Le sénateur Patrick Chaize se rappelle à notre bon souvenir avec une proposition de loi1 visant, selon lui, à améliorer la sécurité à la chasse. On peut s’étonner de la période choisie par ce sénateur pour lancer cette initiative. La situation intérieure du pays et la situation internationale devraient inciter nos élus à se pencher sur des sujets plus cruciaux et plus urgents. Cette idée ne semble pas avoir effleuré l’esprit de ce sénateur qui semble être l’archétype du technocrate avide de tout codifier. Rien ne doit échapper à la réglementation, point de salut hors des textes et des directives !
La chasse est déjà la pratique de loisir la plus réglementée en France et ce sénateur voudrait encore en rajouter. Comment pourrait-on arriver à refréner les tendances des ces élus qui semblent n’exister que quand ils enferment les français dans des carcans de plus en plus répressifs ? La chasse est un des rares espaces de liberté qui s’offrent encore aux français qui la pratiquent, n’en faisons pas un loisir à la soviétique où tout ce qui n’est pas clairement autorisé serait interdit.
Ce sénateur s’était déjà fait remarquer en 2022 alors qu’il était le rapporteur de la Mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse. Nous nous rappelons de certaines de ses propositions parfois excessives qui n’ont heureusement pas été reprises par le gouvernement de l’époque. L’ayant interviewé à l’époque, je me rappelle d’un élu prisonnier de nombreux clichés concernant la chasse et se sentant investi d’une mission ne souffrant pas la contradiction. La fin de l’interview avait été fraiche, presque tendue.
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Nous nous rappelons aussi de la réflexion d’un des sénatrices de cette mission qui aurait souhaité interdire la chasse l’après-midi au prétexte que, lors du déjeuner les chasseurs buvaient trop et devenaient dangereux. Merci madame de ce moment de caricature, de calomnie et de mépris.
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Sans doute frustré de constater que quelques unes de ses suggestions n’étaient pas retenues, il se lance à nouveau dans l’arène avec une proposition de loi visant à encore durcir l’exercice de la chasse. Gérard Aubret, vice-président de la FNC, vient de déclarer « Je pense que le meilleur service que monsieur Chaize pourrait rendre à la chasse française, ce serait de nous oublier. » On ne peut qu’être d’accord.
L’exposé des motifs.
Sa proposition de loi commence par un exposé des motifs dont on se demande s’il n’a pas été écrit par certains de nos opposants.
« Dans une société qui connaît et comprend moins bien la chasse comme nécessité de régulation et comme loisir, la sécurité est en réalité une question de crédibilité et de confiance entre chasseurs et non-chasseurs et peut-être même une condition pour que cette activité ait un avenir et conserve son ancrage populaire. »
Le rôle d’un élu n’est-il pas de faire comprendre cette nécessité à ses concitoyens au lieu de restreindre la pratique en l’enterrant sous un déluge de normes, de règles, d’interdictions et de limitations ?
Les différents articles de la proposition de loi
Examinons maintenant les différents articles que le sénateur propose.
L’article 1er vise à inscrire la sécurité des chasseurs et des tiers comme un prérequis de la pratique de la chasse et comme l’une des missions explicites de l’ensemble des instances qui l’encadrent.
Oui mais encore ? Quel intérêt à inscrire cela dans la loi ? Tous les chasseurs sont convaincus de l’importance capitale de la sécurité, d’autant plus que ce sont eux qui sont les premières victimes des accidents. Inscrire cela dans la loi est-il vraiment utile ? A moins que derrière cet article premier se cache un piège. En effet, si la sécurité devient un prérequis, la chasse pourrait être interdite sur des zones dans lesquelles une autorité (préfet, maire ?) pourrait considérer que la sécurité n’est pas garantie. Cela pourrait même s’appliquer à certains jours ou périodes de l’année pendant lesquelles la fréquentation du public dans la nature pourrait être considérée comme posant un problème de sécurité. Donc, non et non monsieur le sénateur !
L’article 2 vise à renforcer les possibilités de sanction des chasseurs ayant des comportements dangereux au sein des associations communales de chasse agréées (ACCA), à travers l’intervention du président de la fédération départementale des chasseurs concernée.
Les fédérations de chasse ont déjà une obligation de mise en place d’une commission sécurité au sein de leur conseil d’administration, dans le but de prévenir les comportements dangereux et de proposer des sanctions en cas de problème. Cet article 2 n’a donc aucune utilité.
L’article 3 instaure l’obligation de présenter une attestation de formation aux premiers secours lors de la candidature au permis de chasser.
Cette formation est déjà en place dans l’éducation nationale depuis 2016, donc les jeunes permis en seront tous automatiquement titulaires. Article 3 sans intérêt.
La formation décennale à la sécurité souhaitée et mise en place par les chasseurs est une avancée importante mais le non-respect de cette obligation n’est pas aujourd’hui sanctionné. L’article 4 prévoit donc de conditionner la validation annuelle du permis de chasser à l’accomplissement de cette formation dans un délai de dix ans.
Il semble que notre sénateur ne connaisse pas la réalité du terrain et de la réglementation en vigueur. L’obtention de la formation décennale à la sécurité est inscrite sur les validations annuelles et si elle n’est pas effectuée dans les 10 ans impartis, la validation sera refusée. Article 4 inutile !
