Chasser aujourd’hui peut-être un loisir, une passion, un art de vivre mais c’est aussi s’inscrire dans la longue histoire des peuples européens. Je remercie Olivier Battistini de ce texte qui met parfaitement en valeur ce que la chasse doit à la Grèce ancienne.

« Il faut, dans la littérature comme dans les arts, consulter l’antique, et cette étude n’apprend pas seulement à bien parler, mais à bien penser, parce qu’en lisant les anciens on n’apprend pas seulement ce qu’il y a de plus éloquemment écrit, mais ce qu’il y a de plus sagement pensé. »
Joseph de Maistre

Olivier Battistini est né à Sartène, en Corse. Il est maître de conférences émérite en histoire grecque à l’Université de Corse, directeur du LABIANA, chercheur associé à l’ISTA, Université de Franche-Comté et membre du comité scientifique de la revue Conflits1. Il est l’auteur de nombreux ouvrages2 sur la Grèce ancienne. Ses domaines de recherches sont la guerre et la philosophie politique, Thucydide, Platon et Alexandre le Grand.

Pour Xénophon, la chasse est une invention des dieux

Xénophon a participé, en Asie, à de grandes chasses à cheval et a découvert les paradis. Il connaît aussi les usages de la chasse qui se pratique à Lacédémone.  La chasse est, pour lui, une « invention des dieux ».

Buste de Xénophon

Au livre I des Cynégétiques, Xénophon dit la mythologie du chasseur qui est liée à des origines historiques et sacrées.  Voici les dieux, Artémis et Apollon, et les héros chasseurs.  Tout d’abord Chiron, le Centaure, qui enseignait la musique, l’art de la guerre, l’éthique, la médecine et la chasse. Ensuite, formés au beau et au bon, Céphale, Asclépios, Nestor, Amphiaraos, Pélée, Télamon, Méléagre, Thésée, Hippolyte, Palamède, Ulysse, Ménesthée, Diomède, Castor, Pollux, machaon, Podalire, Antiloque, Énée, Achille, élève de Chiron. Chacun d’entre eux se distingue par une vertu développée par l’art de la chasse.

Méléagre achevant le sanglier de Calidon. Péliké à figures rouge. 450 avant J.C.

Il n’y a pas que des chasseurs qui sont devenus illustres, mais aussi des femmes auxquelles Artémis a donné d’être chasseresses, comme Atalante et Procris. 

Pour Xénophon, sans doute influencé par les Cyniques, la chasse est une paideia, une « école agréable de la guerre », puisqu’on y apprend à manier les chevaux et les armes ; puisque l’adresse, l’intelligence, la légèreté du corps, une bonne constitution, se prennent à la chasse et se portent à la guerre, puisqu’elle donne un corps robuste, une âme forte, et le goût de la vertu. 

On pense à Isocrate qui, dans son Aréopagitique, met sur le même plan l’art équestre, la gymnastique, la chasse et la philosophie.  Sans oublier, plus tard, Arrien…

La chasse, en effet, pour Xénophon, apprend la maîtrise de soi, à surmonter les épreuves, et prépare, de ce fait, à l’art de commander.

« J’invite donc les jeunes gens à ne pas dédaigner l’art de la chasse ni aucune autre forme d’éducation, car elles forment les meilleurs guerriers et initient à l’art de bien penser, parler et agir.3 » 

La chasse, école du citoyen

Au chapitre XII de son traité, Xénophon dit l’excellence de la chasse, sa valeur morale et politique. Elle est le seul plaisir profitable à la jeunesse et s’oppose aux mauvais plaisirs, aux voluptés honteuses, elle donne l’amour de la patrie, le sens de la justice et du respect des lois.

La chasse offre la plus grande utilité aux partisans zélés de cet exercice : ils y développent leur santé, apprennent à mieux voir et à mieux entendre, et oublient de vieillir, mais c’est avant tout pour eux l’école de la guerre.

