Chroniques Cynégétiques a eu la chance de pouvoir interviewer Tim Bonner, le directeur général de la Countryside Alliance1. La mission de l’Alliance est de promouvoir et défendre la campagne et la vie rurale britanniques, tant dans les médias qu’au Parlement. En 2008, l’Alliance a été nommée la « personnalité politique la plus inspirante » des dix dernières années par Channel 4 News.
Elle décline ses grandes campagnes à travers une Charte rurale qui s’articule autour des grands thèmes suivants :
- Faire en sorte que la ruralité ne soit pas pénalisée par le Brexit.
- Soutien aux agriculteurs et producteurs locaux.
- Reconnaître l’importance et la valeur de la chasse et de la pêche dans la gestion de la faune.
- Connecter la campagne en fournissant une infrastructure numérique de qualité.
- Lutter contre la criminalité en zone rurale.
Bonjour Tim, pouvez-vous nous dire en quelques mots qui vous êtes ?

J’ai tout d’abord été agriculteur dans une région rurale du sud-ouest de l’Angleterre. Il y a 25 ans j’ai commencé à m’impliquer en politique lorsqu’il a été question d’interdire la chasse à courre. En 2002, la Countryside Alliance a organisé une grande manifestation Londres2, j’ai alors aidé le service de presse et 20 ans plus tard, j’y suis toujours et j’ai occupé tous les postes, d’attaché de presse à directeur général.
Donc ce fut la défense de la chasse qui a été la raison de votre entrée en politique.
Oui, la chasse à courre a été mon premier combat. J’ai beaucoup chassé le lièvre avec une meute de beagles quand j’étais à l’université. Mais ce que je préfère, c’est la chasse à tir bien que j’aime aussi la pêche et tous les autres modes de chasse.
Paradoxalement mon engagement m’a éloigné de vie à la campagne. Le pire aspect de mon travail, c’est que je dois passer beaucoup de temps à Londres. Avant le Brexit, j’étais beaucoup à Bruxelles, je siégeais au conseil d’administration de la FACE, l’organisation européenne des chasseurs. Il faut noter que la Countryside Alliance travaille pour la vie rurale dans son ensemble.
La chasse est au cœur de notre action, mais nous travaillons aussi beaucoup sur la viabilité sociale et économique des communautés rurales.
Nous avons la conviction qu’il vaut mieux défendre des activités telles que la chasse comme faisant partie de la ruralité, plutôt que de permettre que ces questions soient séparées.
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Quand et pourquoi la Countryside Alliance a-t-elle été créée ?
Elle est née en 1997, c’est donc une organisation relativement jeune. Elle a été créée parce qu’un gouvernement travailliste s’était engagé à interdire la chasse à courre. Un certain nombre d’organisations existaient déjà comme la British Field Sports Society, qui s’intéressait beaucoup à la chasse, il y avait un mouvement rural plus large, qui travaillait pour la campagne dans son ensemble. Il y avait aussi un groupe d’hommes d’affaires, le « countryside business group », qui s’inquiétait de la viabilité économique des communautés rurales. Ils se sont réunis pour créer l’Alliance, qui a la chance d’avoir un nom magnifique. Je pense que cela a permis de mieux résister à ceux qui veulent détruire notre mode de vie et restreindre nos libertés.
Cela nous a donné une crédibilité et une portée politique qui vont bien au-delà de ce que nous aurions pu obtenir si nous n’avions été qu’une organisation de défense de la chasse. Nous cherchons à améliorer la vie des gens dans les zones rurales. Nous avons tous besoin d’un service de santé. Nous avons tous besoin du haut débit. Il y a eu un grand débat au Royaume-Uni sur l’accès au haut débit et au Wi-Fi dans les communautés rurales. L’impossibilité de se connecter à internet est un énorme désavantage pour ceux qui souhaitent vivre et travailler dans les zones rurales. Nous sommes au cœur de ce débat.
Les entreprises rurales issues de l’agriculture, les PME et le tourisme sont essentiels à la santé économique du pays – et doivent être soutenus par des infrastructures, des services et des politiques qui leur permettent de prospérer.
Les mesures visant à éliminer progressivement les combustibles fossiles en réponse aux changements climatiques, la transition en cours vers une société sans argent liquide et la disparition des services publics sont des gros handicaps pour les communautés rurales.
