Le projet d’arrêté que la ministre Pannier-Runacher souhaite présenter au CNCFS du 26 juin a déclenché la colère des chasseurs. Ce qui est proposé dans cet arrêté est probablement la pire attaque contre la chasse depuis Dominique Voynet.
Chroniques cynégétiques vous présente les principales dispositions prévues dans l’arrêté et les réactions des présidents de certaines associations.
Le contexte
La chasse des espèces migratrices est dans le collimateur de l’Union européenne depuis longtemps. La Commission européenne a créé un groupe de travail la Task Force for Recovery of Birds (TRFB), chargé depuis 2021 d’examiner la « durabilité » de la chasse des oiseaux migrateurs d’un point de vue scientifique. Au sein de ces groupes, les chasseurs sont représentés par la FACE (dont on peut douter de l’intérêt pour la chasse des migrateurs) et la France par un membre du ministère de la Transition écologique (qui reçoit quelles consignes ?).
Les conclusions de ce groupe de travail ne sont pas encore officielles mais il semble qu’il soit envisagé de soumettre trois espèces à une gestion adaptative : le fuligule milouin, la caille des blés et le canard siffleur.
Alors pourquoi et sans attendre les conclusions officielles et définitives de la Commission européenne et, à la grande surprise du monde de la chasse1, le ministère de la transition écologique a-t-il décidé de soumettre 9 espèces à des restrictions qui vont du moratoire complet jusqu’en 2028, au raccourcissement des périodes de chasse et à l’inscription obligatoire de tout prélèvement sur ChassAdapt sous peine de sanctions.
Les principales dispositions de l’arrêté
Suspension de la chasse de quatre espèces et réduction des periodes de chasse pour cinq autres.
La chasse de quatre espèces serait suspendue sur tout le territoire national jusqu’en 2028 : lagopède alpin, fuligule milouin, courlis cendré et barge à queue noire.
La chasse de la caille des blé et de la grive mauvis s’arrêteront le deuxième dimanche de janvier pour les quatre années à venir. Pour les autres grives et les merles ce sera le 10 février au lieu du 20 actuellement.
La chasse des canards pilets, souchets, siffleurs et des sarcelles d’hiver devra s’arrêter le deuxième dimanche de janvier pour les quatre années à venir.
Tout prélèvement de canards souchets, pilets, siffleurs, de grives mauvis, de sarcelles d’hiver et de cailles des blés devra être immédiatement inscrit sur ChassAdapt sous peine de sanctions.
Non seulement les sauvaginiers n’ont pas gagné le mois de février mais il est envisagé de presque supprimer la chasse en janvier pour certaines espèces. Il est aussi surprenant de voir que le lagopède alpin a été inclus dans cette liste alors qu’il n’est ni concerné par l’étude européenne ni une espèce migratrice.
Les réactions des associations
Les associations spécialisées se rassemblent et entendent combattre ensemble cette attaque gravissime. Chroniques cynégétiques remercie leurs présidents d’avoir bien voulu lui accorder ces déclarations.
Déclaration d’Éric Sicard, président de l’UNACOM :
« La ministre vient de faire une déclaration de guerre à tous les chasseurs de migrateurs ! Elle met en place une autoroute pour nos adversaires idéologiques, qui vont se faire plaisir en multipliant les différents contentieux.
Il est évident que l’objectif est de réduire de manière drastique et significative le nombre d’espèces chassables et, à terme, de supprimer le mois de janvier.
C’est le début de la fin de la chasse de nuit du gibier d’eau !. Car dès lors que les recours vont pleuvoir , il y aura un risque de confusion !!.
Le conseil d’État va prendre position et il indiquera qu’il existe une autre solution satisfaisante : chasser de jour ! »
Déclaration d’Éric Camoin, président de l’ANDCTG :
« L’arrêté ministériel en préparation est terrible pour la chasse française. Je me contenterai ici de parler des grives car c’est notre domaine d’expertise à l’ANDCTG. Bien entendu, je partage l’indignation des chasseurs de gibier d’eau et des autres migrateurs mais je leur laisse le soin d’en parler car ce sont les spécialistes de cette chasse.
L’arrêté de la ministre Pannier-Runacher cible donc aussi la chasse de la grive puisque la grive mauvis serait fermée au deuxième dimanche de janvier avec, en plus, l’obligation de rentrer chaque prélèvement sur Chassadapt, à défaut de quoi vous serez en infraction.
Et ce n’est pas tout ! La chasse de tous les autres types de turdidés (merle, grive draine, grive musicienne et litorne), serait fermée le 10 février alors que nous pouvions chasser ces oiseaux jusqu’au 20 février.
Le plus grave est que la différence faite entre la mauvis et les autres grives ouvre grand la porte aux recours des associations anti-chasse. Celles-ci iront devant les tribunaux administratifs en arguant que le risque de confusion entre les espèces est trop important. Il ya donc fort à parier que ces recours soient jugés recevables et que les dates soient alignées sur celle de la mauvis. Les chasseurs de grives auront donc perdu un mois complet de chasse !