Traversant en armes des pas difficiles, ces jeunes gens ne perdent pas courage, car ils ont l’habitude de la fatigue à la poursuite de la bête. Ils savent, ensuite, dormir sur la dure, et se montrent gardiens fidèles du poste assigné. Dans les marches contre l’ennemi, ils sont à la fois capables d’attaquer et d’obéir aux ordres : ils y sont préparés par la traque et la prise du gibier. Placés au front de bataille, ils n’abandonnent pas leur rang, parce qu’ils ont la force de tenir. L’ennemi en déroute, ils le poursuivent sur toute sorte de terrain : cela leur est familier. En cas d’échec de l’armée, sur des terrains couverts de bois, abrupts, ou autres lieux difficiles, ils savent se replier sans honte. La chasse les a familiarisés avec toute espèce de ressources. Plus d’une fois, de pareils guerriers, lors d’une déroute, voyant le vainqueur égaré sur un terrain désavantageux, sont revenus à la charge, et, grâce à leur courage, ont mis l’ennemi en fuite, retournant la situation. Un corps robuste uni à une âme forte sait fixer la fortune…

« Ils [les chasseurs] seront amis des dieux, pleins de religion, persuadés qu’ils sont sous l’œil de la divinité. Par la, ils se montreront dignes de leurs parents, de leur patrie, de chacun de leurs concitoyens et de leurs amis »

Au chapitre XIII, Xénophon dit qu’il écrit « pour être net, et pour former non des sophistes, mais des sages et des hommes de bien ». Il n’a pas la prétention, dit-il, que ses « écrits soient beaux, mais utiles et irréfutables ». A l’inverse de la vanité des sophistes qui « n’écrivent que pour tromper, que pour s’enrichir ». Ils ne sont utiles à personne. 

Les chasseurs, au contraire présentent à la cité des corps robustes et des ressources positives. Si les jeunes gens se rappellent ses conseils et s’y conforment, « ils seront amis des dieux, pleins de religion, persuadés qu’ils sont sous l’œil de la divinité. Par la, ils se montreront dignes de leurs parents, de leur patrie, de chacun de leurs concitoyens et de leurs amis ».

La chasse comme remède à la décadence

Dans les Cynégétiques ou Traité de la Chasse de Xénophon, Jean-Baptiste Gail, le traducteur, précise que pour les lire avec fruit, il importe de connaître et le but politique de Xénophon et les circonstances de la composition : 

« Athènes, alors épuisée par la guerre du Péloponnèse, touchait au moment de sa décadence : indifférente sur ses malheurs, dominée par le luxe et la mollesse, elle songeait peu à se défendre contre les ennemis extérieurs qui la menaçaient. Un des moyens de tirer de sa léthargie ce peuple dégénéré était de le rendre à ce goût pour la chasse qui avait signalé ses aïeux. Mais la chasse étant moins alors un simple amusement qu’un dur apprentissage du métier des armes, qu’une véritable image de la guerre, pouvait-on lui proposer cet exercice avec quelque espoir de réussir ? C’est pourtant ce que Xénophon entreprend. En orateur habile, il cache ses conseils sous des fleurs, il embellit ses préceptes, il parle à l’amour-propre des Athéniens, il excite leur orgueil national, il rappelle à leur souvenir ces beaux jours où la Grèce rendait les mêmes honneurs aux chasseurs et aux athlètes couronnés dans ses jeux immortels ; il leur nomme les héros qui ont honoré leur pays, et qui étaient tout à la fois enfants de Latone et de Mars, et lorsqu’il croit dans un poétique et brillant exorde se les être rendus favorables, il entre en matière, et s’applique à leur rendre la chasse agréable : et certes tout devait inspirer son génie, puisqu’il écrivait à Scillonte, sur les bords d’une rivière abondante en poissons et en coquillages, dans le voisinage du mont Pholoé, à peu de distance du temple de Jupiter Olympien, et près de la statue même de Diane. Les pays que je viens de nommer ne sont pas de la domination athénienne : Xénophon était exilé, et c’est une ressemblance que le naturaliste Oppien, autre panégyriste de la chasse, a eue avec lui ».

Xénophon le naturaliste

Xénopohon n’était pas qu’un moraliste, un historien, un homme d’état, il a laissé d’inombrables observations qui font de lui un vrai naturaliste. Les « Observations sur les Cynégétiques de Xénophon » sont particulièrement intéressantes. L’ouvrage est ainsi accompagné de notes critiques et de dissertations sur le pardalis, le panther, et autres animaux (1801). À propos du panther, Gail précise qu’il dit le panther et non la panthère : « Les Latins seuls, et non les Grecs, ont employé ce mot au féminin pour exprimer le pardalis des Grecs ».

