La chasse de la grive au poste vit probablement ses dernières saisons car sans appelants cette chasse n’est plus possible. La modification de l’arrêté du 2 juillet 20241 ne résout rien et n’est pas une victoire, contrairement à ce qu’affirment certaines FDC provençales. Cet arrêté entérine en fait la fin d’un mode de chasse.

Où trouver des appelants ?

Comment faire pour chasser avec des appelants maintenant que la capture à la glu est interdite ? Les oiseaux capturés avant l’interdiction existent toujours mais leur longévité en captivité n’excède pas une dizaine d’années. Il ne reste donc que l’élevage, or cet élevage n’existe pas ou pratiquement pas et ne peut subvenir aux besoins des chasseurs provençaux. Ceux-ci doivent au moins avoir une batterie d’une quinzaine d’oiseaux puisqu’il faut avoir plusieurs oiseaux de chaque espèce de grive pour armer son poste.

Un élevage difficile, voire impossible

L’élevage des grives est extrêmement complexe. Il faut d’abord distinguer mâles et femelles, ce qui est très difficile. La seule manière d’être certain est de pratiquer une analyse ADN.

Il faut ensuite une volière par espèce et, en période de reproduction, une volière par couple car les oiseaux ne s’accouplent pas dans les volières de groupe. Une fois les oeufs éclos, les oisillons doivent être nourris avec des compléments donnés par l’éleveur à peu près toutes les quatre heures.

L’éleveur devra donc habiter à la campagne, ne pas travailler et avoir un grand espace à consacrer aux volières, ce qui réduit considérablement le nombre de personnes capables de se lancer dans cette activité. D’ailleurs, tous ceux qui avaient tenté la chose ont abandonné car les rares oisillons n’arrivaient jamais à maturité.

L’arrêté du 2 juillet 2024

Il précise que les oiseaux utilisés comme appelants doivent être bagués. Il fait référence à l’arrêté du 4 novembre 20032 qui, dans son article 5, traite des turdidés et autorise leur utilisation comme appelants. Dans sa première version l’arrêté de 2024 avait oublié de mentionner les appelants capturés à la glu avant son interdiction. La nouvelle version les intègre et donne un délai supplémentaire pour procéder au baguage.

Pourquoi les FDC provençales crient-elles victoire ?

Éric Camoin

Au lieu de se battre pour défendre un mode de chasse enraciné dans la culture provençale et profiter de la publication de cet arrêté pour chercher à remettre la question de la glu au centre des débats, ce que souhaitait Éric Camoin, président de l’ANDCTG3, les FDC ont préféré batailler sur des détails comme la date d’entrée en vigueur.

Le délai obtenu a juste permis de lancer un recensement des oiseaux actuellement détenus, déterminer le nombre de bagues nécessaires et les faire fabriquer en urgence car rien n’avait été prévu. Il paraît d’ailleurs que certains départements n’ont toujours pas de bagues à distribuer à leurs chasseurs.

Que les oiseaux soient bagués le 1er janvier ou le 1er mars ne change rien au fond du problème. Sachant que l’élevage est pratiquement impossible et que les appelants déjà détenus disparaîtront petit à petit, la chasse au poste est condamnée. En obtenant ce délai, les FDC ont pu faire croire qu’elles s’étaient battues et avaient sauvé la chasse au poste. Il n’en n’est rien.

Pourquoi sacrifier l’IMPCF ?

Pourquoi nos FDC provençales ne sont-elles pas plus combatives à propos de ces modes de chasse ? Est-ce que seule la chasse du grand gibier trouve grâce à leurs yeux ? Nous savons qu’un certain directeur de FDC n’aime pas les oiseaux mais cela doit-il avoir des conséquences sur le patrimoine cynégétique provençal ?

On peut se poser la question quand on sait que les FDC méridionales n’ont pas reconduit leurs financements pour l’IMPCF (institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique). Cet organisme, dirigé par le docteur Jean-Claude Ricci, était la seule source d’information, de données sérieuses et d’études scientifiques qui permettait d’argumenter et de défendre la chasse. Ses publications faisaient autorité et étaient utilisées même à l’étranger. C’est grâce à ses études que la chasse de la grive a pu être prolongée en février. On demande aux chasseurs de fournir des arguments, des données, des chiffres, des études sérieuse et on coupe les financements du seul institut capable de les fournir…

Le million de chasseurs français peut-il se passer d’un organisme scientifique capable de fournir des chiffres fiables et des études permettant de s’opposer au rouleau compresseur de nos opposants ?

Une autre menace sur la chasse aux grives

Les dernières nouvelles en provenance de la Commission européenne démontrent encore une fois l’absolue nécessité de disposer d’un tel organisme au service des chasseurs. Le NADEG (Expert Group of the Nature Directives), organisme de la Commission européenne, vient de préconiser un moratoire sur la chasse de quatre espèces : le fuligule milouin, le canard siffleur, la caille des blés, la grive mauvis. Cette demande est, bien entendu, appuyée par la LPO alors que, pour l’UICN, la grive mauvis n’est pas un sujet de préoccupation, cette espèce est classée en LC4 (least concern).

Si ces recommandations étaient mises en oeuvre, comment feront les chasseurs pour distinguer en vol la grive mauvis d’une autre espèce de turdidé ? Il y a risque de confusion et c’est sur ce risque de confusion que s’appuieront les anti-chasse pour demander une interdiction totale de la chasse aux grives.


  1. Arrêté du 2 juillet 2024 portant modification de l’arrêté du 4 novembre 2003 modifié relatif à l’usage des appeaux et des appelants pour la chasse des oiseaux de passage, du gibier d’eau et de certains corvidés et pour la destruction des animaux nuisibles ↩︎
  2. Arrêté du 4 novembre 2003 relatif à l’usage des appeaux et des appelants pour la chasse des oiseaux de passage, du gibier d’eau et de certains corvidés et pour la destruction des animaux nuisibles. ↩︎
  3. Association nationale de défense des chasses traditionnelles de la grive ↩︎
  4. Grive mauvis (Français) Turdus iliacus Linnaeus ↩︎

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3 commentaires sur « Chasse de la grive, un arrêté qui ne résout rien »

  1. Tout est parfaitement résumé et très juste malheureusement . Le pire est de ne pas avoir gardé le financement de lIMPCF ! Sans chiffres précis nos détracteurs auront beau jeu de démanteler toute chasse aux gibiers migrateurs . Je ne sais pas si cela est possible mais j’espère une fusion entre l’IMPCF et l’ISNEA Bien à vous et encore merci pour vos articles F LALANDE

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      1. Vous m inquiétez là .. car si on n’a plus de données précises on est vraiment mal ! En tout cas merci monsieur pour vos chroniques toujours très justes ! Bonne et belle continuation !

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