Trop c’est trop ! Le président Macron et ses ministres de l’écologie n’ont eu de cesse que d’attaquer la chasse. N’oublions pas que les chasses traditionnelles ont toutes été sacrifiées par ces gouvernements successifs. »
Déclaration d’Olivier Berthold, président de l’ANCGE :
L’Association nationale des chasseurs de gibier d’eau s’élève avec la plus grande fermeté contre les mesures annoncées par le ministère de la Transition écologique visant à restreindre ou suspendre la chasse de plusieurs espèces migratrices, dont certaines ne font même pas partie des travaux d’évaluation menés à l’échelle européenne. Alors que le groupe d’experts scientifiques mandaté par la Commission européenne (TFRB) a identifié seulement trois espèces devant faire l’objet d’une gestion adaptative – à savoir le fuligule milouin, la caille des blés et le canard siffleur – la France envisage unilatéralement des restrictions sur neuf espèces, dont le lagopède alpin, qui n’est même pas migrateur, et qui n’a jamais été concerné par les évaluations européennes. Ce zèle réglementaire, purement politique, tourne le dos à la méthode scientifique.
L’idéologie ne peut pas tenir lieu de gestion de la biodiversité. Nous refusons que la chasse du gibier d’eau, pratiquée par des centaines de milliers de passionnés impliqués dans la préservation des zones humides et le suivi des populations, serve de variable d’ajustement pour une posture ministérielle « plus verte que verte ».
Nous apportons notre soutien plein et entier à toute mobilisation pacifique des chasseurs contre ces propositions injustes. La colère du terrain est légitime, et nous appelons l’ensemble des fédérations, associations et chasseurs à l’unité et à la vigilance, pour que cette offensive idéologique ne passe pas.
Notre association se tient prête à défendre devant toutes les instances cette passion, cette culture et ce savoir-faire, ancrés dans les territoires et respectueux des équilibres naturels. Nous ne nous tairons pas. Préparez-vous à vous mobiliser…
Et si nous faisions un bilan ?
Il serai temps de faire le bilan de ce que la chasse a perdu au cours des huit dernières années malgré les grandes tirades du candidat puis président Macron. Chasses traditionnelles2, plomb, moratoires divers et variés, grand tétras, création de l’OFB, pas d’oies en février, pas de modification du régime d’indemnisation des dégâts grand gibier et des ministres de tutelle comme Hulot, Borne, Pompili, Pannier-Runacher… Que personne n’ose dire que Macron fait des cadeaux aux chasseurs !
Dans le bilan, il faut ajouter la perte d’influence des chasseurs dans le monde politique. Qu’une technocrate sans envergure comme la ministre Pannier-Runacher puisse s’attaquer comme elle le fait à notre passion sans être immédiatement recadrée est un symptôme de cet abandon. Un président de la République minoritaire et de plus en plus isolé a voulu utiliser les chasseurs à un moment et les sacrifie ensuite. Rien de surprenant dans la démarche de la part d’un politique retors, ce qui l’est, par contre, c’est que certains aient pu croire à sa sincérité.
Que la ministre soit furieuse des ses échecs à propos des ZFE et de la PPE est une chose mais cela ne l’autorise pas à se venger sur la chasse. Avec cet arrêté, la ministre s’attaque aux chasseurs avec le même mépris que lorsqu’elle avait dit à propos des ZFE, « Les pauvres ne sont pas concernés, ils n’ont pas de voiture. » Attention madame, non seulement les chasseurs ont des voitures, ce qui leur permettra d’aller à Paris manifester sous vos fenêtres mais ils ont aussi accumulé un stock de ras-le-bol qui ne demande qu’à s’exprimer. La durée de vie de ce gouvernement étant limitée, il serait souhaitable qu’il se contente d’expédier les affaires courantes, ce serait la meilleure manière pour eux de ne pas commettre trop de dégâts.
- Il paraît que la réaction de la FNC surprend les personnes du ministère en charge du dossier car ceux-ci prétendent qu’ils attendaient des réponses de la part de la FNC à ce sujet. Ce qui sous-entendrait que cette dernière était au courant et n’a pas répondu. Il est fort possible que ces déclarations venues du ministère ne soient destinées qu’à diviser le monde de la chasse et à décrédibiliser la direction de la FNC. Compte tenu du fait que le ministère de la Transition écologique est grandement infiltré par les militants anti-chasse, LPO en particulier, c’est une hypothèse hautement probable. ↩︎ ↩︎
- Rappelons-nous la déclaration d’Emmanuel Macron devant les chasseurs en 2017 : « Les chasses traditionnelles font partie du patrimoine de notre pays, elles ne nuisent en rien aux espèces que l’on chasse et elles sont le reflet des traditions d’un terroir et d’un mode de vie. » Quelques années après, force est de constater que les promesses n’engageaient que ceux qui y ont cru, une fois encore. Il est surprenant que certains aient pu faire confiance à un personnage aussi trouble, un homme qui venait de trahir celui qui l’avait fait ministre, un homme qui ose parler de « patrimoine » alors que quelques semaines auparavant il déclarait « L’art français, je ne l’ai jamais vu. » Bref à un homme qui a la trahison, le mensonge et la manipulation dans le sang. ↩︎
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