Chez Buffon, on note4 : 

« La première espèce […] est la grande panthère, que nous appellerons simplement panthère, qui était connue des Grecs sous le nom de pardalis, des anciens Latins sous celui de panthera, ensuite sous le nom de pardus ; et des Latins modernes sous celui de leopardus. […] La deuxième espèce est la petite panthère d’Oppien, à laquelle les Anciens n’ont pas donné de nom particulier, mais que les voyageurs modernes ont appelé once, du nom corrompu lynx ou lunx. […] La troisième espèce, dont les Anciens ne font aucune mention, est un animal du Sénégal, de la Guinée et des autres pays méridionaux que les Anciens n’avaient pas découverts : nous l’appellerons léopard qui est le nom qu’on a mal à propos appliqué à la grande panthère, et que nous emploierons, comme l’ont fait plusieurs voyageurs, pour désigner l’animal du Sénégal, dont il est ici question. […] Oppien connaissait nos deux premières espèces, c’est-à-dire la panthère et l’once ; il a dit le premier qu’il y avait deux espèces de panthères, les unes plus grandes et plus grosses, les autres plus petites, et cependant semblables par la forme du corps, par la variété et la disposition des taches […]. On ne peut donc pas douter […] que la petite panthère d’Oppien, le phet ou le fhed des Arabes, le faadh de la Barbarie, l’onze ou l’once des Européens ne soient le même animal. Il y a grande apparence aussi que c’est le pard ou pardus des Anciens, et la panthera de Pline […]. Enfin, nous observerons qu’il ne faut pas confondre, en lisant les Anciens, le panther avec la panthère. La panthère est l’animal dont il est question ici ; le panther du Scoliaste d’Homère et des autres auteurs, est une espèce de loup timide que nous croyons être le chacal […]au reste, le mot pardalis est l’ancien nom grec de la panthère ; il se donnait indistinctement au mâle et à la femelle. Le mot pardus est moins ancien : Lucain et Pline sont les premiers qui l’aient employé ; celui de leopardus est encore plus nouveau, puisqu’il paraît que c’est Jules Capitolin qui s’en est servi le premier, ou l’un des premiers : et à l’égard du nom même de panthera, c’est un mot que les anciens Latins ont dérivé du grec, mais que les Grecs n’ont jamais employé ». 

Dans la suite de ses Observations sur les Cynégétiques de Xénophon, Gail évoque des détails curieux donnés par Xénophon sur les filets et les divers instruments du chasseur, des descriptions anatomiques remarquables par leur précision, d’excellents observations sur la manière de perpétuer les bonnes races, sur le choix des lices, sur l’éducation de la famille naissante et les travaux des chiens, sur les noms qu’il convient de leur donner pour les rappeler plus facilement et les remettre sur la voie. En lisant ce Xénophon, Gail oublie l’écrivain didactique : « On croira errer dans la solitude des forêts, dans les retraites paisibles des jardins de la nature ». 

Voici un « cerf à la taille élégante, aux rameaux superbes ». Les chasseurs et les chiens le poursuivent : « Vieilli dans la feinte, il emploie ce qu’il a de ruses, il passe et repasse sur la même voie, il s’éloigne, il redescend, il croise sa route ; mais bientôt, épuisé de fatigue, il se présente à tous les javelots : là un autre cerf rencontre un podostrabe ; il y tombe, il l’emporte avec lui : le bois du piège lui blesse, lui ensanglante la figure ; saisi d’effroi, il fuit la terre qui le trahit et s’élance dans l’onde. »

Plus loin, un jeune levreau traîne sur la terre ses membres encore tendres. « En l’honneur de Diane le chasseur laisse libre ce nouveau-né. Sa piété va recevoir une juste récompense. Déjà, ses chiens ont découvert un lièvre qu’il est glorieux de poursuivre. Ils en avertissent le chasseur par le mouvement de la tête et des yeux, par les changements de position du corps : leurs esprits exaltés, les transports de la joie, tout annonce qu’ils touchent au moment de la victoire. » 

Le chasseur n’affronte pas que des animaux innocents, faibles ou timides. « C’est contre un sanglier, contre un redoutable lion, contre un féroce panther que vont se mesurer les chasseurs. Ils s’arment de haches, d’arcs, de javelots, d’épieux, de massues. Déjà les filets sont tendus, les pièges préparés. L’artifice de la surprise, la vivacité de l’attaque, l’ardeur de la poursuite, tous les moyens d’inquiéter, de harceler, de forcer l’ennemi vont frapper nos regards. »

Gail remarque ensuite que Xénophon se révèle naturaliste. « Si ce nouveau titre de gloire lui appartient, on doit s’étonner qu’il ne lui ait point été déféré par le Pline des Français ; on doit s’étonner que Buffon appuie si souvent ses observations du témoignage d’Oppien, tandis qu’il ne cite pas une seule fois Xénophon, modèle du poëte grec, et peut-être son maître. Que l’on rapproche les deux écrivains, et l’on verra que le premier n’a pas seulement imité, mais qu’il a pour ainsi dire calqué plusieurs descriptions sur celles du disciple de Socrate ». 

