Le 1er mai dernier, un chasseur isérois a eu la désagréable surprise de recevoir la visite de deux gendarmes à son domicile. Qu’avait-il fait pour que les forces de l’ordre se déplacent chez lui un jour férié ? Braqué une banque ? Importé des produits bizarres de Colombie ? Rien de tout cela, il a juste acheté une nouvelle carabine de chasse.
Jacob Maxime, chasseur isérois a donc reçu la visite de deux gendarmes venus lui signifier une convocation pour une audition administrative suite à sa déclaration d’acquisition d’une nouvelle arme de chasse (catégorie C). Cette audition est demandée par le préfet de l’Isère.
Jacob est chasseur, son permis est validé, ses autres armes sont toutes inscrites au SIA, il n’ aucune condamnation sur son casier judiciaire. Il travaille et lui et sa compagne ont un enfant. Très investi dans la chasse, Jacob a suivi toutes les formations proposées par la FDC locale, piégeur agréé, formation chamois, formation décennale à la sécurité. Il est même en train de devenir conducteur de chien de rouge. Pourquoi donc cette audition ?
Pourquoi un tel traitement ?
Selon Jacob, cela pourrait être lié à un tweet publié il y a quelques années et probablement considéré comme « maladroit » puisque SOS racisme avait porté plainte contre lui. L’affaire est en cours mais les charges ne semblent pas suffisantes pour qu’il soit envoyé au bagne.
Cela a apparemment suffi pour qu’il soit dans le collimateur de la préfecture et que l’achat d’une nouvelle carabine fasse sonner le signal d’alarme.
Il faut savoir que, suite à une circulaire signée par Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, certaines personnes peuvent faire l’objet d’un suivi particulier en matière d’achat et de détention d’armes. Quand il s’agit de voyous, de suspects de terrorisme ou de personnes fragiles psychologiquement cela se comprend mais en l’occurrence cela s’applique à un citoyen français sans problème.
La réglementation
L’article R114-51 du code de la sécurité intérieure prévoit que la détention et l’acquisition d’armes peuvent être précédées d’enquêtes administratives « destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n’est pas incompatible avec leur demande. »
Un document2 du Service Central des Armes et Explosifs (SCAE) qui gère aussi le SIA résume la réglementation (vous pourrez le consulter en bas de page). Dans le cas d’armes de catégorie C (armes de chasse), ces enquêtes peuvent être demandées par la préfecture pour deux raisons :
- lors de l’achat de la vingtième arme de chasse et à chaque nouvelle dizaine ensuite ;
- à la demande de la préfecture pour toutes « situations particulières ».
Au cours de cet entretien les autorités :
- vérifieront le nombre d’armes détenues et se renseigneront sur la pratique de la chasse de la personne auditionnée.
- vérifieront que la personne a bien pris en compte les prescriptions de conservation de ses armes (coffre, armoire forte, démontage…)
Ces auditions ont pour but de vérifier les motivations et le profil du demandeur et de détecter « les finalités contraires aux pratiques du tir et de la chasse qui seules fondent le droit à détenir une arme. » Le document officiel cite quelques unes des finalités contraires au droit de détenir une arme et ce sont par exemple : volonté d’auto-défense, souhait de se former au tir tactique, modes de vie survivaliste …
Sévère avec le chasseur mais laxiste avec les dealers
Cette affaire est d’autant plus scandaleuse qu’elle se déroule à quelques kilomètres de Grenoble, ville aux mains des narcotrafiquants qui y font régner leur loi. Le procureur de Grenoble Éric Vaillant avait déclaré en 2024 :
« De toute ma carrière, je n’ai jamais vu une ville qui était aussi pourrie et gangrenée par le trafic de drogue que Grenoble.« 3
Pas une semaine sans fusillade, pas un mois sans un mort ou un blessé mais certains considèrent que le danger vient d’un chasseur. Pourquoi cette différence de traitement entre ceux qui sèment le chaos et ceux qui respectent la loi ? Le maire Éric Piolle et son adjointe animaliste Sandra Krief ont-ils déteint sur le préfet ?
Audition administrative ou intimidation administrative ?
Ou s’agit-il d’autre chose ? L’audition administrative peut être décidée par le préfet en cas de « situation particulière ». Qu’est-ce qu’une situation particulière ? Quel critères vont servir à déterminer le caractère spécial d’une situation ? C’est là qu’intervient l’arbitraire du préfet car c’est lui et ses services qui vont décider si telle ou telle situation est « particulière ». Il est facile d’imaginer que certains opposants politiques jugés « radicaux » tomberont sous le coup de cette appréciation.
En France les justices pénale, civile ou administrative sont encadrées par des textes de loi précis mais les pouvoirs de police des préfets sont énormes et l’utilisation d’expressions aussi peu précises que « situation particulière » laisse libre cours à un arbitraire loin d’être démocratique.
Le document du SCAE cite, par exemple, comme motif d’inquiétude le mode de vie survivaliste. On peut se demander en quoi le mode de vie survivaliste est un danger. Je ne suis pas un adepte de cette tendance venue d’outre Atlantique ; j’ai toujours pensé, qu’en cas d’apocalypse, mes derniers gestes seraient d’ouvrir un excellent Bourgogne et d’écouter Bach une dernière fois et que je ne perdrai pas mon temps à jouer à Rambo mais ces gens sont-ils réellement dangereux ?
Les autorités semblent avoir peur que les français, inquiets à juste titre de la situation sécuritaire de leur pays, cherchent à trouver les moyens de se défendre en cas de problème. Certes, il n’est pas souhaitable que nos rues deviennent des lieux d’affrontements armés entre voyous et citoyens excédés mais cela n’a rien à voir avec le fait qu’un chasseur ait envie de s’acheter une nouvelle carabine. Cela a à voir avec une situation que nos politiques ont laissée se détériorer depuis des dizaines d’années.
Souvenons-nous d’une des dernières déclarations de Gérard Collomb, éphémère ministre de l’intérieur du premier mandat de Macron : « On vit côte à côte et je le dis, moi je crains que demain, on ne vive face à face. Nous sommes en face de problèmes immenses. » Collomb n’était pas un dangereux factieux d’extrême droite mais son passage au ministère de l’intérieur lui aura apparemment ouvert les yeux.
« L’amour excessif de la licence, qui pénètre jusqu’à l’intérieur des familles conduit à l’anarchie et mène ainsi à la tyrannie » écrivait Aristote. Il serait sans doute surpris de constater qu’aujourd’hui anarchie et tyrannie ne sont pas des états successifs mais concomitants.
- Article R 114-5 du Code de la sécurité intérieure. ↩︎
- Audition administrative des tireurs et chasseurs ↩︎
- https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/comment-on-les-emmerde-a-grenoble-ca-chauffe-enfin-pour-les-trafiquants-de-drogue ↩︎
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