La récente nomination d’Anne-Laure Cattelot comme présidente du conseil d’administration de l’Office National des Forêts (ONF) surprend et inquiète les professionnels de la filière.
L’ONF traverse une crise grave depuis déjà de nombreuses années. La Cour des comptes s’était alarmée de la situation de l’office dans un rapport de septembre 2024 qui préconisait de mettre un terme aux réductions d’effectifs et de réorienter certains choix jugés néfastes. En vingt ans, le personnel de l’ONF est passé de 12 500 à 8 000 salariés. Compte-tenu des risques encourus par la forêt du fait du changement climatique, les spécialistes s’accordent à dire qu’il faudrait plus de techniciens et d’ingénieurs sur le terrain que l’inverse.
Une nomination qui choque.
Anne-Laure Cattelot vint donc d’être nommée présidente du conseil d’administration de l’ONF. Loin de rassurer, cette nomination interroge, surprend et choque.
Rien dans son parcours professionnel ne la prédispose à prendre la direction de cet office. Son seul rapport avec le bois est familial puisque son père est propriétaire d’une scierie dans le département du Nord. Est-ce vraiment suffisant pour une telle nomination ? Dans le monde actuel, il semble que oui. Anne-Laure Cattelot a étudié le droit européen puis a fait sciences politiques à Lille. Après un passage au cabinet du président de la métropole de Lille, elle est élue député en 2017 (ces fameuses élections législatives lors desquelles on a dit que n’importe qui se réclamant de Macron pouvait être élu…) Battue en 2022, elle se fait embaucher par le cabinet de lobbying Rivington dont les activités et les contrats n’ont strictement rien à voir avec la sylviculture.
Sa seule incursion dans ce domaine est la rédaction en 2020, alors qu’elle était députée, d’un rapport demandé par le gouvernement sur la filière bois face au changement climatique. Quelles ont été les compétences retenues par le gouvernement pour demander à cette « éminente spécialiste » de se pencher sur le sujet ? Il semble qu’être la fille d’un propriétaire de scierie suffise. Merveilleux monde que celui mis en place par notre président…
Une présidente à temps partiel.
Outre l’absence d’une quelconque compétence et expérience dans le domaine de la sylviculture, un autre élément s’avère extrêmement inquiétant pour l’avenir de l’ONF. Cette nouvelle présidente du CA entend faire de son poste un poste à temps partiel puisqu’elle ne compte pas abandonner ses activités professionnelles au sein de son cabinet de lobbying. Elle l’annonce d’ailleurs sur son compte Linkedin.

Il est vrai que ce poste de président du conseil d’administration de l’ONF n’est rétribué qu’à hauteur de 21 095 euros par an1, il est donc logique de garder une activité professionnelle. Ce conseil d’administration de l’ONF ne se réunissant que trois fois par an, la véritable direction est assurée par un comité de direction et son directeur général.
Les bonnes questions sont donc, à quoi sert le poste auquel vient d’être nommée madame Cattelot et est-il judicieux de mettre l’ONF, par l’intermédiaire de sa nouvelle directrice, entre les mains d’un cabinet de lobbying dont le PDG n’a d’ailleurs pas manqué de se réjouir de cette nomination.
“Cette nomination nous renforce collectivement dans le pôle influence de l’Adit.” a déclaré Alexandre Medvedowsky, président d’ESL & Network Holding.

Est-il admissible et sain que la directrice d’un organisme public profite de son poste pour favoriser une entreprise privée dont elle est salariée ? Circonstance aggravante, cette entreprise est un cabinet de lobbying.
Aura-t-elle une influence sur la partie chasse de l’ONF ?
Certains observateurs du monde cynégétique se sont posé la question de savoir quelles pourraient être les orientations de cette nouvelle directrice en matière de chasse. Nous pouvons trouver des éléments de réponse dans le rapport qu’elle avait rédigé en 2020 à la demande du gouvernement. Sans surprise, il reprend les éléments de langage des bureaucrates de l’ONF partisans de la chute drastique, voire de l’éradication des populations d’ongulés sauvages dans les forêts domaniales. L’intégralité du rapport est téléchargeable en bas de cet article. L’aspect équilibre forêt-gibier y est traité à la page 32. En voici quelques extraits.
- A l’instar de certain de nos voisins européens, pour qui « la forêt prime le gibier – Wald vor Wild », l’intérêt général doit en effet primer quand il faut enrichir, boiser ou reboiser, après dépérissement ou pour adapter notre forêt au changement climatique et prévenir les risques. Les chasseurs doivent comprendre cet impératif majeur.
- Il est urgent de prélever sans attendre le nombre d’animaux nécessaire pour revenir à un niveau soutenable dans les points noirs connus, quelles qu’en soient les conséquences sur l’attractivité des chasses et les recettes induites.
- Dans les zones identifiées en déséquilibre, le représentant de l’État dans le département doit mettre en avant l’intérêt général, fixer des minimums de plan de chasse, modifier si nécessaires les plans de chasse individuels insuffisants et s’assurer de leur bonne réalisation.
- Arrêté du 18 juillet 2013 fixant l’indemnité annuelle allouée au président du conseil d’administration de l’Office national des forêts ↩︎
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