Éloge rédigé par Axelle Simpère, psychologue clinicienne.
Il y a des gestes ancestraux que notre modernité regarde avec suspicion, et la chasse en fait partie. Trop lente, trop archaïque, trop physique. Pourtant, celle-ci répond à une nécessité profonde de réinscription de l’homme dans le monde vivant. À rebours d’une société qui valorise la vitesse, la consommation et la déconnexion, la chasse propose un chemin de lenteur, de présence et d’attention au territoire qui a peu d’équivalent ailleurs. Cette réintégration au réel n’est pas qu’un geste symbolique ou écologique : elle a des effets profonds sur la psyché humaine.
Chasser pour habiter le monde
La chasse est une école de lenteur, de précision et d’humilité pour qui sait la pratiquer. Elle est une reliance au monde, non comme simple observateur ou consommateur, mais comme partie prenante d’un cycle plus vaste, incarnant une manière d’habiter la terre, d’en épouser les rythmes et les silences, et de reconnaître sa matérialité.
Alors que notre époque est fortement caractérisée par une déliaison à la nature, au corps et au temps réel, la chasse vient réactiver une mémoire corporelle et symbolique en invitant à une écoute fine du milieu, à une attention soutenue, à une réintégration dans l’ordre naturel. Elle réconcilie le souffle, le sol et la mémoire archaïque de l’être humain enraciné.
Mais cet enracinement ne se limite pas à l’acte de chasser. Il rayonne dans l’ensemble de la vie quotidienne.
Chasser apprend à vivre autrement : à marcher lentement, à regarder longuement, à respirer pleinement.

Cela se traduit dans le quotidien par une forme de présence accrue aux gestes simples et une attention renouvelée aux cycles naturels des saisons, des naissances et des morts. Le chasseur développe une sensibilité fine aux signes du vivant, et cette écoute, une fois éveillée, ne se limite pas à la forêt : elle innerve les relations humaines, le rythme de la maison, la gestion du temps.
Vivre une vie plus enracinée, c’est alors prolonger l’expérience de la traque dans l’existence ordinaire. Cela signifie par exemple cuisiner en conscience ce que l’on mange, honorer la matière, écouter le silence dans les paroles, reconnaître la fragilité de toute chose vivante. Cela transforme la manière d’habiter un lieu, d’habiter son propre corps et d’entrer en relation. Ainsi la chasse devient-elle non seulement une pratique, mais un principe existentiel sous la forme d’un art de vivre ancré, incarné et relié.
Dans notre monde saturé de stimulations virtuelles, de déracinement géographique, de fragmentation identitaire et de temporalités éclatées, la chasse peut apparaître comme un acte paradoxalement moderne dans sa capacité à réconcilier l’homme avec l’ici et maintenant. Plus qu’un simple loisir ou une tradition, elle devient une pratique structurante, capable d’impulser un rapport renouvelé au quotidien, plus incarné, plus présent et plus juste. Ce retour à une forme de rythme naturel a des répercussions directes sur l’équilibre psychique : il apaise les tensions, réduit le stress, stimule les facultés d’observation et de patience. En cela, la chasse participe d’une écologie intérieure : elle soigne le déracinement psychologique, cette fracture entre le corps et l’environnement qui génère tant de troubles contemporains.
En effet, la chasse oblige à se lever tôt, à connaître les cycles lunaires, les migrations, les saisons, les comportements animaux, les arbres et les vents. Elle engage le chasseur dans une pédagogie du réel.
Chaque sortie devient une manière de s’ancrer dans un territoire : on observe et on apprend via les signes du vivant.

Cette attention fine aux signes du milieu se transpose dans la vie ordinaire au travers d’une plus grande capacité d’écoute, de patience, de lecture sensible des situations.
Chasser, c’est aussi fréquenter la limite – celle du vivant, de l’éthique, de l’acte décisif. Cette confrontation avec les frontières de la vie développe une forme de gravité et de responsabilité que peu d’autres activités transmettent. Il ne s’agit plus simplement de « faire » quelque chose, mais d’être engagé dans un rapport symbolique au monde, fait d’interdépendances, de justesse et d’humilité.
Ce rapport transformé au vivant déteint sur la manière d’habiter son espace quotidien. Le chasseur n’est pas hors-sol : il est enraciné dans une mémoire, une lignée, une terre. Il sait que la nature n’est pas un décor, mais un partenaire silencieux. Ce rapport aux lieux (forêts, clairières, cabanes, sentiers…) infuse une forme de fidélité à l’espace vécu. Il habite mieux, il cultive la permanence, il honore le cycle, vivant ainsi une forme d’écologie intérieure.
