Le bilan annuel de l’OFB concernant les accidents et incidents de la saison écoulée a été publié récemment et il n’est pas bon, il faut l’avouer. Il est intéressant à lire et à analyser. Il l’est d’autant plus cette année car la FNC vient de demander l’autorisation de deux outils au nom de la sécurité et que c’est la première saison où la chevrotine a été autorisée dans 22 départements. Le bilan est disponible en bas de page de cet article.

  1. Le bilan global 2024-2025
  2. Les principales causes des accidents
  3. Alcool et stupéfiants
  4. Les accidents liés à l’utilisation de la chevrotine
  5. Les accidents mortels
  6. Les incidents
  7. Quelques questions.
    1. La mise à niveau sécurité décennale porte-t-elle les fruits espérés ?
    2. Les formations dispensées par les FDC sont-elles adaptées ?
    3. Les outils évoqués lors du dernier CNCFS amélioreront-ils la sécurité ?

Rappelons d’abord la définition des termes accident et incident.

  • Accident : blessure corporelle suite à l’emploi d’une arme de chasse.
  • Incident : dommages matériels par utilisation d’une arme sans blessure corporelle.

Le bilan global 2024-2025

Soyons clairs, il n’est pas satisfaisant. Les accidents et incidents sont en hausse par rapport à l’année dernière. Le nombre de morts aussi. Il faut noter que tous sont des chasseurs mais cela n’est évidemment pas un motif de satisfaction sauf pour les plus haineux des anti-chasse. C’est la deuxième saison consécutive à enregistrer une hausse.

Au total, l’OFB recense 11 accidents mortels, 60 accidents graves et 32 légers dont 63% lors de chasse au grand gibier et 37% lors de chasse au petit gibier.

Nous avons tendance à nous focaliser sur les accidents mortels mais il ne faut pas négliger les autres accidents. Cette année, ils sont aussi en augmentation et concernent 84% de chasseurs et 16% de non chasseurs, ce qui est supérieur à la moyenne de ces 20 dernières années (12%). Ils se répartissent ainsi : 63% lors de chasse au grand gibier et 37% pour la chasse du petit gibier.

Les principales causes des accidents

Le non-respect de l’angle des 30 degrés est la cause principale des accidents lors des chasses au grand gibier.

Les mauvaises manipulations constituent la deuxième cause des accidents que ce soit à la chasse du grand ou du petit gibier.

Les auto-accidents représentent près d’un tiers des accidents, avec une augmentation importante du nombre d’auto-accidents au grand gibier ces 3 dernières saisons (de 14 en 2022 à 20 en 2024).

La non-prise en compte de l’environnement lors des tirs reste la cause principale des accidents au petit gibier (50 %).

Tous ces accidents sont donc dûs à des erreurs humaines : non respect des consignes élémentaires de sécurité et mauvaise maîtrise de l’arme. Il est à noter qu’aucun accident n’a eu lieu lors de chasse à l’approche qui reste le mode de chasse au grand gibier le moins accidentogène.

Alcool et stupéfiants

Il faut savoir qu’à chaque accident de chasse les forces de l’ordre procèdent à un dépistage acool et stupéfiants de l’ensemble des participants. Lors de la saison écoulée, sur 61 mis en cause pour des accidents, 2 ont été testés positifs à l’alcool soit 3,3%, ce qui est en baisse par rapport aux années précédentes.

Un chasseur a été testé positif aux stupéfiants (lors d’un accident mortel) sur 49 mis en cause testés, soit un taux de 2%.

C’est encore trop. Les directeurs et responsables de chasse doivent être sans pitié vis-à-vis des personnes qui mettent les autres en danger et donnent une image déplorable de la chasse. Alcool et « herbes de Provence » ne sont pas compatibles avec l’utilisation d’armes à feu.

Les accidents liés à l’utilisation de la chevrotine

L’utilisation de la chevrotine qui était auparavant limitée à deux départements (Corse et Landes) a été autorisée aux départements qui le souhaitent dans le cadre de la « boite à outils sangliers » visant à diminuer les dégâts aux cultures. Cette année, 22 FDC l’ont autorisée.

L’OFB recense 5 accidents et 3 incidents liés à l’utilisation de cette munition. Cela peut paraître peu si on se contente de ces chiffres bruts mais il faut les mettre en perspective. Sur 27 accidents recensés lors de chasse aux sangliers, 5 sont dus à la chevrotine, ce qui fait un taux de 15%. C’est important, voire trop important d’autant plus que 3 sont dus à des ricochets.