Votre combat est donc de permettre aux gens de vivre et de travailler dans les zones rurales.
Nous fonctionnons désormais comme une association caritative, ce qui nous permet de bénéficier d’avantages financiers et nous le faisons en partant du principe que notre travail bénéficie à l’ensemble du public. Ce n’est pas seulement pour les chasseurs, car la chasse génère toutes sortes d’avantages pour le pays dans son ensemble. Le travail de conservation effectué par les chasseurs profite à tous les britanniques. La nourriture que nous produisons, les avantages économiques, les emplois créés, tout le monde en profite. Et plus nous élargirons notre action, plus il sera difficile pour les gens de s’opposer à nous.
Travaillez-vous en collaboration avec la British Association for Shooting and Conservation3 ?
Tout à fait, j’en suis membre depuis mon enfance et je pense qu’ils font un excellent travail politique, de relations publiques et de conseil à leurs membres. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux. Par exemple, le siège du Royaume-Uni à la FACE était alternativement attribué à un membre de la Countryside Alliance et de la BASC.
Je suis un peu jaloux d’eux car leurs bureaux sont situés à la campagne alors que le notre est en plein coeur de Londres. Mais c’est indispensable, car nous devons être proche de Westminster, du centre du pouvoir politique au Royaume-Uni, parce que c’est là que sont nos cibles, les politiques et les médias.
Au Royaume-Uni, nous avons également une organisation remarquable, le Game and Wildlife Conservation Trust4, qui s’occupe essentiellement de la partie scientifique.
Elle nous fournit toutes sortes de données dont nous ne pourrions pas nous passer. Lorsque nous présentons des arguments au Parlement, lorsque nous informons les députés, lorsque nous faisons du lobbying, nous nous appuyons énormément sur leur travail car ils ont une crédibilité scientifique qu’il est impossible d’ignorer. (Et si nous nous en inspirions pour créer quelque chose de semblable en France ? – NDLR)
C’est donc une approche collaborative. Nous disposons d’une coalition, d’un partenariat, qui rassemble neuf organisations distinctes ayant toutes un intérêt dans la chasse. Ainsi, si nécessaire, nous pouvons nous adresser d’une seule voix aux ministres et au gouvernement.
Depuis votre création, quels sont vos principaux succès ?
La bataille législative sur la chasse à courre a finalement été perdue, mais la chasse existe toujours, la chasse à courre aussi, bien que ce soit sous une forme différente (le trail hunting – NDLR). Ce qu’il faut noter c’est que le combat législatif des anti-chasse n’a pas progressé. Nous avions peur que la chasse à courre soit totalement interdite et qu’ils s’attaquent ensuite à la chasse à tir.
Bien sûr, les organisations anti-chasse veulent continuer le combat. Ils veulent tout interdire, la chasse aux faisans, au gibier d’eau, à la grouse… Mais chez les politiques, le combat pour l’interdiction de la chasse à courre il y a vingt ans a laissée des traces, a affaibli le gouvernement de Tony Blair et les politiciens ne veulent plus recommencer. Cela fait 20 ans ce mois-ci, que l’interdiction de la chasse à courre est entrée en vigueur. Mais le souvenir de la levée de boucliers de la ruralité et de la très forte opposition à cette loi sont très présents dans la mémoire des politiques.
« Et nous serons toujours là pour rappeler aux gens que s’ils veulent s’attaquer à la ruralité, s’ils veulent proposer une législation injustifiée, préjudiciable, alors il y aura un prix politique sérieux à payer pour cela. »
Je pense donc que si l’on regarde le bilan de ces 20 dernières années, nous avons stoppé les progrès du mouvement de défense des droits des animaux.
Il faut aussi comprendre que nous sommes une société beaucoup plus urbanisée que la vôtre, nous avons une proportion beaucoup plus faible de la population qui vit à la campagne, nous avons une superficie moindre que la France mais avec le même nombre d’habitants. Et si vous enlevez l’Écosse, qui est immense mais où personne ne vit, spécialement dans le Nord, nous sommes une île très densément peuplée, et nous sommes donc confrontés aux mêmes défis qu’en France, mais nous y arrivons peut-être plus tôt parce que nous avons cette population plus urbaine et qu’en ce qui concerne les politiciens, nos votes dans la communauté rurale ont moins de valeur parce que nous sommes moins nombreux.