Ainsi, la pratique de la chasse opère-t-elle une reconversion silencieuse de l’être. En réduisant l’agitation inutile, elle affine la perception, donne un sens aux rythmes et réintroduit la dimension du rituel dans une existence trop souvent vidée de sacralité. L’homme qui chasse n’échappe pas au monde : il s’y attache plus profondément. Il apprend à le voir, à l’aimer, à le respecter autrement. Cet enracinement, loin d’être nostalgique ou passéiste, est un repère existentiel dans un monde les ayant effacés. En cela, les bénéfices psychologiques de la chasse ne sont pas anecdotiques : ils touchent au cœur même de la santé mentale et spirituelle de l’homme contemporain.
L’archétype du chasseur : une figure d’unité
La chasse remonte aux origines du monde. C’est pourquoi elle habite les profondeurs de l’inconscient collectif. Carl Gustav Jung disait des archétypes qu’ils étaient les structures fondamentales de l’âme humaine. Le chasseur est l’un d’eux : il est celui qui suit la piste, maîtrise son élan, attend et frappe avec justesse, représentant l’unité perdue entre l’esprit et le corps, entre le monde humain et le monde animal.
Le chasseur est ce que l’on appelle un archétype dynamique, profondément enraciné dans la psyché humaine. Il évoque la quête, la maîtrise de soi, mais aussi la relation à l’altérité vivante, incarnée par l’animal. Il est celui qui sort du confort du foyer pour s’exposer à l’imprévisible du monde sauvage. À ce titre, il est une figure de transformation, d’éveil et de passage.
D’un point de vue psychologique, cet archétype joue un rôle fondamental dans les processus d’individuation. Il donne une forme aux conflits internes liés au désir, à la confrontation avec la limite, à l’intégration de la part sauvage de soi.
En incarnant le chasseur, l’être humain peut symboliquement retrouver une relation apaisée avec ses instincts, sa corporéité, ses rythmes profonds.

Loin de glorifier la violence, cet archétype met en scène la possibilité de sublimer l’énergie instinctuelle en attention, en éthique, en geste juste.
Au milieu de la dispersion et de la déconnexion que notre époque érige en valeurs modernes, le chasseur vient contrebalancer ces inversions en représentant la focalisation, la présence, la discipline intérieure. Il est un autre modèle de verticalité, pour reprendre Gilbert Durand, une image de celui qui traverse la forêt intérieure pour en extraire un sens.
Mais cette figure n’est pas isolée : elle dialogue symboliquement avec d’autres images fondatrices comme celles du traqueur, de l’initiateur, de l’animal-totem. Ignorer ces présences qui représentent autant de facettes psychiques en quête d’unité revient à se priver d’une richesse symbolique fondatrice. Ce sont autant d’archétypes permettant de structurer l’expérience humaine, en reliant les dimensions archaïques aux enjeux contemporains de sens, de lien, et d’enracinement psychique.
Le chasseur est également un gardien des seuils, passeur entre le monde des hommes et celui de la nature sauvage. Cette position intermédiaire, liminale, en fait un archétype essentiel pour penser la relation de l’homme à son environnement, mais aussi à lui-même. En cela, il devient un vecteur puissant d’unification intérieure, de restauration d’un dialogue entre le corps et l’âme, entre l’individu et le cosmos vivant.
Le chasseur, le traqueur, le guide : des figures archétypales de l’âme en quête
Dans les traditions symboliques et mythologiques, le chasseur n’est jamais seul. Il est souvent accompagné (intérieurement) de figures archétypales complémentaires qui enrichissent la portée psychique de la chasse, chacune incarnant une fonction de l’âme en transformation, un potentiel psychologique en voie d’activation.
Parmi celles-ci, le traqueur incarne l’intuition, la lecture des signes, la capacité à déchiffrer les traces laissées par l’invisible. Il lit dans la forêt comme dans un livre, écoute les silences, suit l’empreinte la plus ténue. Il représente l’aspect introspectif et sensible de la chasse : une plongée dans le réel subtil, mais aussi dans les couches profondes de la psyché. Le traqueur nous met en contact avec notre capacité d’écoute intérieure, de finesse perceptive, renforçant la connexion avec l’inconscient, où chaque trace, chaque murmure, chaque absence même, devient signifiant. En cela, il agit comme un guérisseur silencieux, réconciliant l’individu avec sa vie intérieure, en restaurant une forme de résonance entre le monde et le soi.
Le guerrier sacré, lui, maîtrise la force, la décision, le courage. Il ne tue pas pour dominer, mais pour préserver un ordre. Il est dépositaire d’un code d’honneur, et sa force est toujours tempérée par la conscience. Dans le monde intérieur, cette figure enseigne la souveraineté sur ses propres pulsions, la capacité à trancher et à poser des actes justes. Le guerrier sacré n’est pas la brutalité, mais la maîtrise. Il offre un modèle psychique de canalisation des forces vitales, de respect des lois naturelles, et de responsabilité. Il incarne le discernement actif, cette capacité à poser des limites saines, à protéger ce qui doit l’être. Psychologiquement, il structure la volonté, donne du poids à la parole, et inscrit l’individu dans une posture de maturité éthique.
