Contrairement à ce que disent les partisans du loup, il n’y a pas qu’en France que la cohabitation entre ce prédateur et les éleveurs se passe mal. Le 14 octobre dernier, un éleveur de rennes de Yakoutie a signalé aux autorités que des loups avaient attaqué son troupeau de 900 rennes et que ceux-ci avaient pris la fuite et avaient disparu dans la toundra. Les recherches entreprises à l’aide d’hélicoptères ont permis d’en retrouver 700 mais 200 sont toujours manquants.

L’élevage de rennes en danger à cause des loups

Dans cette immense république (3 millions de km2) de la fédération de Russie, le loup est l’ennemi numéro un des éleveurs de rennes qui sont environ 1300 et possèdent 170 000 rennes. Chaque année les loups sont responsables de la mort de milliers de ces animaux, ce qui fragilise la viabilité économique de ces élevages.

En 2012, le ministère de l’agriculture de la république de Sakha (nom officiel de la Yakoutie) avait déclaré que 16 111 rennes et plusieurs centaines de chevaux avaient été massacrés par les loups. Cela représente une perte de plus de 150 millions de roubles (1,6 million d’euros) pour les éleveurs, chaque renne valant environ 10 000 roubles (150 euros). Sachant que le revenu mensuel moyen dans la République de Sakha est de 600 euros, ces pertes sont difficilement supportables.

Dès 2013, le gouvernement de la République de Sakha avait pris en compte cette menace et mis en oeuvre des mesures d’aides pour les éleveurs : encouragement à la chasse aux loups, aide financière et matérielle aux chasseurs spécialisés et récompenses (jusqu’à 100 000 roubles) accordées aux meilleurs d’entre eux afin de diminuer le nombre de loups estimés à 3500 sur ce territoire. L’objectif est d’arriver à une population de 500 loups, ce qui est considéré comme un nombre compatible avec l’élevage.

Les volchatniki (волчатники), ces chasseurs de loups professionnels

La profession de volchatnik a été créée par le gouvernement soviétique en réponse aux niveaux élevés de prédation du bétail par les loups. Les institutions ont mis en place des brigades de chasseurs de loups professionnels dans toute la Sibérie. À cette époque, la chasse au loup était un métier bien rémunéré et prestigieux. Elle était considérée comme une grande mission permettant de servir la société soviétique. Les volchatniki étaient présentés dans les médias comme des héros de la lutte contre les « ennemis de la nation soviétique ». Ils étaient autorisés à utiliser toutes sortes de mesures pour exterminer les loups, y compris l’empoisonnement et le tir depuis de petits avions et hélicoptères. Cependant, le succès de la chasse au loup dépendait également des compétences des volchatniki, qui étaient de vrais hommes de bois, experts en piégeage et en pistage.

Après l’effondrement du système soviétique, les efforts autrefois systématiques et planifiés pour contrôler la population de loups sont devenus désorganisés, et le poste officiel de chasseur de loups professionnel a été supprimé.

Actuellement, la chasse au loup est considérée comme une mission visant à aider les communautés pastorales locales à faire face au nombre croissant de loups plutôt que comme une source de revenus fondamentale. Pratiquement n’importe qui peut devenir volchatnik dans la République de Sakha et être invité par une communauté pastorale à chasser en échange d’argent ou de paiement en nature comme de la viande de renne.

Les autorités font en sorte que des chasseurs de loups les plus expérimentés et compétents soient envoyés dans les zones problématiques de la République. En échange, les frais d’essence peuvent être partiellement remboursés et des licences de chasse pour l’élan peuvent être accordées aux volchatniki.

Chez les yakoutes, les croyances animistes sont toujours très présentes et ces chasseurs combinent moyens modernes et croyances ancestrales pour traquer les loups. En effet, pour eux, la chasse au loup repose sur la capacité du volchatnik à percevoir l’humeur, les émotions, le caractère, le comportement et les intentions du loup, afin de prendre l’avantage lors de la chasse.

Chasseur yakoute © James Morgan

Les rondes de protection des troupeaux de rennes

Les rennes ne peuvent pas toujours compter sur les chasseurs et ils ont appris à se protéger des prédateurs en formant des rondes : au centre du troupeau se trouvent les anciens, les femelles et les faons, tandis que les autres les entourent. C’est une forme instinctive de défense assez extraordinaire à observer.


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