De nos jours, les fusils de chasse proposent des calibres allant du petit .410 jusqu’au calibre 10 mais au XIXème siècle, ceux qui chassaient pour tirer un revenu de la vente du gibier, utilisaient des armes absolument gigantesques. En France et en Belgique, on les appelait canardières, en Angleterre et aux États-Unis les « punt guns » (du nom de la petite barque – punt, sur laquelle ils étaient montés).

Ces armes pouvaient mesurer jusqu’à 3 mètres de long, peser 100 kg et étaient conçues dans un seul but : tuer autant d’oiseaux que possible d’un seul coup. Elles étaient utilisées aussi bien dans les marais et étangs que sur les cours d’eau.

Comme elles étaient trop grosses pour être portées et que le recul était trop important, elles devaient être fixées sur des barques (punt), d’où leur nom anglais. Les chasseurs approchaient furtivement le gibier (canards, oies et parfois cygnes) avec ces petites embarcations. La visée se faisait en orientant la barque. Une fois le tir effectué, il n’y avait plus qu’à aller repêcher les proies qui flottaient. Il arrivait que le chasseur ait aussi à bord un fusil de chasse classique qui servait à tirer sur les oiseaux blessés.

L’utilisation de ces canardières était un moyen de mettre de la nourriture sur la table ou de gagner de l’argent. Au Royaume-Uni, ce mode de chasse a connu un pic au cours de la grande dépression des années 1930. Une douzaine de colverts rapportait au marché presque autant qu’une semaine de salaire d’un ouvrier agricole.

Ces armes et cette forme de chasse étaient si dévastatrices pour les populations d’oiseaux qu’elles ont été progressivement interdites. Au Royaume-Uni, elles ne sont plus utilisées, depuis le jubilé de la reine Victoria en 1897, que lors des couronnements et jubilés. À cette occasion, une salve de canardière est tirée afin de perpétuer la tradition.

Fusil ou petit canon ?

La majorité des ces canardières étaient fabriquées artisanalement mais certains grands armuriers comme Holland & Holland, Rigby ou Mangeot (en Belgique), en ont fabriqué pendant une période. Holland & Holland a commencé en 1872 et en a produit plusieurs modèles par la suite, en améliorant à chaque fois la conception. Le plus vendu fut « The London », une canardière à chargement par la culasse, d’une longueur de 2,60 mètres, d’un poids de 100 livres et d’un calibre de un et demi.

La canardière « The London » de Holland & Holland

Henri Mangeot, le célèbre armurier belge de la fin du XIXème siècle, a beaucoup étudié cette arme et lui a même consacré un chapitre de son livre – Traité des fusils de chasse et des armes de précision.

Elles étaient généralement conçues sur mesure, pouvaient avoir un calibre de plus de 51 mm et tirer environ 500 grammes de grenaille en une fois, propulsés par des charges pouvant aller jusqu’à 60 grammes de poudre. Un seul coup pouvait tuer plus de 50 oiseaux posés. A titre de comparaison, un fusil d’aujourd’hui projette au maximum 50 grammes de plomb et contient environ 2 grammes de poudre.

Tir avec une canardière restaurée.

Ces canardières étaient généralement chargés par la bouche mais, vers 1890, Holland & Holland a proposé des modèles se chargeant par la culasse et utilisant des cartouches en laiton et en papier qui étaient fabriquées sur commande. Les exemplaires que l’on peut voir aujourd’hui dans certains musées montrent différents mécanismes allant du mécanisme à silex jusqu’à des systèmes de percussion annulaire plus modernes.

Comparaison de taille entre une canardière et un fusil.

Ces fusils étaient conçus comme des outils, ils ne comportaient donc aucune décoration ou gravure et le bois utilisé était choisi en fonction de sa résistance et non de son esthétique.

Des armes qui duraient peu.

Ces armes tiraient de la poudre noire beaucoup plus corrosive que les poudres modernes. Elles devaient donc être nettoyées le plus rapidement possible après avoir tiré, ce que faisaient peu leurs utilisateurs. Ceci, combiné à l’environnement humide dans lequel les chasseurs opéraient, faisaient que les canons se détérioraient très vite. La plupart du temps les chasseurs tiraient jusqu’à ce que le canon se fende puis en achetaient ou fabriquaient une autre.

Il existait aussi un autre type d’arme ayant la même finalité, tuer rapidement un maximum d’oiseaux, c’était la batterie artisanale, qui comprenait jusqu’à dix canons soudés ensemble en rangée ou en arc. Il s’agissait généralement de canons de 12, chargés individuellement et tirés simultanément.

Aujourd’hui, le tir à la canardière n’est plus pratiqué que par des collectionneurs enthousiastes et passionnés.


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