L’article 5 introduit plusieurs évolutions importantes des règles de sécurité à la chasse et assure leur harmonisation au plan national. Il généralise le port d’un gilet fluorescent pour toutes les actions de chasse à tir collectives. Il introduit un volet pratique au sein de la remise à niveau décennale, l’ancrage concret des gestes de sécurité étant essentiel à leur compréhension et à leur assimilation. Il inscrit ensuite dans le code de l’environnement la matérialisation obligatoire de l’angle de tir sécurisé et donc des zones où celui-ci est dangereux (zone de 30° autour des points à protéger), la formation des organisateurs de battue et l’utilisation d’un témoin de chambre vide garantissant la sécurisation des armes. Il interdit les tirs vers les zones dangereuses comme les voies de circulation ou les bâtiments et les tirs sans identification formelle du gibier.
Le port d’un vêtement de couleur orange fluo est déjà obligatoire pour toute action collective de chasse au grand gibier. Le rendre obligatoire pour la chasse du petit gibier est inutile puisque celle-ci ne génère que très peu, voire pas d’accidents.
Introduire un volet pratique à la formation décennale semble une bonne idée. Les FDC auront-elles le temps et le personnel pour le mettre en oeuvre ? Avoir une bonne idée est une chose, s’assurer qu’elle soit réalisable est encore mieux.
Matérialiser l’angle de tir de 30 degré est déjà demandé dans certains départements mais le rendre obligatoire au niveau national est méconnaître les grandes disparités des terrains sur lesquels nous pratiquons. Si cela peut sembler indispensable en plaine, cela n’a aucune utilité lors de certaines chasses de montagne par exemple.
Former les organisateurs de battue est intéressant, cette formations existe déjà dans de nombreuses FDC. Il serait par contre logique que la formation effectuée dans un département le soit aussi dans le reste de la France. Ce n’est pas le cas actuellement et c’est totalement illogique. Il faudrait que la FNC se penche sur la question et rende la formation valable au niveau national.
Le témoin de chambre vide paraît utile, cela permet de rassurer ses voisins de chasse et de bien s’assurer que sa propre arme est déchargée.
Quant au reste de l’article 5, les arrêtés préfectoraux d’ouverture, dans leur volet sécurité, comportent toutes les mesures d’interdiction de tirs en direction des routes, des voies ferrées, des habitations… Il est donc inutile de légiférer à ce sujet.
L’article 6 rend obligatoire la souscription d’une assurance responsabilité civile pour les organisateurs d’actions de chasse collective à tir au grand gibier ou de destruction.
L’assurance responsabilité civile organisateur de chasse est déjà obligatoire pour les associations communales de chasse agréées (ACCA), pour les chasses privées, ou les sociétés de chasse le bon sens a conduit l’immense majorité des organisateurs à en souscrire mais le rendre obligatoire serait une bonne chose.
L’article 7 crée une obligation de déclaration publique préalable des chasses collectives au grand gibier et sanctionne son non-respect.
Les actions de chasse se déroulent dans 80% des cas sur des territoires privés, cette obligation n’a aucun intérêt puisque les promeneurs n’ont pas à s’y trouver sans y être invités. Dans le cas de territoires communaux, les battues sont déjà très souvent annoncées. De surcroît, il est impossible de savoir longtemps à l’avance où seront les sangliers et chevreuils et donc de déclarer que la battue aura lieu ici ou là. Nous invitons les sénateur Chaize à venir « faire les pieds » un matin avec nos chiens pour s’en rendre compte. Il faut aussi noter que cet article comprend une sanction en cas de non respect. Le camarade sénateur Chaize aurait fait une belle carrière dans une république démocratique populaire…
L’article 8 permet au préfet de s’assurer de la conformité du schéma départemental de gestion cynégétique, le SDGC, à la loi, notamment en termes de sécurité.
C’est déjà le cas monsieur le sénateur ! Les préfets ne valident aucun Schéma Départemental de Gestion Cynégétique non conforme aux prescriptions de sécurité.
L’article 9 aligne le droit de la chasse sur le code de la route en matière d’usage de l’alcool et de stupéfiants.
Nous passerions donc d’un délit « d’ivresse manifeste » à une limite d’alcool dans le sang identique à celle du code de la route. Pourquoi pas mais ceci ne peut-être constaté que par des OPJ, ce qui en limite l’application sur le terrain.
L’article 10 aménage l’échelle des peines complémentaires en cas d’accident de chasse notamment pour punir plus sévèrement les homicides ou blessures involontaires suite à un tir direct sans identification, en prévoyant le retrait systématique du permis de chasser avec interdiction d’en solliciter un nouveau pendant dix ans.
Les peines encourues actuellement en cas d’homicides ou de blessures involontaires sont celles du code pénal. Le sénateur Chaize souhaite-t-il des lois d’exception à l’encontre des chasseurs ?
L’article 11 améliore le suivi des armes et l’effectivité des inscriptions au fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes (FINIADA).
Le SIA est opérationnel, le suivi des armes existe déjà. Quant au FINIADA, il serait bon, avant de le renforcer, de corriger son utilisation abusive par certains préfets et de mettre un terme aux nombreuses dérives constatées un peu partout en France. Le croisement du SIA et du FINIADA est un sujet suffisamment sensible et sujet à controverses en termes de libertés publiques pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en rajouter.
➠ Lire à ce sujet : FINIADA, une arme contre les chasseurs ?
Pourquoi le sénateur Chaize décide-t-il de rallumer des braises que l’on souhaitait éteintes ? Nos élus ne devraient-ils pas se concentrer sur les véritables maux dont souffre notre pays ?
- Améliorer la sécurité de la pratique de la chasse. Texte n° 109 (2025-2026) de M. Patrick CHAIZE, déposé au Sénat le 5 novembre 2025 ↩︎
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