On note 3 incidents impliquant l’utilisation de la chevrotine dont 1 ricochet sur une habitation éloignée de 150 mètres…

Cette propension de la chevrotine à ricocher a été souvent dénoncée par les analystes sérieux dont l’ANCGG qui est opposée à l’utilisation de cette munition pour la chasse du grand gibier1 : « La chevrotine cumule deux inconvénients majeurs. Une forte dangerosité pour l’homme et son environnement. Une forte propension à blesser le gibier sans le tuer. » Il semble que les chiffres (de seulement 22 départements) de la première saison à la voir autorisée lui donnent raison. Comment peut-on souhaiter faire baisser le nombre d’accidents de chasse et ré-autoriser cette munition ? C’est incohérent.

Les accidents mortels

La saison dernière a été particulièrement mauvaise avec 11 accidents mortels Tous ont eu lieu lors de chasse au grand gibier et 5 sont des auto-accidents. Les causes sont données dans l’image ci-dessous.

Les 11 accidents mortels semblent dus à des erreurs humaines et auraient donc pu être évités en respectant les mesures de sécurité et en maîtrisant son arme. Il serait bon de savoir quels types d’armes sont à l’origine des auto-accidents. Un rapport OFB datant de quelques années pointait du doigt les armes semi-automatiques (fusils ou carabines). Est-ce toujours le cas ?

Les incidents

Ils sont en augmentation de 31% par rapport à l’année précédente. Cette hausse est constatée depuis 3 saisons. Cela concerne les tirs vers des habitations, des véhicules ou sur des animaux domestiques. Il serait intéressant que le rapport de l’OFB fasse le distingo entre tirs sur chiens de chasse et tirs sur les autres types d’animaux domestiques.

On peut supposer que l’augmentation des incidents recensée par l’OFB est due à la fin d’une certaine tolérance dont faisaient autrefois preuve les non chasseurs. On porte plus facilement plainte aujourd’hui qu’avant. C’est un fait de société qu’il faut prendre en compte. Aujourd’hui, rien ne nous sera pardonné.

Quelques questions.

La mise à niveau sécurité décennale porte-t-elle les fruits espérés ?

Il semble que ce ne soit pas suffisant puisque les accidents et incidents sont en hausse. Il faut donc se poser la question de savoir si un volet pratique ne doit pas être ajouté à cette formation. Ce volet devrait, entre autres, comprendre un atelier de manipulation de l’arme en insistant sur les armes semi-automatiques et les carabines à réarmement linéaire. Ne parlons même pas des formations en ligne proposées par certaines FDC. Ce n’est pas sérieux ; on peut tout à fait la valider tout en faisant autre chose et ainsi « cocher la case » sans avoir subi une réelle formation.

Ce volet pratique ne sera pas simple à mettre en oeuvre et demandera des efforts aux FDC mais il semble indispensable et les priorités des fédérations doivent peut-être être revues.

Les formations dispensées par les FDC sont-elles adaptées ?

Globalement les FDC font de gros efforts pour s’adapter et fournir des formations intéressantes. Proposer des formations plus directement en lien avec la sécurité serait une piste. Des ateliers pratiques de mise en situation avec des manipulations d’armes, des prises en compte de l’environnement, des formations spécifiques à l’utilisation d’armes semi-automatiques…

Certes les FDC vont nous dire qu’elles n’ont ni le temps ni le personnel pour cela (et c’est probablement vrai) mais on pourrait alors leur suggérer de rationaliser et d’uniformiser leurs formations. A titre d’exemple, on peut s’étonner qu’une formation chef de battue ou de ligne suivie dans un département ne soit pas reconnue dans le département voisin. Exemple ci-dessous.

Les outils évoqués lors du dernier CNCFS amélioreront-ils la sécurité ?

Lors du dernier CNCFS, la FNC a demandé à ce que les monoculaires ou jumelles thermiques et les caméras type shotkams soient autorisés « pour des raisons de sécurité ».

En ce qui concerne les thermiques, Willy Schraen cite l’exemple de deux accidents mortels survenus au crépuscule et déclare que l’usage d’appareils thermiques aurait peut-être pu éviter la confusion entre un chasseur et un sanglier. On peut en douter, les thermiques vendues dans le commerce ne sont efficaces qu’en terrain ouvert ; dès que des buissons, fourrés ou arbustes s’interposent entre le chasseur et ce qu’il observe, il est impossible de distinguer autre chose qu’une tache de chaleur. Ce ne sont pas des appareils de qualité militaire, ils n’éviteront pas la confusion dans ce cas de figure. Le gain en terme de sécurité est donc discutable mais au moins ces thermiques n’incitent pas le chasseur à faire des bêtises.

Ce qui n’est pas le cas des shotkams. Demander leur autorisation est surprenant. Ces appareils avaient été interdits, à juste titre, il y a 10 ans pour des raisons de sécurité. Rappelons ici la déclaration de la FNC à l’époque.

