Chasse au trophée. À peine ces quelques mots sont-ils prononcés que s’élève le choeur des bien-pensants. « Oh, quelle horreur ! ». Ce n’est pas une surprise venant d’eux mais comment expliquer que cette chasse soit parfois critiquée par certains chasseurs ?
Qu’est-ce qu’un trophée ?
Ce mot vient du grec ancien τρο ́παιον, monument de victoire élevé avec les armes prises sur l’ennemi. C’était en général un arbre abattu et élagué auquel on suspendait les armes des vaincus. Il s’agit donc bien d’un élément matériel prélevé sur l’ennemi ou sur la proie que l’on conserve pour commémorer une victoire sur l’ennemi ou sur l’animal sauvage. Il est aujourd’hui la marque d’un moment cynégétique particulier ou d’un animal dont nous voulons conserver la mémoire. Comme le dit Dominique Venner :
« Ils ne valent que par le souvenir qui leur est associé. »
« De tous mes trophées de chevreuil, celui qui m’est le plus cher n’est pas le plus beau. C’est celui qui m’a offert les plus belles émotions, en Écosse, un soir du mois de mai. »
Les critiques venues du monde de la chasse
Ne nous attardons pas sur les critiques des anti-chasse car aucun mode de chasse ne trouve grâce à leurs yeux et nous avons beau déployer des trésors d’argumentation tant scientifiques qu’éthiques, ils ne voudront pas les entendre. Vous connaissez le dicton : « on ne saurait faire boire un âne s’il n’a pas soif ». Je m’empresse de présenter mes excuses aux ânes tant la comparaison n’est pas avantageuse pour eux.
Ce qui est plus surprenant, c’est que la chasse au trophée suscite parfois la désapprobation dans les rangs même des chasseurs. Nous avons tous entendu ces remarques :
- « Tirer sur un animal arrêté, ce n’est pas de la chasse »
- « C’est du braconnage »
- « Trop facile avec une lunette, moi je tire sans ! »
- « Quel intérêt ? »
- « Ce n’est pas ma conception de la chasse »
- « Ce n’est pas éthique »
- « Prélever un animal juste pour le trophée, ce n’est pas de la chasse »
- « Une chasse de riches, ils paient des fortunes pour tirer un animal »
De tous les arguments, le dernier est celui qui revient le plus souvent. Cela révèle que ce n’est pas tant la chasse en question qui est condamnée mais ceux qui la pratiquent. Faut-il y voir un peu de jalousie et d’envie ? N’oublions pas que nous sommes en France, pays dans lequel la réussite individuelle et l’aisance matérielle sont mal vues. Alors, le chasseur qui paie une somme coquette pour s’offrir la chasse de sa vie sera suspect et ce, même s’il a économisé pendant un long moment pour son rêve. De plus, il n’est pas obligatoire de débourser une fortune pour pouvoir ramener un beau trophée chez soi. Connaitre un territoire et le gérer correctement permet de développer de beaux animaux. Cela peut se faire en France dans n’importe quelle ACCA ou société communale de chasse. Il existe des gestionnaires de territoire qui vont, avec patience et passion, se dévouer pour favoriser le développement de beaux cerfs ou de chevreuils exceptionnels. Encore faut-il ne pas tout tirer indistinctement en battue pour avoir un gros tableau. D’ailleurs le tableau de chasse n’est-il pas une forme de trophée ? Ce cérémonial est fait pour rendre les honneurs aux animaux chassés mais aussi pour valoriser les chasseurs. Quelle différence avec un massacre de chevreuil accroché au mur ?
Enfin, dire « ce n’est pas de la chasse » suppose que les détracteurs savent ce qu’est la vraie chasse et que seule leur définition est la bonne ; ce qui fait d’eux des personnes aussi intolérantes que nos opposants. J’espère que ces chasseurs intolérants qui se permettent d’affirmer cela ont une connaissance étendue de tous les modes de chasse, de tous les gibiers, des territoires et des enjeux de la chasse conservation. J’espère aussi, qu’au cours de leurs battues, tout animal blessé fait l’objet d’une recherche au sang puisque certains affirment que la chasse aux trophées n’est pas éthique. Voilà un mot bien galvaudé ! Il semble y avoir autant d’éthiques de de chasseurs. Chacun a sa vision et sa définition. Pourquoi serait-il moins éthique de pratiquer la chasse au trophée que la chasse en battue ?
