Traduction d’un article de John Nash paru dans Country Squire Magazine.

Il y a des moments où, même en ignorant la propagande végane, un article dans un média vous fait sursauter. C’est ce qui s’est passé lorsque j’ai récemment lu un article de Psychology Today, écrit par le docteur Marc Bekoff et intitulé « Maintenir la mémoire de Cecil1, le célèbre lion, pour mettre fin à la chasse au trophée ».

Ce qui m’a troublé, ce n’est pas seulement le détournement de la vérité et la désapprobation habituelle de la chasse, en particulier de la chasse au trophée, mais le fait que cet article émane d’un professeur de biologie évolutive qui semble avoir oublié la loi la plus élémentaire de la compétition évolutive : manger ou être mangé. Cette compétition est la première étape qui permet de survivre, puis de réaliser l’autre étape de l’évolution : la reproduction, qui, dans notre cas, a évolué vers la civilisation humaine.

Le Dr Bekoff nous dépeint une caricature morale hélas habituelle : les lions sont nobles, les chasseurs sont cruels et le monde moderne doit dépasser son passé primitif. Selon lui, la mort du lion Cecil en 2015, tué par un chasseur à l’arc au Zimbabwe, devrait être transformée en cri de ralliement pour mettre fin à la chasse au trophée. Mais cet argument – et la ferveur morale qui le sous-tend – témoigne d’une profonde incompréhension de l’évolution et de l’histoire de l’humanité, renforcée par une profonde ignorance de ce qu’est la chasse.

La vérité est que sans les chasseurs, il n’y aurait pas de civilisation dans laquelle se réfugier. La terre sur laquelle nous construisons et cultivons, les murs de nos villes, les livres sur nos étagères, et même les normes morales que nous appliquons aujourd’hui au monde – tout cela est fondé sur la chasse. La viande, les peaux, les outils, le feu, la discipline, le risque, la coopération, le partage du butin : telles étaient les matières premières de la culture humaine. Se tourner aujourd’hui vers le chasseur et le mépriser au sein de la civilisation nourricière que les chasseurs ont approvisionnée et protégée pendant plus de 100 000 ans relève d’une sorte d’amnésie historique moderne.

La chasse au trophée, qui suscite si souvent le dégoût des non-chasseurs, n’est pas une activité malsaine basée sur l’orgueil. C’est une célébration de la chasse, une expression ritualisée de quelque chose d’ancien, de difficile et de profondément humain.

Le « trophée » n’est pas une babiole, c’est un témoignage. Il dit : « Je suis sorti, je me suis mesuré à la nature, j’ai réussi, voici la preuve, et je me souviens ».

Pour quelqu’un qui n’a jamais chassé, cela peut sembler absurde ou prétentieux, mais pour ceux qui connaissent la nature en tant que prédateur plutôt qu’en tant que spectateur, qui ont traqué, attendu, échoué, réessayé, enduré, puis réussi, c’est tout sauf cela.

J’écris en tant que personne qui a passé sa vie à observer, à réfléchir et à parler avec des gens du monde entier sur les mécanismes les plus profonds de la vie humaine, des mécanismes que la modernité urbaine a en grande partie oubliés, effacés par la révolution industrielle et l’urbanisation. Le besoin de chasser, en particulier chez les hommes, n’est pas une anomalie culturelle à corriger, c’est une caractéristique construite par des centaines de milliers d’années de pression de survie. Elle fait partie de ce qui a fait de nous ce que nous sommes. Et elle ne disparaît pas simplement parce que vous avez accès à un supermarché.

En effet, ce n’est que depuis deux ou trois générations, dans les sociétés industrialisées, que la chasse a été largement remplacée par l’abondance préemballée. Ceux qui vivent dans le doux cocon de la modernité – bien nourris, bien chaussés et bien intentionnés – essaient maintenant d’étendre la moralité nourricière de la civilisation humaine à la nature.

Ils oublient que la nature fonctionne non pas sur l’éthique et le confort, mais sur l’énergie et la compétition.

Dans le monde naturel, la vie se nourrit de la vie. Cela a toujours été la règle. Même aujourd’hui, en période de famine ou de déplacement, les gens reviennent à la chasse – non pas parce que c’est cruel ou arrogant, mais parce que c’est nécessaire, normal, pragmatique et que cela fonctionne.

Il est révélateur que le sentiment anti-chasse soit le plus fort dans les sociétés les plus éloignées de la loi naturelle dans lesquelles l’industrie, les services, l’éducation et le divertissement font de nous des consommateurs totalement déconnectés de la loi naturelle. Les occidentaux urbanisés, dont beaucoup n’ont jamais tenu un animal mort dans leurs mains, jugent ceux qui vivent encore de leur intelligence, de leurs outils, de leur compréhension et de leur gestion de la terre. Mais l’éthique n’est pas universelle. Les codes moraux qui régissent l’école maternelle, le tribunal ou le parc urbain ne sont pas les mêmes que ceux qui s’appliquent aux zones sauvages et aux terres agricoles de Grande-Bretagne, sans parler du Kalahari ou de la vallée de Luangwa.

