Quatre chasseresses européennes ont décidé de se réunir et de faire un tour de l’Europe cynégétique pour promouvoir la chasse au féminin. Quel peut être l’impact d’une initiative de ce genre ?
L’objectif de ce voyage est de réunir des chasseresses passionnées afin de démontrer que les femmes ont toute leur place dans cette activité et de partager des idées sur la manière d’en convaincre un plus grand nombre de franchir le pas. Au programme, chasse, discussions, cuisine du gibier, rires et soirées agréables…
Si l’idée est sympathique, surtout pour les quatre chasseresses concernées qui vont bien s’amuser grâce à leurs sponsors, on peut se demander quel sera l’impact réel de cette petite virée cynégétique.
Partager, échanger, convaincre
La première étape de ce voyage a emmené Caroline Schack Svankjær du Danemark, Madeleine Pettersson de Suède, Pilar Montero d’Espagne et Claire Sadler du Royaume-Uni et vice-présidente du BASC – à Childerley Sporting dans le Bedfordshire. Tout ceci était organisé par la British Association for Shooting and Conservation1 (BASC).
Au Royaume-Uni comme dans le reste de l’Europe, la chasse à tir est majoritairement masculine. Ce tour d’Europe des quatre chasseresses a pour but officiel d’échanger, de comparer les expériences, de discuter et de réfléchir à la manière d’attirer de plus en plus de femmes.
Les quatre dianes ont eu l’occasion de chasser l’hydropote et le muntjac à l’approche dans le cadre prestigieux du Childerley Sporting, un superbe domaine de chasse du Bedfordshire. Les animaux chassés au cours de la journée ont ensuite été cuisinés par nos chasseresses et dégustés le soir même.
➙ Lire aussi : Muntjacs et hydropotes en Angleterre, un beau séjour de chasse avec Wild Pursuit Guiding
Leurs impressions
Caroline Schack Svankjær a fait part de ses réflexions sur la visite : « Il y a quelque chose de profondément stimulant à se tenir côte à côte avec d’autres femmes sur le terrain – nous sommes totalement dans notre élément. Cela me rappelle à quel point il est important que nous prenions de la place, non seulement physiquement, mais aussi culturellement. La chasse a longtemps été dominée par les hommes mais nous tenons à démontrer que nous n’avons pas seulement notre place ici mais nous apportons quelque chose d’unique. Un instinct, une connexion et une approche différente des hommes. Nous avons besoin de plus de femmes qui osent dire : c’est aussi ma place. »
Madeleine Pettersson a déclaré : « Je n’aurais jamais imaginé que ma première chasse en Angleterre deviendrait une expérience aussi inoubliable. Il n’a jamais été question de performances. Ce qui comptait, c’était la camaraderie et le sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand. Il ne s’agit pas seulement de chasser, mais aussi d’inspirer d’autres femmes, d’apprendre et de transmettre des traditions selon nos propres termes. Faire partie de ce réseau me donne le courage, la force et la joie de continuer à promouvoir les valeurs de la chasse. »
L’espagnole Pilar Montero est la seule à avoir exprimé quelque chose de différent et de vraiment profond en évoquant le fait qu’elles sont ou seront les mères de futurs chasseurs. C’est la seule qui parle de transmission.
« Nous sommes et serons les mères des futurs chasseurs. Qui mieux que nous peut inculquer la passion, le respect et le dévouement à la chasse, à la campagne et à la conservation ? »
Pilar Montero
Claire Sadler, la locale de l’étape a déclaré : « Je suis très fière que nous ayons fait quelque chose qui n’avait jamais été fait auparavant. Rassembler un groupe de femmes partageant les mêmes valeurs pour mettre en commun nos idées et nos expériences afin d’essayer d’initier plus de femmes à la chasse ici au Royaume-Uni et dans le reste de l’Europe. J’espère que cela permettra de démontrer que les femmes ont toute leur place à la chasse, des les convaincre de nous rejoindre mais aussi de bénéficier à celles qui participent déjà et de mettre en évidence ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons auprès d’un public mondial. »
Cette partie de chasse a fait l’objet d’un reportage et d’une interview que vous pourrez retrouver début avril sur le site du BASC : April episode of the official BASC Podcast
Quel peut être l’impact de cette initiative ?
Que ces quatre chasseresses soient ravies de faire un tour d’Europe des plus belles chasses est une chose, que cela ait un impact réel en est une autre.
Il y a fort à parier que leurs « aventures » ne sortent pas du cadre étroit du carnet mondain de quelques publications cynégétiques et du petit monde des influenceuses. L’idée peut sembler bonne mais pour qu’elle ait un impact réel et que cela encourage vraiment les femmes européennes à se mettre à la chasse, il aurait peut-être fallu que l’initiative soit relayée par des médias généralistes importants et que toute la chasse soit partie prenante de l’initiative, pas seulement la chasse chic des grands domaines.
Il aurait aussi fallu qu’elles soient en mesure de nous donner des idées, des pistes et d’envisager des modes d’action pour populariser la chasse auprès des femmes. Or, rien de tout cela dans l’interview diffusée sur le site de la BASC. Seulement les éléments de langage habituels et les généralités déjà entendues cent fois.
Certes, elles arrivent de quatre pays différents mais, hormis Pilar Montero, aucune ne vient d’un pays où la chasse est réellement populaire comme la France, l’Italie ou la Grèce. Or, c’est cette chasse populaire qui peut fournir les effectifs de chasseresses les plus importants ; hélas, elle est totalement oubliée.
Ici, il ne s’agit que de quatre jeunes femmes faisant la promotion d’une chasse élitiste et de leur compte Instagram2.
Récemment Chris Sargent, un journaliste cynégétique américain, se désolait que la chasse devienne un spectacle pour célébrités3 et influenceurs qui ne représentent rien si ce n’est eux-même et leurs sponsors.
« Des personnalités de la chasse surpayées, équipées de vêtements et de matériel représentant la moitié d’un salaire annuel, pendant qu’elles chassent ou pêchent dans les meilleurs endroits du monde, ce n’est pas vraiment la réalité. »
J’espère pour l’avenir de la chasse au féminin que la suite de leur voyage me donnera tort.
- La BASC est une association qui a plus de 100 ans d’existence et qui défend la chasse, offre des conseils à ses membres, organise des programmes de formation, met en oeuvre des initiatives de conservation et fait un lobying intense auprès des politiques. ↩︎
- Caroline Schack Svankjær : 60 000 abonnés sur Instagram
Pilar Montero : 90 000 abonnés sur Instagram
Madeleine Pettersson : 30 000 abonnés sur Instagram
Claire Sadler : 18 000 abonnés sur Instagram ↩︎ - When hunting and fishing become celebrity spectacles ↩︎
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