Vous avez actuellement un gouvernement travailliste avec Keir Starmer, qui semble être très agressif envers les communautés rurales avec un grand nombre de lois en préparation, taxe agricole, interdiction d’importer des trophées de chasse, énorme augmentation des frais de licence pour les armes à feu. Comment comprenez-vous cela ?
Je crois beaucoup en la politique et je pense que dans la plupart des cas, dans 99% des cas, il s’agit d’une erreur, d’une incompréhension, qu’il n’y a pas de conspiration. Le parti travailliste a fait beaucoup d’efforts pendant la période précédant les élections générales de l’année dernière pour essayer de d’apaiser la relation entre le parti travailliste et le monde rural. La gauche britannique, le parti travailliste, a toujours été, en tout cas au cours des 15 dernières années, un parti urbain. Et les campagnes ont largement rejeté ce parti au moment où il atteignait son apogée. Ainsi, lorsque Tony Blair a remporté ses deux énormes majorités en 1997 et 2001, il y avait beaucoup de députés ruraux qui appartenaient au parti travailliste. Mais cette tendance s’est atténuée. Il y a cinq ou six ans, il n’y avait plus aucun représentant du parti travailliste dans les zones rurales. Je pense que cela fait partie du problème.
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Le parti travailliste pensait pouvoir n’être qu’un parti urbain, métropolitain. Pendant la campagne électorale, Keir Starmer et ses ministres ont tout fait pour rassurer la communauté agricole et la communauté rurale en général en disant que les travaillistes avaient changé et ils n’allaient pas s’attaquer à la ruralité. Et puis nous avons vu ce faux pas énorme dans l’élaboration du budget de l’année dernière. Pour les que les français comprennent la situation il faut savoir que nous avons un impôt sur les successions au Royaume-Uni qui est de 40% au-delà d’un certain seuil. Les terres agricoles en sont exemptées. Vous pouvez donc léguer votre ferme à votre fils ou à votre fille sans payer de droits de succession. Cela s’est avéré nécessaire parce que les terres agricoles au Royaume-Uni sont extraordinairement chères mais leur rendement est minime. L’idée qu’une personne puisse hériter d’une ferme et payer 40 % d’impôts sur les successions est donc tout simplement irréalisable.
Le parti travailliste est arrivé au pouvoir et notre ministre des finances a besoin d’argent parce que la gauche aime dépenser de l’argent.
Il faut donc prendre l’argent quelque part. Le Trésor a persuadé cette ministre que la suppression de cette exonération serait utile. En réalité, cette mesure ne fera qu’anéantir les exploitations familiales. Les agriculteurs devront vendre leurs terres.
Pensez-vous qu’il s’agisse uniquement d’une question de finances et de budget ou faut-il y voir une volonté idéologique de détruire la ruralité ?
C’est une bonne question. Je pense qu’ils ne comprennent pas. Et c’est là le défi, car il n’y a pas eu de voix rurales significatives au sein du parti travailliste depuis une décennie ou plus.
Leur perception de l’agriculture se résume à l’image des livres pour enfants. Un agriculteur assis sur un petit cheval rouge avec de la paille dans les cheveux, une vingtaine d’hectares et tous les clichés sur la paysannerie d’autrefois. Bien entendu, ce n’est pas comme ça que ça se passe. Au Royaume-Uni, une exploitation familiale qui permet de gagner sa vie, de faire vivre deux générations nécessite environ 200 hectares, représente 5 millions de livres sterling, juste pour une exploitation agricole qui permet de gagner sa vie. Et payer des droits de succession pour cela n’est tout simplement pas faisable.
La conséquence la plus importante est que le monde rural est en colère et que cette colère ne retombera pas, cela se traduit par des manifestations monstres dans le pays.
Les agriculteurs ont défilé avec des centaines de tracteurs dans les rues de Londres et jusque devant Westminster. Et ils entendent mener cette bataille avec détermination. Le gouvernement se trouve maintenant dans une situation très difficile.

Peut-on dire que leur perception de la chasse à courre est tout aussi erronée et basée sur des a priori et sur une certaine forme de lutte des classes ?