Pour Gail, ce serait ici le lieu de renouveler le reproche fait à quelques modernes de légèreté ou d’injustice envers les Anciens :

« Bornons-nous à regretter que l’illustre Buffon n’ait vu dans Xénophon que le moraliste, l’historien, le militaire, l’homme d’État, et qu’il ait ignoré l’existence d’un chef-d’œuvre qui lui eût offert des images, des traits heureux, des beautés de style, et qui de plus lui eût épargné des erreurs. S’il eût consulté notre auteur, il n’eût peut-être pas avancé que le renard ne s’accouple point avec la chienne, erreur qu’il a postérieurement rétractée ; il n’eût pas avancé, autre erreur qu’il n’a jamais rétractée, que le panther des Grecs est l’adive ou petit chacal, tandis que Xénophon range le panther dans la classe des grands animaux, et qu’il veut pour la chasse du panther des hommes à cheval, bien armés et en troupe, ce qui assurément n’annonce pas la chasse d’un animal faible tel que l’adive ».

Pour Alexandre le Grand, la chasse comme la guerre doivent se pratiquer avec honneur

Xénophon ne fut pas qu’un maître à penser des chasseurs, il fut aussi celui des guerriers et des rois. C’est dans l’Anabase de Xénophon qu’Alexandre le Grand a appris l’art de la guerre… Et dans l’Iliade éditée par Aristote.

On peut imaginer la vie à Miéza, avec Aristote, dans le bosquet des Nymphes, comme rigoureusement planifiée. Alexandre et ses condisciples, Eumène de Cardia, Perdiccas, Séleucos, Lysimaque, Philotas, le fils de Parménion, Callisthène, le neveu d’Aristote, Ptolémée et Héphaestion, sont réveillés avant l’aurore et pratiquent en alternance, l’étude des belles choses, l’entraînement guerrier et l’enseignement de la stratégie. S’il écoute la flûte sur laquelle Antigénide excelle, Alexandre, lui, demande le bruit du char et frappe le bouclier de son épée. 

La chasse, raconte Plutarque5 qui se fonde sur les Éphémérides, fait partie de l’éducation du jeune prince. Et Isocrate, on le sait, mettait sur le même plan l’équitation, la gymnastique, la chasse et la philosophie6.

Mosaïque de chasse au cerf représentant Alexandre le Grand (à droite) et son meilleur ami Héphaestion (à gauche). Entre 330 et 300 avant J.-C. Exposée au musée de Pella, Grèce.

Alexandre, lorsqu’il affronte Darius, se retrouve dans cet univers de la chasse où rivalise l’aristeia de chacun. Pour affirmer son pouvoir, il doit cependant combattre loyalement contre le Roi, tels les guerriers qui pratiquent la grande chasse dangereuse, le face à face avec le fauve, l’épieu en main, loin des ruses et sans l’artifice des engins trompeurs. 

La mètis, la ruse de l’intelligence, n’est pas l’apatè, la ruse de la fourberie. Lorsque Parménion, avant Gaugamèles, propose une attaque de nuit pour assurer la victoire, Alexandre refuse. Ce stratagème conseillé par son vieux général serait bon pour des brigands ou des voleurs dont l’unique désir est d’échapper aux regards. Il ne permet pas que l’absence de Darius, ou l’avantage d’un défilé, ou une surprise nocturne viennent porter atteinte à sa gloire : Alexandre est décidé à attaquer l’ennemi ouvertement et en plein jour, aimant mieux avoir à se plaindre de sa fortune, qu’à rougir de sa victoire. 

En revanche, après la disparition de Darius, l’enjeu est différent. Il ne s’agit plus d’affronter l’ennemi dans une bataille rangée, mais de soumettre des peuples appartenant à un monde sauvage, un monde régi par la ruse et les embuscades. À partir de ce moment, Alexandre quitte le jour pour la nuit. 

