Quoi de mieux pour célébrer la saint Hubert que de le faire avec un bel équipage de vénerie au cerf ? Notre saint patron était un veneur acharné et c’est l’apparition d’une croix entre les bois d’un cerf qu’il poursuivait qui transforma sa vie.

La vénerie et en particulier celle du cerf est trop souvent sous les feux des projecteurs de l’actualité à cause des incidents causés par les provocateurs et agitateurs que nous connaissons tous. Ceux-ci ont trouvé dans la chasse à courre la quintessence de ce qu’ils détestent ; la chasse mais surtout « une chasse de riches et d’aristos ». On ne sait d’ailleurs ce qui les motive le plus, la protection des animaux ou la lutte des classes et l’envie de rejouer 1789 et 1917.

Comme il fut agréable de pouvoir célébrer la saint Hubert loin de toute cette agitation, avec un équipage à la longue histoire et qui a la chance de pouvoir pratiquer dans une très belle région, au coeur d’un superbe massif forestier. « Nous avons de la chance » fut d’ailleurs le leit motiv du discours du maître d’équipage lors du dîner d’après chasse.

Un bel équipage, bien inséré dans sa région

Le rallye et son actuel maître d’équipage avaient organisé cette célébration en plusieurs temps et en parfaite intelligence avec la mairie du village où est implanté le chenil.

Le vendredi soir fut consacré à un concert de trompes dans l’église. Les fanfares étaient entrecoupées par de brèves évocations historiques mettant en lumière le lien immémorial entre cette belle région et la chasse. Les éduens, peuple gaulois issu de ces terres, furent mis à l’honneur1.

Le samedi matin, la messe de saint Hubert fut célébrée par un prêtre dynamique et plein d’humour qui se serait certainement très bien entendu avec le fameux curé de Chapaize. Après la bénédiction de la meute, ce fut le départ pour le rendez-vous et le début de la chasse. Celle-ci fut longtemps incertaine mais le cerf fut finalement pris, ce qui est une bien belle manière de célébrer saint Hubert sachant qu’un équipage ne prend en moyenne qu’une fois sur trois ou quatre. Nous fumes donc gâtés !

Saint Hubert, Diane, Artémis, Arduina, noms différents, même symbole.

Mais pourquoi les chasseurs célèbrent-ils saint Hubert qui est connu pour avoir arrêté la chasse après avoir vu la miraculeuse apparition d’une croix entre les bois du cerf qu’il poursuivait ?

Les grands peuples et les civilisations brillantes ont toujours cherché à ordonner l’univers, à donner du sens à leur existence et au monde qui échappe ainsi à un chaos nihiliste. La légende de saint Hubert est un de ces mythes qui, sous des noms divers et au cours d’époques différentes, à permis de rappeler aux hommes quelques vérités essentielles dont celle-ci, l’homme n’est pas le maître de la nature et la chasse doit obéir à des règles sans cela elle devient massacre.

Saint Hubert est célébré, non pas parce qu’il arrête de chasser mais parce que sa passion excessive de la chasse lui faisait oublier ses devoirs ; il avait perdu le sens de la mesure que tout chasseur doit garder en lui. Quelques siècles auparavant, les grecs mettaient la même chose en exergue. La mort d’Actéon, puni par Artémis, est une représentation symbolique de ce qui attend le chasseur qui se laisse aller à des pulsions incontrôlées. Diane – Artémis sont d’impétueuses chasseresses célébrées dans les poèmes homériques2 mais elles sont aussi les protectrices de la nature sauvage (dea sylvarum) et punissent sévèrement ceux qui la profanent comme Actéon qui fut transformé en cerf et dévoré par ses propres chiens.

Aujourd’hui, l’expression « chasser en saint Hubert » signifie à la fois, respecter l’animal, la proie mais aussi savoir se limiter, rester dans la mesure. Ce sont les chasseurs qui ont eux-même introduit les règles et les obligations qui instaurent ces limitations permettant la sauvegarde de la faune ; ils ont aussi développé les rites qui entourent la célébration de l’animal chassé en lui rendant les honneurs.

Nous sommes loin des chasses des Perses dans leurs « paradis royaux », ces enclos dans lesquels étaient enfermés des milliers d’animaux que l’on tuait au cours de ce qu’il ne faut pas appeler des chasses. Civilisations différentes, éthiques différentes, différentes conceptions du monde, autres visions de la place de l’homme au sein du cosmos. Même l’art de la chasse révèle les différences parfois fondamentales qui existent entre les peuples et leurs civilisations.