Oui, certainement. Et toute la campagne sur la chasse à courre vient exactement de cette position. Pour des raisons que j’ignore et qui se perdent quelque part dans l’histoire, la chasse à courre, et en particulier au Royaume-Uni, était devenue synonyme des classes conservatrices, de droite, des propriétaires terriens. C’est sur ce point que s’est jouée toute cette longue bataille.
Un célèbre parlementaire de gauche, Dennis Skinner, siégeait à la Chambre des représentants lors des débats sur l’interdiction de la chasse à courre. Au moment de l’adoption du projet de loi, il s’est levé et s’est écrié : « C’est pour les mineurs ». Il faisait référence au démantèlement des mines de charbon par Margaret Thatcher et son gouvernement conservateur dans les années 1980, ce qui avait conduit à un combat acharné des syndicats à l’époque.
Pour ce député travailliste, interdire la chasse à courre était une revanche.
Mais leur vision de la chasse est très loin de la réalité. J’avais un collègue qui avait été mineur et qui, après la fermeture des mines, est devenu chasseur professionnel. Ce qui est étrange, c’est que la personne en veste rouge sur son cheval, cette fameuse image d’Épinal, est souvent un chasseur professionnel qui est loin d’être riche et qui est payé pour s’occuper des chiens et de l’équipage.
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Et voilà cet ami menacé, vingt ans après, de perdre à nouveau son travail à cause d’un gouvernement travailliste cette fois-ci. Je l’ai emmené une fois à une conférence du parti travailliste et les délégués, les membres du parti travailliste n’arrivaient pas à comprendre qu’il avait été mineur et qu’il était maintenant chasseur. Cela ne correspondait pas à leur vision manichéenne de la société. Le type en veste rouge sur un cheval est obligatoirement un riche propriétaire, un conservateur, selon eux.
Il y a l’idéologie et les faits. Et c’est souvent le problème des hommes politiques. Ils ne voient que l’idéologie. Et lorsqu’ils sont confrontés à la réalité, aux faits, leur monde s’écroule soudain. C’est ce qui est arrivé à Tony Blair, qui admet des années plus tard que l’interdiction de la chasse était une grave erreur.
Blair n’a jamais réellement voulu se remettre en cause mais son ami, Peter Mandelson, surnommé le prince des ténèbres, celui avec lequel Blair, a créé ce nouveau parti travailliste, cette sorte de mouvement de centre-gauche qui a rendu le parti travailliste éligible vit aujourd’hui à la campagne et il est devenu un grand partisan de la Countryside Alliance.
Êtes-vous optimiste au sujet de la taxe agricole, Tim ? Pensez-vous que le gouvernement, et en particulier Rachel Reeves, je pense, la chancelière, retirera cette taxe ?
Je ne suis pas optimiste, en grande partie parce que cela est maintenant considéré comme une épreuve de force politique, plutôt que comme quelque chose de logique en termes de fiscalité. Nous avons traversé une période politique extraordinaire qui se poursuit au Royaume-Uni depuis le Brexit, mais nous avions un gouvernement conservateur extrêmement impopulaire, pas particulièrement à cause de ses politiques, mais parce qu’il était tout simplement incompétent. Keir Starmer et le parti travailliste ont été élus avec une bonne majorité mais ils ont réussi en moins de six mois à devenir extrêmement impopulaire et à se montrer presque aussi incompétents que leurs prédécesseurs. Théoriquement un gouvernement est encore dans la période que nous appelons au Royaume-Uni, une période de lune de miel où tout est rose et on ne peut pas faire grand chose de mal, mais en fait, ils sont déjà acculés et Rachel Reeves (la ministre des finances. NDLR) ne peut pas reculer ou revenir sur ce qu’elle a annoncé parce que cela la ferait paraître faible.
Nous en sommes à un point où presque tous les autres partis politiques ont dit qu’ils souhaitaient supprimer ou modifier cette mesure. Certes, il y a des non-agriculteurs, des gens très riches qui ont acheté des terres juste dans le but d’éviter l’impôt, et ceci doit être aboli. Mais il faut le faire d’une manière qui ne punit pas l’agriculteur, le vrai, celui qui a de la boue sur ses bottes, qui produit réellement et qui veut simplement transmettre sa ferme à la prochaine génération, Je pense donc qu’un futur gouvernement mettra en oeuvre une politique qui permettra aux fermes d’être transmises d’une génération à l’autre. Il faut noter l’extraordinaire soutien d’acteurs qui, d’habitude ne se mêlent pas de politique, comme toutes les grandes chaînes de supermarchés, même la grande chaine de fast-food Mc Donald a pris parti contre cette taxe. Mais à court terme je ne sui pas optimiste. Nous avons un gouvernement de gauche, et chaque livre qui va à l’agriculture doit être comparée avec une livre qui va à l’éducation ou à la santé ou à la défense. Il est presque inévitable, je le crains, que les agriculteurs perdent progressivement cette bataille.