Enfin, le guide ou l’initié est celui qui, ayant traversé l’épreuve, peut transmettre. Dans certaines mythologies, le chasseur blessé devient le guérisseur : celui qui a connu le danger, la solitude, la mort symbolique devient capable d’enseigner aux autres le chemin d’une vie alignée. Cette figure parle à notre besoin profond de sens, de récit, de transmission. Elle nous relie à l’idée que la blessure peut devenir source de savoir et que l’expérience vécue dans la forêt intérieure est convertible en sagesse. Le guide permet ainsi d’articuler le vécu personnel à une dimension collective. Il donne forme à une mémoire vivante, à une transmission qui relie les générations dans un même souffle d’humanité. Psychologiquement, il représente l’intégration, l’unification des expériences traversées, et la capacité de transformation alchimique des épreuves.
Ces figures (traqueur, guerrier, guide) que l’on retrouve dans les contes, les épopées, les rêves et les rituels, ne sont pas de simples métaphores, mais des modèles actifs de l’inconscient, des ressources intérieures qui s’actualisent à travers des pratiques comme la chasse. Elles permettent à l’individu de symboliser ses conflits, d’accompagner ses passages de vie, et de s’inscrire dans un ordre psychique et cosmique plus vaste.
Comme l’écrivait Mircea Eliade, les mythes ne sont pas des récits passés, mais des structures vivantes qui « enseignent aux hommes comment être dans le monde ».
La chasse, dès lors, n’est pas seulement une activité : elle est un mythe agissant, une voie d’individuation, une reconquête de l’unité perdue entre l’homme, l’animal et le cosmos.
Elle réactive en nous les archétypes endormis, et par là même, elle soigne, relie et transforme.
Notre part animale : non pas à dompter, mais à intégrer
L’être humain n’est pas un pur esprit. Il est souffle, chair, sang, désir, mémoire incarnée, mouvement, sensation. Or, la modernité a souvent voulu le faire oublier, en opposant l’homme civilisé à l’animal sauvage, en érigeant la rationalité en rempart contre l’instinct. Ce dualisme, hérité de siècles de pensée dissociative, a entretenu l’idée que l’animal en nous serait une menace, comme un chaos à domestiquer ou une obscurité à contenir.
Mais ce que l’on refoule de soi revient toujours, et souvent de manière désordonnée. En tentant de nier notre animalité, nous l’avons laissée ressurgir sous forme de violences diffuses, de compulsions incontrôlées, d’addictions ou de quêtes identitaires égarées. Ce que la conscience exile, le corps le crie. Et à force de vouloir dominer l’instinct, nous avons perdu le lien avec la sagesse qu’il contient.
La chasse, lorsqu’elle est vécue dans une conscience éthique, ritualisée et respectueuse, devient un des rares espaces symboliques où l’animalité peut être rencontrée, accueillie, transmutée. Il ne s’agit pas de céder à l’instinct brut ni de s’y abandonner aveuglément, mais de l’honorer, de l’écouter, de le canaliser vers un geste juste. Le chasseur ne devient pas bête : il devient pleinement humain en cessant de fuir sa part animale.
Dans l’acte de chasser, il y a une forme d’alchimie archaïque au travers d’un passage de la pulsion à la conscience. L’instinct y est travaillé, mis à l’épreuve, ritualisé. Il devient une force orientée, une énergie créatrice. En intégrant cette part sauvage, le chasseur restaure une forme d’unité psychique, cessant de vivre en conflit intérieur entre ce qu’il est et ce qu’il croit devoir être. Il se réconcilie.
Chasser, c’est habiter le corps pleinement, ressentir ses limites, ses élans, ses fatigues, ses alertes. C’est se souvenir que penser ne suffit pas à exister, que vivre passe aussi par les sens, le rythme cardiaque, la sueur, et la trace. C’est remettre le corps au centre de la conscience, non comme objet, mais comme vecteur de présence.
En cela, la chasse agit comme un processus d’unification intérieure. Elle permet de sortir de la fragmentation psychique, de l’exil du corps, de la honte du désir. Elle autorise à être tout entier : sensible et lucide, instinctif et responsable, vivant et conscient. Cette intégration, rare dans nos sociétés tellement civilisées qu’elles en ont perdu l’essence, constitue un puissant levier de guérison psychologique en restaurant la continuité entre le dehors et le dedans, entre l’espèce et l’individu, entre l’histoire du vivant et celle de l’âme.