Vénerie et trompes.

La vénerie en France, c’est un mode de chasse ancestral, ancré dans nos territoires, qui se porte bien avec 350 équipages de petite et grande vénerie répartis dans 70 départements avec environ 10 000 pratiquants. La chasse à courre française est unique et deux éléments la caractérisent : l’importance accordée aux chiens et la richesse du répertoire de la trompe de chasse.

En France, pays dans lequel cet art de la chasse est le plus sophistiqué et le plus abouti, ce sont les chiens d’ordre (de meute) qui sont à la base de tout. Dans nos vieilles forêts gauloises, ce sont eux qui chassent ; les cavaliers devant s’effacer devant leur travail, se contentant de les suivre et de les encourager. C’est toute la différence avec le fox hunting des anglais chez qui l’équitation et le cheval sont primordiaux. Pour nos « amis » anglais, l’important est de faire de belles chevauchées en sautant haies, fossés et obstacles. Leur chasse nécessite d’ailleurs un bon niveau en équitation pour arriver à rester en selle ! A l’inverse en France, nous suivons la voie des animaux lancés par les chiens, ce sont eux qui font la chasse et donc la réputation d’un équipage. Cela se traduit par la grande richesse des races de chiens d’ordre et les soins qu’apportent maîtres d’équipage et piqueux à sélectionner, entretenir et entraîner leurs meutes. De bons chiens éviteront changes, défauts, ne balanceront pas (hésiter sur la voie à prendre) et seront bien gorgés (ils auront de belles voix, bien audibles dans la forêt).

Les adversaires de la chasse à courre mettent souvent en avant que ces chiens sont « maigres (« on voit leurs côtes ») et sont « affamés » pour mieux chasser. Il n’en est évidemment rien. Ce sont au contraire des athlètes choyés mais, comme chez tout coureur de fond ou de demi-fond, le poids n’est pas le bienvenu. Ici pas de grassouillets, il faut courir longtemps et pour cela, être taillé comme un vrai sportif. Nous sommes loin du pauvre chien citadin en surpoids, enfermé entre quatre murs et qui ne peut donner libre cours à son instinct.

Une autre richesse de la vénerie française est son utilisation de la trompe (et non du cor n’en déplaise à Vigny…). La trompe de chasse que nous devons au marquis de Dampierre est née en 1705, elle mesure 4,545 mètres et est enroulée pout obtenir un diamètre de 72 cm. Elle est accordée en ré, c’est la « Dampierre », du nom de son créateur. Plus tard, en 1729, une autre est créée, elle sera entourée sur deux tours pour un diamètre de 55 cm. On l’appellera « à la Dauphine » puisqu’elle est née la même année que le dauphin Louis, fils de Louis XV. La trompe la plus communément employée aujourd’hui est dite « à la d’Orléans », du nom du duc d’Orléans qui en passa commande en 1855. Elle offre les mêmes possibilités que les deux précédentes mais est entourée sur trois tours et demi pour un diamètre de 45 cm.

Le patrimoine musical de la trompe de chasse est d’une incroyable richesse et comprend près de mille fanfares. Il est d’ailleurs reconnu comme patrimoine immatériel culturel de l’humanité par l’UNESCO. Là aussi, cela marque une grande différence avec la chasse de pays voisins. Dans les pays de tradition cynégétique germanique, on joue aussi d’un instrument qui est un petit cor mais ses possibilités harmoniques sont faibles en comparaison de nos trompes et le répertoire des airs de chasse sonnés outre Rhin est loin d’être aussi développé que chez nous.

Pour en savoir plus sur la vénerie, n’hésitez pas à consulter le site de la Société de vénerie qui est remarquablement bien fait et instructif.


  1. Nous n’oublierons néanmoins pas que c’est grâce à leur alliance avec Rome que celle-ci put prendre pied en Gaule et que leur ralliement tardif à la grande confédération gauloise organisée par Vercingétorix a pesé lourd dans notre défaite face aux légions. C’est ici le patriote gaulois qui s’exprime et qui en veut un peu aux Éduens… ↩︎
  2. « Je chante l’impétueuse Artémis aux flèches d’or, la vierge pure et respectée qui frappe de ses traits les cerfs agiles, la soeur glorieuse d’Apollon.
    Je chante la déesse légère qui court par les monts aux forêts ténébreuses , bandant son arc, toute à la joie de la chasse. » ↩︎

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