Les origines
On entend dire que la chasse au trophée est un dévoiement récent de la chasse. C’est méconnaître les origines et l’histoire de notre passion.
Depuis la nuit des temps, le chasseur a voulu conserver une trace de ses chasses. Dans les grottes comme à Lascaux, les chasseurs peignaient les animaux sur les murs ; ces peintures étaient l’équivalent de nos galeries de trophées actuelles.
Dans la Grèce antique on développe l’imaginaire de la chasse héroïque avec Héraclès comme figure principale puisque, dans les douze travaux qui lui sont imposés par les Dieux, une grande majorité est vouée à la chasse. Lorsque celui-ci revêt la peau du lion de Némée, c’est déjà un trophée qu’il arbore.
Dans l’Iliade, Homère nous décrit des chasseurs heureux car ils avaient rapporté « la hure et la peau velue ». La légende du sanglier de Calydon est même l’occasion d’une dispute entre les héros-chasseurs à propos du trophée de cette bête énorme qui ravageait l’Étolie. En effet, Artémis suscita une querelle entre les chasseurs au moment de l’attribution du trophée. Méléagre, désireux de le céder à Atalante, contraria les fils de Thestios, qui réclamaient le trophée. S’agit-il de la première querelle de chasse connue ?
Plus tard, à Rome, Plutarque et Manilius évoquent les trophées offerts ou accrochés aux murs des maisons. On a aussi trouvé sur un autel à Diane les inscriptions d’un officier romain, stationné en Espagne, qui faisait graver de nouvelles dédicaces au fur et à mesure de ses prises pour remercier la déesse. Chez les romains comme chez les grecs, le trophée était réservé au domaine religieux et, comme l’écrit Christian Chazedon, « c’est dans les temples qu’il faudrait chercher les salles des trophées équivalents à celle du monde moderne. »
Chez nous, dans la Gaule celtique, on vouait un culte à Cercunnos, le dieu de la fertilité, protecteur de la forêt et du gibier et on accrochait les pieds des plus beaux animaux chassés sous ses effigies. Le rituel actuel du « pied d’honneur » de la vénerie vient-il de là ?
Cette pratique subsiste chez les premiers chrétiens puisqu’on raconte que saint Germain accrochait ses trophées à un poirier au centre de la ville. Plus tard, de Gaston Phébus à nos princes du XVIIIème siècle, on ne compte pas les galeries de trophées installées dans les demeures des chasseurs. Dans un article à propos d’un fabuleux cerf de 66 cors, nous faisions mention du château de Moritzburg qui abrite une des plus belles collections de trophées qui soit.
—> Lire l’article : Un cerf allemand de 66 cors !
La mise en valeur des trophées ne s’arrête pas avec la fin de l’ancien régime. Le XIXème siècle n’est pas en reste. Du rendez-vous de chasse de l’équipage de Bonnelles avec ses 2400 massacres de cerfs au château du comte d’Arco Zinneberg à Munich, les témoignages des grandes chasses prennent même une ampleur inédite.
S’y ajoutent à cette époque, les animaux exotiques que l’expansion des colonies et la modernisation des moyens de transport rendent accessibles aux chasseurs.
Ce culte voué au trophée s’est transmis jusqu’à aujourd’hui. Quelle est la maison de chasseur dans laquelle ne trône pas un massacre de chevreuil, un sanglier en cape ou une bécasse naturalisée ? Nos auberges de campagne dans les régions de chasse arborent souvent des bois de cerf ou des sangliers naturalisés au mur. Ces signes sont la marque d’une appartenance, d’une identité mais aussi l’affirmation d’une fierté légitime.
Les bienfaits de la chasse aux trophées
Conservation d’espèces menacées
La chasse permet de sauver des espèces en danger. C’est peut-être difficile à admettre mais c’est un fait avéré. Les espèces d’animaux en voie de disparition sauvés par la chasse sont nombreuses. En voici quelques exemples :

A l’inverse, les pays dans lesquels la chasse a été interdite, comme le Kenya sont dans une situation catastrophique.

