. Il pratique la chasse commerciale, ce qui définit une chasse pratiquée par les chasseurs blancs et leurs équipes dans le but de vendre les sous-produits de la faune (ivoire, peaux, trophées etc.) ou de ravitailler des chantiers en viande. Elle était appelée aussi chasse professionnelle. Ce n’est que plus tard qu’elle se transforme en safaris1 au cours desquels on emmène des étrangers pratiquer une chasse loisir.





En 1925, Denys se lance dans l’organisation de safaris pour des chasseurs fortunés. Parmi les clients de Finch Hatton figurent le fils de Theodore Roosevelt, quelques uns des hommes d’affaires les plus riches des États-Unis mais surtout il accueille par deux fois le prince de Galles en 1928 et 1930.

Un de ses client lui a un jour demandé comment il était devenu chasseur professionnel, il a répondu avec la désinvolture typique de l’aristocrate britannique « it just happened, if you know what I mean ». En fait, Denys avait besoin d’argent. Il était habitué à vivre sur un grand pied et la chasse pour des clients fortunés était un bon moyen d’allier son attrait pour les grands espaces sauvages et des revenus substantiels.
C’était un original et un homme cultivé. Il ne partait jamais en expédition sans son champagne, ses recueils de poésies et ses disques de Rachmaninov.
On raconte qu’il était un jour en safari, à des centaines de kilomètres de toute civilisation, lorsqu’un télégramme lui parvint de Londres. Il avait été transporté depuis Nairobi par des relais de coureurs africains qui avaient mis plusieurs jours pour arriver jusqu’à lui. Ce télégramme ne comportait qu’une seule phrase « Connaissez-vous l’adresse de Gervase Pippin-Linpole ? ». Finch-Hatton réfléchit longuement puis griffonne une réponse que le coureur devra porter à travers la brousse jusqu’au premier bureau de télégraphe. Elle ne comportait qu’un mot,« Oui ».
Ci-dessous, ses deux armes favorites, le fameux double express en .450 NE fabriqué pour lui par l’armurier anglais Charles Lancaster en 1925 et une carabine Mannlicher-Schoenauer/George Gibbs, modèle 1905 en calibre .256 Gibbs Magnum.




Les deux femmes de sa vie
La première fut la baronne Karen Blixen, la célèbre écrivain dont le nom de plume est Isak Dinesen. On la connait surtout pour son roman autobiographique – La ferme africaine. Leur relation fut longue et parfois houleuse mais elle les a profondément marqué l’un et l’autre.


Puis, Denys rencontra Beryl Markham qui est aussi une femme hors norme. Elle est l’une des premières femmes pilotes d’avion et pilote de brousse. Aventurière, entraîneuse de chevaux de course, chasseresse et écrivain, elle est la première pilote à traverser l’Atlantique d’est en ouest sans escale et en solitaire.

Il est enterré dans les collines du Ngong
Denys Finch Haton meurt en 1931 lors du crash de son avion, il est enterré dans les collines du Ngong, là où Karen Blixen et lui voulaient être enterrés ensemble.

« Je me suis rappelé que Denys avait exprimé le souhait d’être enterré dans les Ngong Hills… Il y avait un endroit dans les montagnes, sur les premiers contreforts de la réserve, que j’avais montré à Denys. À l’époque où je croyais finir mes jours en Afrique, je lui avais indiqué que je souhaitais être enterrée là. Le soir, tandis que nous contemplions les montagnes de ma maison, il avait dit qu’il aimerait y être enterré également. Par la suite lorsque nous roulions dans les montagnes, Denys avait dit quelques fois : »Allons donc jusqu’à nos tombes. » (La ferme africaine)
- Safari est un terme d’origine swahili hérité de l’arabe safarya signifiant voyage, déplacement ou découverte. ↩︎
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