Un voyage de chasse peut être une très belle expérience ; il peut aussi s’avérer être une déception. Mes deux récents voyages en Pologne sont à ranger dans la catégorie énorme déception. Pratiques illégales, absence de la plus élémentaire éthique de chasse, accueil désagréable… La chasse en Pologne ne se résume peut-être pas à cela mais choisissez bien votre agence avant de partir.

Un pays au gibier abondant

L’Europe centrale est une des destinations phares pour la chasse du grand gibier. La période communiste de 1945 à 1991 a contribué à préserver le grand gibier puisque la chasse y était réservée aux aparatchiks locaux et à quelques rares touristes de l’ouest.

La fin des régimes communistes a vu l’éclosion de dizaines d’organisateurs de voyages de chasse. Et, comme partout ailleurs, le pire cotoie le meilleur. En ce qui concerne la Pologne, on peut se demander si certains ne sont pas en train de « tuer la poule aux oeufs d’or » tant les dérives et abus de la chasse commerciale sont patents et dénoncés. Ils sont d’ailleurs attestés par de plus en plus de chasseurs scandalisés par certaines pratiques.

Ces abus sont également dénoncées par les polonais et en particulier par les agriculteurs qui sont exaspérés par les dégâts commis par le gibier. Le nourrissage intensif permettant de favoriser l’accroissement des populations se fait au détriment de l’agriculture. Le gouvernement polonais actuel n’étant pas particulièrement favorable à la chasse, ces abus risquent de déboucher sur des restrictions drastiques et ce seront les chasseurs polonais sans histoire qui pâtiront des excès de quelques voyous.

Des trophées attrayants mais suspects

Le but d’un voyage de chasse est de faire des rencontres, des découvertes, de pratiquer sa passion dans un environnement inhabituel et aussi de rapporter des souvenirs de ces moments. Il y a les instants qui resteront gravés dans nos mémoires ; il a aussi les trophées.

Pour certains, c’est d’ailleurs le but unique du voyage. C’est dommage pour eux car ils se privent du reste, de ce qui ne se comptabilise pas, de ce qui n’a pas de prix et qui est en fait le plus important. Bien sûr, si l’occasion se présente, il faut saisir sa chance mais voyager en ayant en tête le poids et la cotation du trophée que l’on veut rapporter n’est, à mon avis, qu’une démarche comptable et mercantile destinée à satisfaire son égo. N’oublions pas ce que disait Dominique Venner à propos des trophées :

« Ils ne valent que par le souvenir qui leur est associé. »

Cet attrait pour les trophées a été bien compris par les organisateurs de voyages de chasse d’Europe centrale et conduit a bien des dérives. La Hongrie et la Pologne se sont faites montrer du doigt pour avoir « dopé » certains de leurs cerfs. Le Conseil International de la Chasse, qui est en charge de l’homologation des trophées, a d’ailleurs rétrogradé certains « records » suspects de ces régions.

Il est aussi communément admis que des chevreuils sibériens (plus grands et avec des bois beaucoup plus développés) ont été relachés1 par certaines associations de chasse polonaises. Ils se sont hybridés avec les chevreuils autochtones, ce qui explique sans doute les dimensions de certains trophées.

On trouve aussi en Pologne beaucoup de têtes bizardes (ou bizarres). Cette concentration de trophées atypiques est-elle due au hasard ou à des pratiques honteuses comme le tir au petit plomb sur des bois en refait ou des castrations effectuées après capture ? Beaucoup se posent la question.

Des offres commerciales alléchantes mais parfois trompeuses

Sur internet les offres commerciales se multiplient toutes plus alléchantes les unes que les autres. Attention, tout ce qui brille n’est pas d’or disaient les anciens et ils avaient bien raison. Les réseaux sociaux ou les sites internets des organisateurs vont vous présenter des trophées fabuleux. Certes, ils existent mais il faut savoir qu’ils coûtent très cher.