Pour plus d’informations à propos de la chasse conservation et de ses bienfaits, je vous invite à lire : Comment la chasse conservation sauve des espèces en danger
Garantie de bonne gestion des territoires
Un beau trophée ne s’obtient que sur un territoire correctement géré. La chasse aux trophées est parfois accusée de « vider » les zones de leurs plus beaux animaux. C’est faux, un bon gestionnaire ne va pas se priver de ses plus beaux reproducteurs pour en tirer un profit à court terme. Il va d’abord chercher à éliminer les animaux malingres, malades ou en surnombre pour permettre le développement des animaux d’avenir. Ceux-ci seront tirés à leur apogée ou un peu après; ils auront alors rempli leur rôle en assurant une belle lignée. Ce type de gestion donne de bons résultats comme le prouve l’étude menée par le CIC sur les cerfs hongrois.

Un apport financier pour les sociétés de chasse locales
Avec l’engouement actuel pour la chasse à l’approche en France de nombreuses sociétés de chasse communales et d’ACCA ont bien compris le parti qu’elles pouvaient tirer de la vente de bracelets de brocards ou de cerfs. L’argent ainsi récolté permet de rénover le local de chasse, de payer la « taxe à l’hectare » ou le repas annuel de la société de chasse. Cela peut aussi permettre de faire baisser le prix de la carte annuelle pour les membres et donc de permettre à tous de pratiquer sans trop débourser.
Les dérives
Bien sûr, à l’instar de toute activité humaine, la chasse aux trophées n’est pas exempte de dérives. Elles ne sont pas intrinsèquement liées à ce mode de chasse mais proviennent de ceux qui ne voient dans la chasse qu’un « business » parmi d’autre.
La marchandisation de l’animal, et en particulier de ceux porteurs de beaux trophées, débouche sur un commerce lucratif avec parfois des abus. Il ne faut pas croire que ces abus sont réservés aux chasses lointaines et exotiques.
En France, l’appât du gain et la concurrence que se livrent quelques entreprises spécialisées peut conduire à une certaine inflation du prix des bracelets. Il faut faire en sorte que cela n’empêche pas les chasseurs locaux de pratiquer ce mode de chasse. Il ne faudrait pas que cela conduise au même phénomène qui limite l’accès au logement à cause l’envolée des tarifs immobiliers en zone touristique.
A l’inverse, les tarifs élevés de certains animaux (Marco Polo, Markhor, Rhinocéros…) sont la garantie de leur survie. Les habitants des pays concernés ont bien compris le parti qu’ils pouvaient tirer de cette chasse et l’argent récolté permet de lutter contre le braconnage.
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Gardez moi de mes « amis », de mes ennemis je me garde… La plupart des arguments de ces « amis » sont infondés et procèdent d’une vision de la chasse qui se veut sportive. La chasse n’est pas un sport. Et le souci n° 1 du chasseur devrait être d’ôter la vie sans faire souffrir inutilement. Donc, mettre tous les éléments de son coté pour effectuer un tir léthal. Le tir « sportif » remplit rarement ces conditions.
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Dans le monde de la chasse (comme dans d’autres activités) ce sont souvent les plus ignorants qui ont la plus grande bouche. Hélas !
Le tir sportif est une discipline que l’on retrouve aux jeux olympiques. Vous voulez certainement parler du tir en battue sur un animal en mouvement.
Quant à la chasse sportive, l’approche l’est certainement plus que la battue lorsque l’on est posté.
Suis assez d’accord avec vous pour le sens général de votre commentaire
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C’est ma ferme conviction écrite dans » Chamois & Isard – Miscellanées » !
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Très bon article Dénis ….. Bravo
Mais comme tu dis » Il semble y avoir autant d’éthiques que de chasseurs. »
Il est important de savoir expliquer et tu le fais à merveille
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Merci Patrick !
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Excellent blog, well explained althrough these who should read it probably won’t. Sadly. One comment I have is that opinion that « shooting a stopped animal is not hunting » I found it quite bizzare. Espetially when you take a view that hunter has no business shooting at anumal that is moving. Differences in hunting cultures and practice, I guess!
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Thanks for your appreciation. I fully agree to find strange this opinion that shooting a stopped animal is not hunting. This is exactly the opposite. The art of stalking !
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