Hélas, il y a des problèmes beaucoup plus fondamentaux pour l’agriculture au Royaume-Uni en ce moment. La souveraineté alimentaire en est un. Nous ne sommes pas auto-suffisants en Grande-Bretagne et c’est un vrai problème dans un monde où la Russie envahit l’Ukraine ou l’incertitude règne, la sécurité alimentaire est un problème primordial. Il y a aussi le défi de la rentabilité pour les terres agricoles et la tentation qu’ont certains de se transformer en fermes solaires, en particulier dans des zones où l’agriculture est peu rentable. Ce seraient donc des terres retirées de la production agricole alors que nous avons besoin d’assurer notre souveraineté dans ce domaine. Une autre menace est la politique de l’environnement qui devient de plus en plus restrictive.
La question des droits de succession est vraiment secondaire. Le véritable défi est de mettre en place une politique agricole post-UE, post-plafonnement et d’adopter une politique qui soutient les agriculteurs, les communautés rurales, ce qui n’est pas seulement de la nourriture, bien que la nourriture soit essentielle à cela. Et au milieu de ce débat, la dernière chose dont nous avions besoin est cette bataille sur les droits de succession.
Pour finir cette interview, que pourrions-nous souhaiter à la Countryside Aliance dans le court terme ?
Le défi le plus important auquel nous sommes confrontés est celui du changement de perception des gens à propos des animaux. Il y a une énorme progression de l’anthropomorphisme, du sentimentalisme un peu mièvre. Les gens mettent le bien-être animal au-dessus de toute autre considération et n’arrivent plus à comprendre que l’on doive gérer les espèces animales. Est-il possible de lutter contre cela ? C’est difficile. Il faut donc continuer à éduquer et expliquer mais il faut aussi se demander comment nous pouvons être acceptables par le grand public. Et c’est très important car si vous avez le soutien du public, les politiciens ne verront aucune raison de vous « tomber dessus » et d’interdire vos pratiques. Il faut donc se demander comment conserver ou gagner une bonne image.

Un exemple parfait de l’acceptabilité d’une pratique est le Grand National, la grande course hippique qui a lieu tous les ans. C’est une épreuve particulièrement rude pour les chevaux. La distance est de de plus de 6 km, les obstacles sont très hauts et il y a beaucoup de participants. Il arrivait que des chevaux meurent pendant la course. Les associations de défense animale voulaient l’interdiction de cette épreuve. Les organisateurs ont compris qu’il fallait changer un peu pour continuer à exister. Ils ont donc travaillé avec des organisations de protection des animaux, ils ont réduit la taille des haies, limité le nombre de participants, chevaux et cavaliers doivent passer un test médical avant l’épreuve. Ces changements ont permis à la course course d’être plus acceptable aux yeux du public qui ne pouvait plus tolérer que des chevaux meurent pendant une épreuve.
C’est un exemple auquel il faut se référer en matière de chasse. Nous devons penser au bien-être de nos chiens mais aussi à l’acceptabilité de la chasse à tir. Il faut donc que chaque faisan, chaque perdrix qui est chassé entre dans la chaîne alimentaire car il est acceptable de chasser quelque chose si cela va être mangé. Le changement n’est pas obligatoirement mauvais, si nous changeons un peu nous pouvons protéger ce que nous aimons, nous pouvons protéger notre mode de vie et nous assurer que nos enfants et nos petits-enfants pourront continuer à faire vivre ce patrimoine rural.
Tim Bonner, merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions et longue vie à la Countryside Alliance !
- Countryside Alliance ↩︎
- 400 000 «farmers» déferlent sur Londres pour dire leur mal-être et défendre la chasse à courre ↩︎
- British Association for Shooting and Conservation ↩︎
- Game and Wildlife Conservation Trust ↩︎
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