Prenons comme exemple l’approche d’été du brocard qui va bientôt se terminer. L’organisateur va vous proposer deux types d’offres.

La première consiste à vous facturer vos brocards en fonction du trophée, c’est clairement indiqué dans la brochure avec une liste des tarifs en fonction de la cotation et du poids. Cela peut vite atteindre des sommes importantes. Un beau trophée de chevreuil pourra vous être facturé jusqu’à 1000 euros. Cette offre est claire et vous partez en connaissance de cause.

La seconde, celle qui paraît la plus intéressante, est le forfait. Dans cette offre, on va vous proposer la chose suivante : x jours de chasse et x brocards garantis sans distinction de trophée pour un prix global.

Évidemment cela paraît être LA solution avantageuse. Ne vous y fiez pas. Avec cette offre, les organisateurs et leurs guides ne vous feront jamais tirer de grands et beaux brocards. Les guides connaissent parfaitement le terrain et les animaux. Le chevreuil étant un animal sédentaire, vivant dans un domaine vital assez réduit, ils savent où sont les beaux animaux et où sont les autres. Vous serez emmenés dans des zones où vous ne rencontrerez que des animaux modestes. Les autres sont réservés aux chasseurs qui choisissent la première option ou aux personnes chargées de la communication des ces organisateurs de chasse… Cela permet de relativiser l’aspect attrayant de l’offre au forfait.

N’oublions pas que le budget d’un voyage de chasse ne se limite pas à ce qui est indiqué sur la brochure. Aux 3450 euros d’un forfait vu récemment sur les réseaux sociaux, il faut ajouter un billet d’avion augmenté du coût du transport de l’arme ( vous pouvez louer une arme sur place mais c’est à ajouter à l’addition) ; le trajet jusqu’à l’aéroport, le parking de votre véhicule pendant votre séjour et les frais annexes une fois sur place. Il faut aussi compter le taxidermiste car les trophées sont juste préparés par les organisateurs, ils ne sont pas montés sur blason. Faite l’addition, cela commence à devenir cher. Tout cela pour tirer des brocards que vous pourriez probablement trouver en France pour un coût bien moindre.

La manière de promouvoir ces chasses en mettant en avant le physique avantageux de quelques jeunes femmes est aussi assez dévalorisante pour le monde de la chasse. Apparemment, tous les moyens sont bons pour attirer le client. Il est déplorable de constater que les annonces commerciales sur les réseaux sociaux sont immédiatement suivies ou précédées de photos de chasseresses en maillot de bain ou court vêtues.

Une chasse inélégante et parfois illégale

Plus grave encore que ces offres commerciales trompeuses, il y a, je l’ai constaté de mes propres yeux à deux reprises, et cela est confirmé par de nombreux autres témoignages fiables, des pratiques cynégétiques honteuses voire illégales qui ne font pas honneur à ces organisateurs de chasse.

Un dévoiement de ce que devrait être la chasse à l’approche

Les vrais amateurs de chasse à l’approche risquent d’être déçus. Ici, on chasse en véhicule, le guide-conducteur s’arrête tous 200 mètres balaie le terrain avec sa thermique, si un animal est repéré, on fait descendre le chasseur qui va marcher 10 mètres au mieux, installer sa canne de pirsch et tirer. Une fois les photos destinées à l’album du chasseur et aux réseaux sociaux effectuées, on repart vite pour passer à l’animal suivant. Le guide a tout intérêt à ce que le résultat soit obtenu rapidement, il pourra ainsi rentrer plus vite chez lui. Rien d’illégal dans tout cela mais juste un dévoiement de ce que devrait être la chasse à l’approche.

Plus grave, on peut assister à des méthodes de chasse qui sont du braconnage pur et simple, qui seraient illégales en France et qui le sont aussi en Pologne.