Prenons l’exemple de la chasse au trophée réglementée en Afrique australe.

Dans des pays comme la Namibie, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, la viande de trophée et les droits de chasse financent non seulement les efforts de lutte contre le braconnage, mais aussi les écoles, les cliniques, l’emploi et l’avenir des communautés locales. Dans de nombreux cas, il s’agit de régions où le tourisme photographique n’est pas viable en raison de l’éloignement, du danger ou du manque d’infrastructures. Sans les revenus et la viande issus de la chasse, les vastes terres situées en dehors des réserves nationales seraient consacrées à l’élevage de bétail et de chèvres, la faune serait déplacée ou détruite, et les lions – comme Cecil – ne seraient pas épargnés, mais tout simplement éradiqués. La chasse et la chasse au trophée permettent de tenir l’agriculture à distance.

Qu’est-ce qui est le plus éthique, au juste ? Un chasseur de trophées payant 30 000 livres sterling pour chasser un éléphant mâle vieillissant et non reproducteur – dont la viande nourrit ensuite un village entier – ou un activiste étranger qui le condamne de loin tout en ne contribuant en rien à la survie de cette communauté ? Pire encore, est-il plus éthique pour des activistes de pacotille d’empêcher cette manne financière en insultant un chasseur de trophées qui a dépensé une petite fortune en Afrique pour chasser un vieux lion dangereux qui s’est égaré hors de la réserve dans les terres agricoles environnantes ? Un lion qui aurait, de toute façon, été tué par la population locale !

À ceux qui reculent devant la chasse, il faut cesser de penser en termes de symboles imaginaires et commencer à penser en termes de réalité physique. Un lion n’est pas une mascotte. Un chasseur n’est pas un monstre. La vie réelle n’est pas un film de Disney. La chasse est désordonnée, parfois dangereuse et dépend de choix difficiles. La chasse au trophée n’est pas en dehors de l’éthique, mais elle est en dehors de l’éthique intérieure de la civilisation urbaine. L’éthique du prédateur humain dans une chasse n’est pas la même que celle de la pouponnière. Elle est plus ancienne, plus dure, mais pas moins réelle. Le respect de la proie, la gratitude pour la chasse réussie et en assumer les conséquences sont des valeurs aussi anciennes que notre espèce ; elles méritent compréhension et respect, et non une condamnation générale par des consommateurs éloignés du terrain.

Oublier la chasse, c’est oublier d’où nous venons.

Pire encore, c’est oublier que beaucoup d’autres personnes dans le monde vivent encore près de cette réalité. Une chasse au trophée est, tout comme le rituel culturel d’une chasse au renard aux chiens courants, une célébration et un rappel de nos défis passés, afin de ressentir à nouveau la passion ancienne et la récompense euphorique que l’évolution nous a données pour surmonter les défis au cours de notre long voyage depuis l’obscurité. Considérer tout cela comme un simple « amusement », c’est jeter une couverture d’ignorance sur notre détermination évolutive. Ne prétendons pas que la supériorité morale peut être construite sur une telle ignorance urbaine et une telle déconnexion. Respectons plutôt le passé, comprenons le présent et préservons un avenir dans lequel la chasse, pratiquée à bon escient par ceux qui en ont encore la flamme, a toujours sa place.

Quant au lion Cecil, que l’on se souvienne de lui non pas comme d’une arme dans une guerre culturelle ou comme d’un accessoire trompeur de charlatans, mais comme d’un élément du monde qui fonctionne encore selon les vieilles règles, où la vie doit être gagnée, et non pas juste appréciée selon des crières moraux inadaptés. 

Et que l’on se souvienne aussi du chasseur, non pas comme un méchant ou un héros, mais comme ce qu’il est vraiment, un descendant de ceux qui nous ont nourris et vêtus pendant trente mille générations.

John Nash a grandi dans l’ouest de la Cornouailles, il est parti vivre à Johannesburg au début des années 1960. où il a d’abord travaillé dans la construction mais ce n’était pas l’Afrique qu’il voulait. Il s’est donc lancé dans la brousse, la prospection et le commerce dans les zones les plus reculées de cette partie du continent. Il est aujourd’hui à la retraite en Cornouailles. Il s’intéresse toujours aux ressources durables, à la gestion de la faune et aux besoins de l’Afrique rurale. John Nash est l’auteur d’un livre « Les droits des animaux, une pure et simple con…rie. »2


  1. Le lion Cecil, chassé par un tireur à l’arc américain au Zimbabwé (ex Rhodésie), est devenu le symbole de la lutte contre la chasse au trophée au USA et au Royaume-Uni. ↩︎
  2. Animal Rights – Complete and Utter Bullsh*t ↩︎

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