De prime abord, cela paraît être une bonne idée mais qu’en est-il après réflexion ? Tout décideur sait qu’avant de se lancer, il faut évaluer les avantages, les inconvénients et les risques. Appliquons donc cette méthode à la liste rurale qui pourrait se présenter aux élections européennes.

Les avantages

Il y en a. Tout d’abord, se présenter à une élection permet d’aborder, lors de la campagne électorale, les sujets qui nous tiennent à coeur et de les amener à la connaissance du plus grand nombre.

Ensuite, si cette liste a du succès et si elle atteint le seuil des 5%, elle enverra des députés au parlement européen. Il faut alors souhaiter qu’il soient assidus et rigoureux pour défendre toutes les composantes de la ruralité (et pas seulement la chasse).

Être présent dans les instances européennes est indispensable car les États ont délégué beaucoup (trop ?) de pouvoirs à l’Union. Rappelons-nous que des textes extrêmement handicapants pour la chasse sont issus de la technocratie européenne : directive oiseaux, interdiction du plomb, définition extensive des zones humides…

Avoir quelques députés pour nous défendre semble donc être une bonne idée.

Les inconvénients

L’inconvénient majeur de cette liste est qu’elle soit perçue comme une manoeuvre politicienne. D’ailleurs, il n’aura pas fallu longtemps pour que les langues se délient. Quelques jours seulement après l’annonce d’une possible liste « rurale » aux élections européennes, les indiscrétions ont filtré. Le JDD et Radio France s’en font l’écho.

« L’idée, c’est de piquer des voix à Marine Le Pen aux européennes« , décrypte une figure de la majorité. Thierry Coste est en effet un proche d’Emmanuel Macron et l’aurait prévenu de son initiative.

Lucien Petit-Felici – Le JDD

Tout le monde s’attend à un mauvais score pour le parti présidentiel Renaissance lors des élections européennes. L’idée est de lancer des petites listes qui pourraient prendre des voix aux partis d’opposition afin de réduire l’écart entre eux et Renaissance.

La résurrection d’un tel mouvement en France ne semble pas poser problème à Emmanuel Macron. Dans son entourage, on part du principe qu’une liste de chasseurs nuirait essentiellement au Rassemblement national. 

Radio France

Évidemment, les parrains de cette liste s’en défendent et assure qu’elle sera « transpartisane ».

Cela rappelle quand même beaucoup la manoeuvre de l’UMP en 2007 qui avait bien poussé la liste de CPNT pour handicaper celle du Front National. Quelques années plus tard, reprendrait-son les mêmes recettes ?

Si cela s’avérait être le véritable but de cette liste, ce serait un très mauvais signal envoyé aux gens qu’elle dit vouloir défendre… Cela voudrait dire qu’ils ne sont considérés que comme des variables d’ajustement et comme une roue de secours du parti résidentiel. Cela voudrait aussi dire que la défense de notre cause est bien peu de choses comparée aux intérêts de certains.

La confiance légitimement acquise jusque-là par Willy Schraen auprès des chasseurs pourrait en pâtir durablement. Et c’est là un autre inconvénient.

Les risques

Encore plus grave, les parrains de la liste prennent le risque d’un mauvais score que nos opposants ne manqueront pas de nous rappeler et qui servira à nous marginaliser auprès des élus. Imaginez que cette liste fasse moins que celle du Parti Animaliste (qui avait obtenu 2,16% en 2019 soit 450 000 votants). Pas besoin d’être grand clerc pour savoir ce qui nous attend ensuite. Quant à faire mieux que EELV, c’est peu probable car c’est une élection qui leur est traditionnellement favorable (13,48% en 2019). Rappelons-nous que le meilleur score de CPNT fut 6,7% en 1999.

Imaginez les lobbyistes anti-chasse après un mauvais score de la liste rurale ; ils vont se ruer sur les ministres, les députés et les élus en comparant nos résultats et ceux des « défenseurs de la cause animale ». Pour cela ils ne se gêneront pas et additionneront les voix du PA et d’EELV. Ensuite le discours est simple : « Qui voulez-vous soutenir ? Des chasseurs qui font un mauvais score ou nous qui totalisons bien plus de voix ? »

Quelle sera la ligne politique des élus ?

Bien sûr, envoyer des élus défendre la ruralité au Parlement européen peut sembler intéressant mais, en admettant même qu’il y en ait, ils seront trop peu nombreux pour former un groupe. Lequel vont-ils rejoindre ? Il serait bon que cela soit dit avant les élections. Les électeurs doivent savoir quelle sera la ligne politique adoptée une fois au Parlement européen. Nous ne pouvons pas signer un chèque en blanc. Il faudra donc que ces élus n’oublient pas cette phrase de Carl Schmitt : « La distinction spécifique du politique, à laquelle peuvent se ramener les actes et les mobiles politiques, c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi. »

Si c’est pour rejoindre le groupe Renew Europe auquel sont rattachés les députés français de Renaissance (parti présidentiel), non merci ! Ce groupe a voté en faveur du « pacte vert » qui met en danger notre autonomie alimentaire et a des effets catastrophiques pour nos pêcheurs et éleveurs. Ce groupe a aussi voté pour l’interdiction des véhicules à moteurs thermiques. Les ruraux qui ont un besoin vital de leur voiture apprécieront ce vote à sa juste valeur. Les éventuels députés de cette liste devront choisir et annoncer avant les élections le groupe auquel ils souhaitent se rattacher.

Quid des autres problèmes auquel est confronté notre pays ?

On peut aussi se demander si une telle liste serait comprise, même par ceux à qui elle s’adresse. Le chasseur, pour ne citer que lui, est d’abord et avant tout un citoyen français confronté aux réalités quotidiennes de notre pays et du monde. Doit-il privilégier la chasse, même si c’est une passion, aux dépens de questions plus fondamentales ? Les journaux se font quotidiennement l’écho de l’état déplorable de notre pays ; l’inflation touche durement tous les ménages, l’insécurité est telle que l’on n’ose plus sortir à partir d’une certaine heure dans bien des villes ; la dette publique est abyssale… Bien sûr, la défense de notre mode de vie est importante mais doit-elle se faire aux dépens de l’état général de la France ?

4 commentaires sur « La liste « rurale », bonne ou mauvaise idée ? »

  1. Bjr,
    Votre analyse est judicieuse mais la Liste rurale de Mr Schraen pourrait se faire prendre des voix par une autre liste d’union pour la ruralité menée par le plus rural des hommes politiques ex député candidat à la Présidentielle certe aujourd’hui impliquée dans une vieille affaire de moeurs mais qui à n’en pas douter devrait se défendre : le célèbre Jean Lassalle qui lui n’a pas spécifiquement la connotation « chasse » mais qui en s’associant avec d’anciens CPNT / LMR pourrait damer le pion à W.S et Mr Coste : Considérant son score impensable de la dernière présidentielle : les 5% pourrait être atteint / la chasse défendue / les ruraux entendus / rassembler plus largement que le patron de la FNC aussi bien à droite qu’à gauche … De nombreux chasseurs s’expriment sur le sujet et le sentiment général est que le Président de la FNC qui a appelé à voter E.Macron est dans le mélange des genres en voulant briguer une place au parlement européen …
    MSlts en St Hubert

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