« Après une réflexion approfondie et partagée avec nos partenaires cynégétiques, nous sommes arrivés à la conclusion que si le principe de la caméra n’était pas en cause, il fallait en tous cas proscrire la fixation sur l’arme elle-même. Dont on ne répétera jamais assez qu’elle est faite pour tuer. Et pas pour filmer. Au risque de distraire la nécessaire concentration du chasseur au moment du tir. Cette position est partagée par l’ONCFS et l’ANCGG. Nous nous en sommes alors ouverts au Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie qui a inscrit le sujet à l’ordre du jour du dernier Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage. L’ensemble des représentants de chasseurs s’est prononcé sans ambiguïté contre ce dispositif de fixation sur l’arme ».

Ceci avait conduit à la prise d’un arrêté le 21 mai 2015 qui interdit : « l’emploi sur les armes à feu et les arcs d’appareils disposant de fonctions de capture photographiques ou vidéos. » 

Il semble qu’aujourd’hui ces appareils, dont on sait très bien qui va les utiliser et dans quels buts, soient devenus des outils indispensables à la sécurité. Le président de la FNC déclare : « Nous ne souhaitons autoriser que les modèles de type Shotkam ou dérivés qui ne se déclenchent qu’au moment du tir. » Le problème est que le déclenchement de l’enregistrement est réglable à volonté par l’utilisateur. Rien n’indique de l’extérieur que la caméra est réglée pour ne se déclencher qu’au moment du tir. Vous ne saurez donc jamais si la personne équipée de ce gadget respecte la réglementation ou pas, les agents de l’OFB non plus. A titre d’exemple voici une copie d’écran du site Shotkam qui explique comment passer en enregistrement continu, vous verrez qu’il n’y a rien de plus simple. Les pays qui autorisent ce dispositif n’imposent d’ailleurs pas de restrictions de ce type.

Quant à faciliter la recherche au sang en ayant une image précise de l’impact sur l’animal, l’ANCGG ne semble pas convaincue et le dit dans une note du 10 mars 2025. « L’utilisation des caméras de canon n’améliore pas l’analyse d’une éventuelle réaction de l’animal au moment du tir pour faciliter la décision d’un contrôle de tir par un conducteur spécialisé. L’inévitable mouvement du canon au moment du coup de feu engendre une saccade de la caméra qui rend très souvent difficile l’appréciation de la réaction de l’animal lors du tir sur le film obtenu. »

Il semble qu’aucun des accidents mortels de la saison écoulée n’aurait été évité par ces deux dispositifs. Leur autorisation ne satisfera que les marchands du temple, les influenceurs et les chasseurs qui peuvent se permettre de dépenser 500 euros pour une thermique (prix minimum pour un appareil de qualité très moyenne) et 799 euros pour une shotkam. Nous sommes loin de la chasse populaire que nous devrions défendre et promouvoir.

Gardons aussi présent à l’esprit que les meilleures formations seront sans effet sur l’individu qui décide de s’affranchir des règles. Dans ce cas, c’est à nous de faire le ménage et d’expulser sans ménagement les mauvais éléments.


  1. Communiqué relatif au projet de prolongation de l’ussage de la chevrotine dans les Landes. ↩︎

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2 commentaires sur « Analyse des accidents de chasse de la saison 2024-2025 »

  1. Bonjour Denis,Je me permets une remarque quant aux termes utilisés: autant celui d’accident semble justifié (et encore, le caractère inévitable d’un accident ne l’est pas forcément à la chasse) autant celui d’incident tend, je trouve, à minimiser l’importance de l’évènement (surtout dans l’inconscient des gens). Il est défini comme : « un événement peu important en lui-même, mais capable d’entraîner de graves conséquences » (de type arme qui reste chargée pendant le transport ou entre les battues, etc tant que le coup ne part pas, c’est un incident. après…).Je crois qu’il serait plus judicieux de rétablir la gravité de l’acte en distinguant accident aux personnes et aux biens. Tirer dans une maison n’est pas un incident, si quelqu’un à l’intérieur prend la balle, ce n’est même plus un accident (sauf ricochet).Pour le reste, je constate une désinvolture évidente aux formations, écoutées d’une oreille distraite et perçues comme un un moment subi juste parce qu’il est obligatoire. Effectivement, sans la sanction d’une épreuve pratique, les gens ne se sentent pas concernés (surtout les anciens).Enfin, je suis entièrement d’accord sur les faux arguments de la chevrotine, des shotcam et autres thermiques…Merci pour ces analysesbien à toiNW

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    1. La définition des mots accidents et incidents est faite par l’OFB pour distinguer les faits ayant entraîné ou non des conséquences corporelles. La distinction entre accidents aux personnes et aux biens est ainsi faite.
      Si quelqu’un prend une balle dans une maison, que ce soit en tir direct ou par ricochet, c’est un accident.
      Mais je suis d’accord, bien des incidents pourraient avoir des conséquences graves.

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