La guerre impose alors les lois de l’apatè, révèle des formes nouvelles de combat.  Cette part sauvage d’Alexandre crée le thambos, l’effroi et l’émerveillement…

La chasse dans les paradis royaux

Ainsi, après avoir maîtrisé, à nouveau, le soulèvement de la Sogdiane, Alexandre revient à Maracanda. Il prend possession des paradis royaux. 

Quinte-Curce raconte le faste barbare de ces paradis7. Sont enfermés de magnifiques fauves dans des parcs et des terrains boisés de grande étendue. Sont choisies de vastes forêts aux sources nombreuses et riches de ses eaux éternelles. Ces parcs sont entourés de murs. Un de ces terrains boisés est resté intact depuis quatre générations successives. 

Dans le récit de Quinte-Curce, Alexandre y pénètre, avec son armée. Il donne l’ordre de battre le terrain en tous sens, à la poursuite des fauves. C’est alors qu’un lion de taille peu commune, se précipite sur le roi. Lysimaque fait face au fauve. Le roi le repousse : il est aussi capable que Lysimaque de tuer ce lion. En effet, précédemment, au cours d’une chasse en Syrie, Lysimaque avait eu l’épaule gauche labourée jusqu’à l’os. Alexandre tue le lion d’un seul coup. Après avoir abattu quatre mille fauves, il festoie avec l’armée tout entière. 

Chasse au lion : Alexandre (à gauche) et Cratère – mosaïque de Pella

Cette chasse est une chasse initiatique. Elle est, d’une manière générale, par la joute aristocratique qu’elle implique, la démonstration de la force et de la valeur de chacun. La fameuse conjuration des Pages le montre bien. 

Les Pages royaux, les Basilikoi paides, les Nobiles pueri, les enfants de haute noblesse macédonienne ayant atteint l’adolescence, les fameux « chasseurs noirs », sont enrôlés au service d’Alexandre. Ils se retrouvent avec lui, de fait, c’est le cas, en particulier, pour Hermolaos, dans la rivalité de la chasse8

Pierre Vidal-Naquet a raison d’interpréter la conspiration des Pages comme étant la conséquence de cette rivalité. Hermolaos a atteint le premier un sanglier que le roi veut tuer. Il est fouetté sur l’ordre d’Alexandre, le seul à pouvoir user de châtiments physiques sur ces enfants de grandes familles. Mais, pour Callisthène, ce sont déjà des hommes. Il est clair, selon Pierre Vidal-Naquet, faisant allusion au rite de passage de l’éphébie, qu’Alexandre est « aux prises avec des chasseurs noirs et qui voudraient cesser de l’être ».

Ces épreuves, en pays perse, au milieu des fastes Barbares, loin de l’univers politique grec, sont encore plus significatives lorsqu’elles se déroulent dans l’enceinte d’un paradeisos. La chasse organisée par Alexandre dans le paradis devient hautement symbolique. Elle révèle les rituels de passage de l’éphébie. Aux côtés de la Phalange macédonienne, voici la guerre homérique, celle des « héros-lions », le combat de l’aristeia, le monde de la ruse, de la mètis et de l’apatè

Cela se révèle sur le Sarcophage dit de Sidon, conservé au Musée archéologique d’Istanbul.

Selon Pierre Briant, c’est Abdalonymos, le roi de Sidon, qui aurait fait exécuter par un artiste grec le « Sarcophage d’Alexandre ». Il lui aurait demandé de sculpter des scènes de guerre disant la victoire des Macédoniens sur les Perses et des scènes de chasse au cours desquelles Perses et Macédoniens affrontent, ensemble, les fauves. Sur le sarcophage est fait le lien entre la guerre et la chasse.

Olivier Battistini


  1. Conflits. Revue de géopolitique ↩︎
  2. Platon – Le philosophe-roi. Olivier Battistini – Éditions ellipses
    Alexandre le Grand. Un philosophe en armes. Olivier Battistini – Éditions ellipses
    ↩︎
  3. Cynégétiques, I, 18, trad. A. Sokolowska. ↩︎
  4. « La panthère, l’once et le léopard » in Oeuvres complètes suivies de ses continuateurs, Mammifères, II, Bruxelles, Th. Lejeune, 1828, p. 426-427. ↩︎
  5. Voir Plutarque, Vie d’Alexandre-le-Grand, XL. ↩︎
  6. Voir Isocrate, Aréopagitique, 45. ↩︎
  7. Voir Quinte-Curce, VIII, 1, 11-19. ↩︎
  8. Voir Arrien, Anabase, IV, 13, 1. ↩︎


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