  • Tir de jour et de nuit à partir de miradors sur place de nourissage. Interdit.
  • Tirs de cerfs de nuit avec appareils de vision nocturne. Interdit. (ce n’est autorisé que pour le sanglier en Pologne).
  • Tir à partir du véhicule, de jour et de nuit. Interdit.
  • Armes chargées (balle dans la chambre) dans le véhicule. Interdit. La cabane de chasse portait d’ailleurs les séquelles de cette conception surprenante de la sécurité puisqu’il y avait 2 impacts dans l’encadrement de la fenêtre et un dans la cuisine…
  • Chasseurs locaux alcoolisés et continuant à boire dans le véhicule qui les emmenait au poste lors d’une battue. Interdit.
Tir à partir d’un véhicule.

Quant aux séjours battues, attention là aussi. Si vous y allez seul ou à deux, vous allez vous retrouver au milieu d’un groupe de chasseurs locaux qui connaissent le terrain et l’organisateur. Vous risquez alors d’être relégué aux postes où rien ne passe.

J’ai personnellement expérimenté la chose. Après deux jours de battue au cours desquels 80 animaux ont été tirés, l’étranger que j’étais n’a eu qu’une occasion de tir et il s’agissait d’un renard ! Un peu surprenant compte tenu du tableau final. A titre d’exemple voici une description d’un de mes postes. A peine arrivé sur mon mirador de battue, j’ai compris que je ne pouvais tirer nulle part. Devant moi une forêt dense sans aucune visibilité, à droite une parcelle en régénération grillagée dans laquelle aucun animal ne pouvait passer, à gauche, un sous-bois clair mais avec une route assez passante à 200 mètres et derrière moi un croisement entre une piste forestière et une petite route et un parking sur lequel stationnait un camion. Résultat, impossible de tirer. Merci à l’organisateur…

J’ose espérer que la chasse en Pologne ne se résume pas à cela. Cette expérience m’a fait rayer cet organisateur et sa société Global Hunting Poland de mon carnet d’adresse. Il ne s’agit plus de chasse mais de braconnage commercial.


  1. « Introgression of mtDNA of Siberian roe deer into the genome of European roe deer has recently been detected in eastern Europe. Such introgression might be caused by human-mediated translocations of Siberian roe deer within the range of European roe deer. » dans Weak Population Structure in European Roe Deer (Capreolus capreolus) and Evidence of Introgressive Hybridization with Siberian Roe Deer (C. pygargus) in Northeastern Poland ↩︎

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2 commentaires sur « Pologne, dérives et abus de la chasse commerciale »

  1. effectivement : je suis allé plusieurs fois à l’approche en Pologne , au début , très bien puis petit à petit , la mentalité a changé. Je confirme le tir souhaité de la voiture – j’ai toujours été surpris du nombre de perruques tirées en Pologne🤫- la dernière fois j’étais au forfait au brocard : je pouvais tirer tout brocard , je tirais effectivement quelques 6 très corrects et un matin , je tombe sur un brocard au trophée magnifique et la le guide me fait comprendre que ce n’est pas le même prix : je lui demande combien, il m’annonce le double du forfait , je lui dis OK , il hésite , téléphone puis me dit on s’en va , j’insiste, je pouvais tirer , il était à 200m et l’approche relativement facile – l’organisateur ne répond pas au téléphone – du coup je refuse de continuer, on rentre – j’attends l’organisateur qui était un ami: il me dit: celui la tu ne devais pas le voir -je rappelle notre engagement de forfait mais rien n’y fait – on me dit que c’est un brocard de 700gr connu , je négocié et pour 2,5 fois e forfait et à ma charge , je peux le tirer mais je ne le reverrai plus et pour cause: Conclusion : on s’arrange pour ne pas te faire tirer de gros brocard qui dépasse le prix du forfait- à posteriori j’aurais du tirer quand même prétextant ne pas comprendre la langue et laisser l’organisateur se débrouiller avec le club

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