Une voie initiatique : rite, épreuve, transformation
Dans les sociétés traditionnelles, la chasse n’est pas une simple activité utilitaire : elle s’inscrit dans un cadre symbolique dense, représentant un rite de passage. Elle initie le corps et l’esprit à l’épreuve du réel, confronte l’individu à la mort, à l’attente, à l’échec parfois, mais aussi à la joie discrète de la réussite méritée. À travers elle, l’être humain apprend la présence, la patience, la régulation de ses pulsions. Il découvre notamment la maîtrise de soi et l’art de discerner le moment opportun.
Alors que l’on vit l’accélération dans tous les domaines de façon outrancière, la consommation immédiate et le refus de la limite, la chasse opère à contre-courant en engageant l’être dans son entièreté (corps, souffle, instinct, discernement) dans un acte qui ne peut être désincarné. Cet engagement total fait d’elle une expérience existentielle forte, voire initiatique. Elle oblige à regarder la mort, non plus comme une abstraction lointaine, mais comme une réalité tangible, située dans un cycle que l’on accepte, que l’on accompagne et que l’on honore. Ce face-à-face avec la finitude redonne alors au vivant toute sa densité.
Là où le bavardage, la distraction et l’artificialité envahissent notre quotidien, la chasse recentre l’attention sur l’essentiel. Dans le silence de la traque, l’individu est contraint à un dépouillement existentiel. Il ne peut tricher avec lui-même. Il apprend l’effacement de l’ego, la concentration extrême, l’écoute des signes. Cette ascèse, souvent rude, opère une mise à nu de l’être, une réduction au réel qui agit comme une purification intérieure. L’âme cesse alors de se disperser pour s’orienter.
Par cette traversée, la chasse réordonne les priorités intérieures. Elle rappelle que l’existence est faite de rythmes, de sacrifices et de transmissions, et rattache à une chaîne symbolique plus vaste – celle des générations, des vivants et des morts, de la responsabilité que l’on porte envers ce qui nous a précédé et ce qui nous survivra. En ce sens, elle devient une voie de transformation psychique profonde, restaurant une forme d’unité entre le sentir, le penser et l’agir.
Comme l’écrivait Paul Shepard :
« L’homme n’est pleinement humain que lorsqu’il réintègre dans son expérience les formes rituelles du chasseur. »
Ce que la psychanalyse tente de faire dans l’espace du langage (affronter la vérité du désir, du manque, de la perte), la chasse le met en scène dans l’espace du réel. Elle convoque des couches archaïques de la psyché, réveillant des expériences initiatiques que nos sociétés ont peu à peu évacuées : solitude, silence, confrontation avec la peur, endurance, renoncement, gratitude.

Il ne s’agit donc pas d’une régression vers une violence primitive, mais au contraire d’un processus d’intégration. La chasse, vécue comme rite, devient un chemin de maturation intérieure. Elle enseigne que la force n’est rien sans conscience, que l’action n’a de valeur que dans le respect du vivant, et que la prise ne vaut que par l’humilité du geste. En cela, elle est profondément éducative – au sens existentiel du terme. Elle initie à l’art d’être là, présent, ajusté, relié.
Une psychologie enracinée pour un monde incarné
Ce regard sur la chasse s’inscrit dans une psychologie enracinée : une approche clinique qui reconnaît la valeur du sol, des traditions, des rythmes naturels, du corps. Trop de discours dématérialisent l’humain, le coupant de son histoire et de ses symboles. L’équilibre psychique passe alors par la reconnexion à ces dimensions fondamentales.
La chasse fait partie de ces gestes qui restaurent une place juste de l’homme dans le monde. Ni domination ni régression, elle est reconnaissance, limite, alliance, et une manière d’habiter le monde avec force et une certaine forme d’abnégation.
Car « Être enraciné, c’est avoir sa place dans un ordre réel, et non imaginaire. » Simone Weil
Bibliographie
- Carl Gustav Jung, The Archetypes and the Collective Unconscious, Routledge, 1991
- Paul Shepard, The Tender Carnivore and the Sacred Game, University of Georgia Press, 1973.
- Mircea Eliade, Le Mythe de l’éternel retour, Gallimard, 1949.
- Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Dunod, 1960.
- Simone Weil, L’Enracinement, Gallimard, 1949.
- David Abram, The Spell of the Sensuous: Perception and Language in a More-Than-Human World, Vintage, 1996.
- Baptiste Morizot, Sur la piste animale, Actes Sud, 2018.
- Jean-Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin, France Inter / Les Liens qui libèrent, 2012.
- Peter Sloterdijk, Tu dois changer ta vie, Libella / Maren Sell, 2012.
- Jean-Philippe Pierron, Éthique de la vie sauvage, Actes Sud, 2021.
- Michel Maffesoli, Éloge de la raison sensible, Grasset, 1996.
- James Hillman, Re-Visioning Psychology, Harper Perennial, 1975.
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