Le 16 avril dernier, les États membres de l’Union européenne ont validé, lors du conseil de l’Union, le déclassement du statut de protection du loup dans la Directive habitats. C’est une des nombreuses étapes qui feront passer le loup d’espèce « strictement protégée » à « protégée ».

Un long processus pour parvenir au déclassement

25 septembre 2024 : le Comité des représentants permanents de l’UE s’est prononcé en faveur du déclassement du statut du loup, qui passerait de « strictement protégé » à « protégé ». La Commission européenne a ensuite communiqué cette proposition au secrétariat de la convention de Berne qui est l’organisme autorisé à déclasser une espèce.

3 décembre 2024 : les États membres de la Convention de Berne votent en faveur de l’abaissement du niveau de protection du loup proposée par l’Union européenne. Il fallait que le vote soit obtenu par une majorité des 2/3. Un délai de trois mois est prévu entre cette adoption et l’entrée en vigueur. Si, dans ce délai de trois mois à compter de la publication, moins d’un tiers des parties à la Convention de Berne s’y oppose, le changement de statut entrera en vigueur dans les pays qui n’ont pas formulé d’objections.

7 mars 2025 : entrée en vigueur de la modification puisque moins d’un tiers des États membres à la convention de Berne a formulé des objections. Les états opposés à la modification sont le Royaume-Uni, Monaco, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la république Tchèque.

16 avril 2025 : le Conseil de l’UE annonce1 avoir validé la modification du statut de l’espèce dans la directive Habitats de l’UE. Le loup y passe du statut d’espèce « strictement protégée » (Annexe IV) à « protégée » (Annexe V).

Mai 2025 : le Parlement européen doit maintenant se prononcer sur ces modifications dans un vote qui aura lieu en mai. Dans le cas d’un vote positif au parlement, cette évolution ne s’appliquera pas de manière obligatoire à tous les États membres de l’UE, ceux qui le souhaitent pourront laisser le loup en statut « strictement protégé ».


De l’obligation de protection à la possibilité de gestion
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Le loup était inscrit à l’Annexe IV de la directive habitats sur le fondement des données scientifiques disponibles au moment de la négociation de la convention, c’est à dire en 1979. Mais depuis cette date l’espèce a bien prospéré en Europe. La population de loups dans l’UE a presque doublé en dix ans passant de 11000 à 20300.

Les obligations de l’Annexe IV

L’inscription du loup dans cette annexe interdit toute possibilité de régulation de l’espèce. La directive européenne autorise cependant des dérogations comme des tirs territorialisés en cas de dommages causés aux troupeaux et lorsque ces dommages ont lieu dans des zones considérées comme « non protégeables ».

La mise en oeuvre de ces dérogations diffère d’un état à l’autre. La France a décidé de mettre en oeuvre un « plan loup » pour évaluer les besoins de régulation et en fixer les conditions. Les dernier arrêté2 concernant cette régulation a été publié au Journal officiel le 23 février 2024. Il fixe les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de « destruction des loups » peuvent être accordés par les préfets. Ce texte présente des améliorations car il autorise l’usage de caméras d’observation nocturne, il supprime l’obligation d’éclairage et permet de passer à deux voire trois tireurs.

Les possibilités de l’Annexe V

En cas d’adoption définitive, le Conseil de l’Union européenne rappelle que les États membres devront néanmoins « assurer l’état de conservation favorable de l’espèce ». Ils devront aussi « appliquer des mesures de suivi susceptibles de donner lieu à des interdictions de chasse temporaires ou locales ». Les financement de l’UE seront toujours disponibles pour mettre en oeuvre les mesures de coexistence et de prévention et pour assurer les dédommagements des éleveurs en cas de prédation.

Les autorités françaises indiquent que le déclassement du loup « autoriserait une gestion de type cynégétique », autrement dit la « définition de quotas, de modalités de prélèvements (lieux, périodes), etc. »

Attention, il s’agit bien d’une gestion de type cynégétique et non de gestion cynégétique. Cela ne veut pas dire que le loup devient une espèce chassable au même titre que le chevreuil ou la bécasse mais que les principes de gestion de l’espèce s’inspireront du modèle cynégétique de gestion adaptative.

Ces modifications ont été favorablement accueillies par l’Association nationale des Élus de Montagne (ANEM) qui a déclaré, dans un communiqué publié le 17 avril, « Cette avancée va permettre aux éleveurs de mieux se défendre face aux attaques de loups. »

Les pro-loups s’opposent à ces décisions

Cinq associations européennes contestent ces évolutions devant la Cour européenne. Elles veulent l’annulation juridique de la décision du Conseil de l’UE. Ces associations sont Green Impact (Italie), Earth (Italie), Nagy Tavak (Hongrie), LNDC Animal Protection (Italie) et, bien sûr, One Voice pour la France. Vous ne serez pas surpris d’apprendre que Green Impact milite activement pour l’arrêt de l’élevage et pour l’utilisation des protéines végétales et de la viande de synthèse3.

Les motifs avancés par les pro-loups sont les suivants :

  • Sous-estimation de la population de loups, l’espèce est encore vulnérable ;
  • Violation des principes de proportionnalité et de précaution, abus ou détournement de pouvoir, défaut d’instruction en raison du non-respect du principe de la « meilleure science disponible », ainsi que violation des principes établis par la Cour de justice concernant les dérogations au régime de protection du loup ;
  • Violation des principes de la directive européenne Habitat, qui impose d’assurer un « état de conservation favorable » de la population de l’espèce concernée dans son aire de répartition naturelle ;
  • La décision contestée est également en contradiction avec les lignes directrices établies par la Recommandation n° 56 (1997) du Comité permanent de la Convention de Berne, qui prévoit que les modifications des annexes I et II de la Convention doivent être effectuées de manière cohérente et fondée sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles.

En résumé, « les institutions européennes et les 52 États membres de la Convention de Berne ont tort, ils ne savent rien du loup, les éleveurs peuvent crever à petit feu, nous nous fichons des principes de la démocratie ; nous sommes les seuls à détenir la vérité et a oeuvrer pour le bien de la planète… »

Quand l’arrogance s’allie au dogmatisme…


  1. Directive « Habitats »: le Conseil marque son accord sur la proposition ciblée visant à modifier le statut de protection du loup ↩︎
  2. Arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ↩︎
  3. ALTERNATIVE PROTEINS ↩︎

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